Diables: comment aborder mentalement une Coupe du Monde et la gérer au mieux?
Réaliser une bonne Coupe du Monde, tant sur le plan individuel que collectif, dépend de nombreux facteurs. C'est souvent dans la tête que se joue toute la différence. Comment les joueurs vont-ils vivre la compétition?
- Publié le 30-05-2018 à 14h40
- Mis à jour le 30-05-2018 à 14h43
Réaliser une bonne Coupe du Monde, tant sur le plan individuel que collectif, dépend de nombreux facteurs. C'est souvent dans la tête que se joue toute la différence. Comment les joueurs vont-ils vivre la compétition? Beaucoup de Diables rouges sortent d'une saison longue et éprouvante aussi bien physiquement que mentalement. Si pour un certain Kevin De Bruyne, cette année a été couronnée de succès, ce n'est pas le cas pour Nacer Chadli qui a connu la relégation ni pour Christian Benteke qui a très peu marqué. Leur approche mentale avant le mondial est donc bien différente. Une mise à niveau s'impose afin que les 23 Diables soient sur un même pied d'égalité. Comment ce processus se fera-t-il?
" Tous les joueurs ne réagissent pas de la même façon car cela dépend toujours du cas par cas ", explique Philippe Godin, professeur de psychologie du sport à l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve.
Quand commencer la préparation mentale d'une Coupe du Monde?
La préparation mentale d'un joueur est un travail de longue haleine: "Cela se déroule en continu. Il n'y a pas de travail particulier à faire quelques jours avant un grand tournoi. C'est déjà trop tard. Par contre, si un joueur connait un coup dur, une discussion pourra lui faire du bien. De manière générale, il n'y a pas de règle commune car chaque sportif réagit différemment et a ses propres méthodes de travail", explique le professeur universitaire.
Comment gérer mentalement une saison avec de moins bonnes performances sportives?
Nos Diables ont connu des saisons bien différentes. Si Michy Batshuayi à Dortmund ou Romelu Lukaku à Manchester United étaient particulièrement en verve, ce n'était pas le cas de Christian Benteke, beaucoup moins bien entouré à Crystal Palace que ses deux coéquipiers. L'ancien Liégeois n'a inscrit que 3 buts en 31 rencontres de Premier League.
Il sera important d'oublier cette saison et de passer à autre chose: "Les performances sportives évoluent toujours en dents de scie. Il est très compliqué de maintenir le même taux d'efficacité au fil des semaines, des mois et des saisons. Tout sportif doit continuer à être patient et résister à la frustration, la déception ainsi qu'à la colère. Quand le déclic se produira, le joueur repartira de l'avant. La fluctuation des performances fait partie de la carrière d'un sportif ", relate Philippe Godin.
Est-il difficile de rester concentré après une longue et éprouvante saison ?
Eden Hazard, Romelu Lukaku et Kevin De Bruyne pour ne citer qu'eux ont connu une saison pleine tandis que d'autres Red Devils comme Nacer Chadli ou encore Thomas Meunier ont eu un temps de jeu moindre. Pourtant, dans quelques semaines, ils devront tous être sur la même longueur d'onde. Une mise à niveau mentale est importante pour que les 23 Diables soient bien impliqués à la Coupe du Monde: "C'est dur mentalement de tenir le coup si longtemps. Avoir un objectif supérieur comme aller très loin à la Coupe du Monde peut amener les joueurs à se transcender. De plus, ils peuvent avoir, en plus de leurs objectifs collectifs, des buts individuels. Faire augmenter leur valeur marchande peut en faire partie. Si un joueur arrive fatigué de sa saison, sa motivation sera moins grande. Mais je ne doute pas que tous les Diables qui iront en Russie auront l'envie d'aller le plus loin possible. De plus, beaucoup de joueurs ont de l'expérience. Plus on en a, plus on arrive à être motivé pour les grands tournois", explique le professionnel en psychologie sportive.
Comment gérer un grand tournoi loin de sa famille?
Les joueurs y tiennent fort. La présence des proches est importante pour eux. Roberto Martinez l'a certainement bien compris. "C'est une question importante pour garder les joueurs motivés. Le staff doit établir un système de contact avec les familles. Il serait aberrant que rien ne soit mis en place. Interdire ce genre de chose est tout à fait stupide. Un jeune de 22 ans réagit différemment à la présence de sa famille qu'un joueur de 32 ans qui a des enfants. Chaque joueur doit être conscient quand il part qu'il va être écarté un petit peu de ses proches. Le mieux est d'établir un système ficelé où tout le monde s'y retrouve".
Rester longtemps avec le même groupe peut-il lasser des joueurs?
Pendant plus de cinq semaines, les Diables vont se cotôyer au quotidien. Ils seront ensemble presque jour et nuit. Il est désormais primordial de savoir faire vivre ce groupe ensemble. L'Union Belge a tenté d'installer les Diables dans les meilleures conditions à Tubize. "Une promiscuité qui dure quelques semaines peut potentiellement devenir délétaire", explique M. Godin.
Des frères dans la sélection, bonne ou mauvaise chose?
Dans la sélection élargie de 28 joueurs dévoilée par Roberto Martinez, deux joueurs peuvent avoir la chance de vivre une Coupe du Monde avec leur frère. Eden et Thorgan Hazard ainsi que Jordan et Romelu Lukaku figurent parmi ces privilégiés. "Être entre frères, c'est un avantage évident pour eux. Ils peuvent traverser des moments plus durs ensemble. En revanche, c'est un désavantage pour les autres car ils pourraient souffrir de n'avoir personne de leur famille aussi près d'eux pour les aider", précise le doctorant.
Négocier un transfert durant le Mondial, le meilleur moyen d'être perturbé?
On le sait, le Mondial sera une vitrine énorme pour les footballeurs. Ils auront l'occasion de se mettre en valeur et d'attirer peut-être les regards de certains clubs. Des transferts se bouclent toujours durant les grands tournois. Cette donnée peut d'ailleurs perturber les joueurs, qui gardent ça dans un coin de leur tête: "Beaucoup de facteurs entrent en jeu. L'entourage du joueur fait beaucoup. Un joueur dont la valeur marchande est passée de 100 à 120 millions d'euros sera moins perturbé que le joueur qui s'est bien illustré et a fait passer sa côte de 5 à 50 millions. Les joueurs peuvent avoir la tête ailleurs et moins s'impliquer dans le groupe. En revanche, négocier un transfert durant un tel tournoi peut amener le joueur à se dépasser. De nouveau, c'est au cas par cas", conclut Philippe Godin.
La gestion émotionelle sera une des clés d'un éventuel succès noir-jaune-rouge. Les Diables ont jusqu'au 18 juin pour être prêts.