Sur les traces de Roberto Martinez, en Espagne: "Il a refusé 40 millions en Chine!"
Rencontre exclusive avec la famille de Roberto Martinez et notamment avec son père, l’homme qui l’a le plus influencé.
- Publié le 31-08-2016 à 11h02
- Mis à jour le 31-08-2016 à 11h59
Rencontre exclusive avec la famille de Roberto Martinez et notamment avec son père, l’homme qui l’a le plus influencé. Balaguer, à deux heures de route de Barcelone, à l’intérieur du pays. C’est là, dans cette ville catalane plutôt quelconque de 16.000 habitants, que Roberto Martinez a passé la majeure partie de ses 22 premières années.
Il y a fait ses premiers pas de footballeur, au Balaguer CF, club de D3, avant ses débuts pros à Saragosse. Nous y avons rencontré ses parents, Roberto et Amor, qui nous ont accueillis les bras ouverts.
"Des journalistes belges ? Soyez les bienvenus. Ici, on adore tous déjà la Belgique !"
De l’aveu du nouvel entraîneur des Diables, c’est son père qui a le plus influencé sa carrière. Parce qu’il lui a transmis, en premier, l’amour du ballon rond.
"J’ai joué au football à Balaguer jusqu’à mes 43 ans. J’adorais ça", raconte le père Martinez, aujourd’hui âgé de 83 ans. "Le jour de la naissance de ma fille, qui a pointé le bout de son nez à 8 heures du matin, j’ai appelé le délégué de l’équipe pour lui dire : ma femme est en train d’accoucher mais si tu as besoin de moi pour le match aujourd’hui, je viens ! Quand j’ai vu la famille d’Amor arriver pour prendre soin d’elle et du bébé, je leur ai dit adios et je suis parti jouer ! Mon fils est devenu le même passionné que moi à l’époque. Je ne l’ai jamais obligé à jouer au football, mais il me suivait partout et a voulu prendre le même chemin que moi. S’il n’a pas vraiment d’autre hobby, c’est parce qu’il a suivi mon exemple…"
Amor, la mère, tenait un magasin de chaussures. Elle se souvient à quel point tout tournait autour du ballon rond pour Robert - c’est comme ça que sa famille l’appelle en catalan. "Il avait invité une petite amie à la maison, pour un repas. Je lui ai dit : tu es la bienvenue, mais si tu veux entretenir une relation avec Robert, tu dois savoir quelles sont les trois choses les plus importantes pour nous. Un : le football. Deux : le… football ! Et trois : la famille. Quand tu te maries avec un camionneur, tu sais que ton mari peut partir toute la semaine et que tu seras seule avec les enfants. Avec Roberto, ce sera pareil. Il ne compte pas ses heures… "
L’anecdote de Roberto enfermé dans les locaux de l’Union belge à cause de ses heures sup n’a donc pas étonné sa famille. "Ça, c’est tout Robert !" s’amuse-t-elle. Sa sœur Antonieta confirme : "Il est très consciencieux et très professionnel. Il ne pense qu’au foot."
"Voilà pourquoi Robert cherche à s’installer près du centre d’entraînement de Tubize", explique son père. "Il avait déjà fait ça quand il était en Angleterre, en s’installant tout près du centre d’Everton. Il se levait tous les jours à six heures et demie pour aller au club. Il ne rentrait jamais avant 21h. Il avait sans cesse en tête des idées sur le football…"
Ce workalholic est à ce point focalisé sur son travail qu’il a demandé à sa famille de… ne pas venir assister à Belgique - Espagne. "Nous voulions venir à Bruxelles, mais Robert nous a dit qu’il n’avait pas encore de maison pour nous loger et surtout qu’il n’aurait pas vraiment le temps de nous voir. Car après, il partirait vite à Chypre", narre Antonieta, compréhensive.
"On se rattrapera plus tard", promet Roberto Martinez senior. "J’adore voir les équipes entraînées par mon fils. J’étais donc supporter d’Everton et désormais, je suis fan de la Belgique. Si les Diables Rouges sont champions du monde, je réaliserais mon dernier vœu. Je pourrai mourir tranquille…"
"Il aime Lukaku et Mirallas"
"Je ne me permets pas de donner de conseils à Robert, il sait ce qu’il fait !" Mais le père a tout de même quelques confidences sportives. "Il aime Lukaku et Mirallas. Avec Lukaku, il s’est passé quelque chose de particulier. Robert était toujours le premier qu’il venait voir pour célébrer un but… C’est vraiment un bon garçon. Mirallas aussi, d’ailleurs. Il faudra des joueurs de ce talent pour réussir, ce dont la Belgique dispose. On a beau être un bon coach, le plus important reste de mettre des buts ! Pour ça, il faut des bons joueurs. Dans le foot, si tu ne marques pas, tu ne vaux rien… Roberto devra aussi gérer ceux qui ne jouent pas. Mais c’est une de ses grandes forces. Il a toujours été un vrai manager, davantage qu’un simple entraîneur."
