Un jour, un Diable: Nacer Chadli, le futur mannequin de la bande
Souffrant d’une maladie aux poumons, Ramdan Chadli, le papa du Diable Rouge, est comblé par son fils. Il nous raconte le parcours de sa progéniture.
- Publié le 11-06-2014 à 15h20
- Mis à jour le 11-06-2014 à 15h41
Souffrant d’une maladie aux poumons, Ramdan Chadli, le papa du Diable Rouge, est comblé par son fils. À 24 ans, Nacer Chadli va vivre la première Coupe du Monde de sa carrière. Une réalité qui remplit de joie toute la famille Chadli et spécialement son papa, Ramdan.
Âgé de 72 ans, le père de notre Diable va suivre avec une attention toute particulière ce Mondial brésilien non pas au Maroc, où il avait décidé de rentrer il y a quelques années mais bien dans sa maison de Visé.
Malade, Ramdan souffre de graves problèmes pulmonaires depuis deux ans et se déplace toujours avec une bouteille d’oxygène. "Avec ce dispositif, je ne peux pas aller bien loin. Je dois faire attention aux infections. À plusieurs reprises, Nacer a demandé à ce que je vienne le voir à Londres. Mais avec ma bouteille d’oxygène, c’est très compliqué" , raconte Ramdan. "L’opération, considérée à risques, s’est finalement bien déroulée. J’ai ainsi pu bénéficier de dix magnifiques années supplémentaires !"
Très croyant, Ramdan ne s’apitoie pas sur son sort. "C’est Dieu qui décide. Il y a beaucoup d’enfants qui sont atteints de maladies graves, je ne peux donc pas me plaindre. J’ai 72 ans, je suis déjà très content d’être toujours de ce monde."
Pour Nacer Chadli, la maladie dont souffre son papa n’a pas toujours été facile à accepter. Le joueur de Tottenham aide son père autant qu’il le peut. La maison dans laquelle Ramdan vit à Visé a été achetée par Nacer tout comme la Volkswagen Golf qui est garée juste devant. "Il me l’a offerte en arrivant en Angleterre. Auparavant, je n’avais pas de voiture. Nacer est toujours le premier pour faire des cadeaux."
Concernant son état de santé, Ramdan ne s’est jamais victimisé aux yeux de son fils. Lorsqu’il s’agit d’évoquer sa maladie avec son fils, papa Chadli est très peu prolixe.
"Nacer m’appelle plusieurs fois par semaine, c’est un garçon doux et sensible. Lorsqu’il parle de mon état de santé, je suis souvent expéditif. Je ne veux pas que mes enfants s’inquiètent pour moi. Nacer doit se concentrer sur son métier, sur son football."
Menuisier de formation, Ramdan est arrivé en Belgique en 1966. "Je gagnais ma vie au Maroc avant de rejoindre la Belgique où ma sœur vivait. Ici, c’était facile de trouver du travail. J’ai ainsi travaillé pendant sept ans dans les mines à Winterslag, Waterschei et Heusden-Zolder jusqu’à ce qu’elles ferment. J’ai ensuite trouvé de l’embauche en tant que menuisier dans une usine où j’ai travaillé 20 ans. Les poussières des mines ajoutées à la sciure ont contribué à mes problèmes pulmonaires."
Sa famille, ses enfants, Ramdan en est très fier. "Dans la famille, nous comptons une assistante sociale, une avocate, un comptable à l’usine d’armes de Herstal et un footballeur professionnel. J’ai toujours été persuadé que Nacer percerait même lorsqu’il a été écarté au Standard. Il a toujours été possédé par le football."
Ce 17 juin, Ramdan Chadli sera donc devant son téléviseur pour le premier match des Diables face à l’Algérie. Pourtant fier de la réussite de son fils, Ramdan Chadli n’affiche pas beaucoup de photos de son fils sur les terrains de foot. Pour Ramdan, l’essentiel est ailleurs.
"Comme je l’ai déjà dit, j’ai la chance d’avoir des enfants doux. Ils sont bien éduqués, ont fait des études et sont loin d’être stupides. Ce qui me rend donc le plus fier, c’est que Nacer s oit poli, aimable et aimé de tous. Il a toujours gardé les pieds sur terre et ne s’est jamais pris pour un autre."
"Il jouait à l'intérieur avec des boulettes de papier"
S’il s’exprime balle au pied, Nacer Chadli est un jeune homme très calme et réservé en dehors des terrains. Des traits de caractère qui étaient déjà les siens dès son plus jeune âge. "Nacer a toujours été un enfant très sage. Ce n’est pas quelqu’un d’expressif. Je le trouve timide. J’irai même jusqu’à dire que cela se voit aussi quand il est sur le terrain" , confie Naoual, sa sœur aînée.
Enfant, Nacer Chadli s’est rarement attiré les foudres de ses parents. Il faut dire que chez les Chadli, on ne plaisantait pas avec la discipline. " Je ne me souviens pas d’une grosse engueulade. Chez nous, il y avait de la discipline. Le foot, c’était bien, mais cela passait après les études. Nacer a toujours appris à terminer ses devoirs avant de taper dans le ballon. Mes parents ont insisté pour qu’il termine ses études."
Le ballon a très rapidement été la passion du jeune Nacer qui, dès le plus jeune âge, regardait les matches et apprenait les gestes techniques de ses idoles. "Il a toujours été passionné par le foot. Dès l’âge de quatre ans, il regardait les matches à la télé, tous les matches ! Il était vraiment mordu."
Mordu au point de trouver n’importe quel stratagème pour ramener tout au football. "À la maison, il était interdit de jouer au ballon à l’intérieur. Nacer avait alors trouvé une feinte. Il faisait des boulettes avec du papier et tapait dedans à longueur de journée."
Des carreaux, Nacer Chadli en a brisés dans la maison familiale. "Certainement, même ceux du voisin" , se souvient Naoual.
Lorsqu’il jouait à la console, Nacer Chadli se mettait également à rêver. "Il disait, qu’un jour, il aurait son propre personnage."
Après avoir fait ses premières armes sur le terrain du FC Thier à Liège, Nacer Chadli a pris la route du Standard à l’âge de neuf ans. "Quand on lui a dit qu’il avait été repéré par le club liégeois, il était aux anges."
Malheureusement, l’histoire entre le matricule 16 et Nacer s’est terminée à ses 16 ans lorsqu’il a été invité à quitter le centre de formation. "Il voulait tout arrêter. Il était vraiment dégoûté. Avec toute la famille, on l’a soutenu en lui faisant comprendre que le football ne se résumait pas au Standard. Il a alors pris des