"Jamais d’alcool et du jambon dans son tiroir"
Roberto Martinez ne boit jamais un verre d’alcool. Il tient ça de son père, ancien joueur de D3 espagnole. "Moi, je prends juste parfois un peu de vin en mangeant", raconte le père. "Mais Roberto, lui, n’a jamais voulu boire ou fumer. Car il voulait rester fort. La seule exception, c’était au mariage de son meilleur ami. Pour fêter ça, il avait mélangé du champagne et du Seven Up . Ça n’a pas dû lui plaire !"
Le nouveau sélectionneur des Diables fait aussi attention à ce qu’il mange mais en bon Catalan, il est fan de jamon. "En Angleterre, le climat ne lui permettait pas de conserver de grandes pièces de jambon. Il en ramenait donc des petites pièces. Au travail, il en avait toujours dans le tiroir de son bureau pour en offrir à ses invités…"
"Roberto aurait pu gagner 40 millions en Chine, mais il a refusé"
"Robert travaille en équipe." La fidélité de Roberto à ses adjoints est aussi une fierté pour sa famille. Pour l’illustrer, Roberto Senior raconte ses contacts avec un club… chinois.
"Il est allé discuter en Chine, où il pouvait gagner 40 millions sur deux ans ! Mais il devait s’y rendre seul et il a refusé. Sans son équipe de collaborateurs, ce n’était juste pas possible pour lui. Dans un premier temps, la Fédération belge lui avait également demandé de venir seul. Par après, elle lui a dit qu’il pouvait prendre un adjoint et finalement, il a également fait venir un préparateur physique et un entraîneur de gardiens. Ce sont des personnes de confiance, très importantes pour lui."
"On fera de la place pour le trophée du Mondial"
Amor, la mère de Roberto, a consacré une pièce de l’appartement familial à son fils. Elle nous en ouvre fièrement la porte
À l’abri des arbres sur cette rue du centre de Balaguer, les terrasses sont bondées, les locaux venant y chercher un peu de fraîcheur en cet été brûlant. C’est sur ces pavés que le petit Roberto venait jouer au football. Ses parents habitent toujours dans l’appartement de son enfance, au quatrième étage.
Très aimablement, la mère de Roberto assez joliment prénommée Amor, nous invite à visiter la demeure familiale. Où elle a consacré une pièce entière à son fils prodige. Enfin presque, on y voit tout de même une photo d’Antonieta, la sœur, aujourd’hui en charge des événements pour la commune de Balaguer.
"Mais je ne suis pas jalouse", sourit-elle. "Nous sommes tous tellement fiers du parcours de Roberto… Je suis plus âgée de huit ans et j’ai beaucoup joué avec lui comme s’il était ma poupée. Et maintenant, le voilà devenu grand entraîneur de football…"
Sous le regard amusé mais heureux du paternel, la mère de famille devient la guide en chef. Elle commence par nous montrer les diplômes de Roberto. Dont celui en physiothérapie à l’université de Saragosse. Comme si ça passait avant le foot.
"La seule chose que sa mère a demandé, c’est qu’il termine ses études à Saragosse avant de se concentrer sur le foot", raconte Roberto senior. "Il l’a fait et de quelle manière ! Amor lui a même demandé pourquoi il étudiait autant, vu que la moitié des points suffisait pour passer. Il a répondu qu’il voulait un diplôme mais aussi de très bonnes notes…"
Une fois l’université terminée, Roberto s’est concentré sur le football, signant une carrière honorable qui le vit passer par Wigan et Swansea. Comme l’en attestent ses trophées de Joueur du Mois en D2 anglaise. Mais c’est surtout en tant qu’entraîneur que Roberto a commencé à sortir du lot. Avec Swansea, Wigan et Everton.
L’un des trophées dont la famille est le plus fier, c’est le Prix du mérite sportif du gouvernement catalan. Martinez l’avait reçu car il était le premier entraîneur catalan à œuvrer en Premier League.
"Voilà un prix que Guardiola ne pourra jamais gagner en Angleterre !" s’amuse Pau, son neveu.
Amor prend son temps. Elle parcourt avec nous de nombreuses coupures de presse, dont les plus récentes, en espagnol, évoquent la nomination de son fiston à la tête des Diables. Le dernier article affiche un titre en grosses lettres : "Enfant de Catalogne, roi de Belgique."
"Vous pouvez m’envoyer quelques journaux belges pour compléter la collection ?" interroge-t-elle aimablement. "Je n’ai plus beaucoup de place, mais si Robert ramène un trophée de la Coupe du Monde en Russie, je rangerai ma pièce pour aménager un bel endroit." C’est tout ce qu’on espère.
Demain dans la DH, retrouvez la suite de notre reportage et découvrez notamment les premières années de Roberto Martinez en tant que joueur et entraîneur de jeunes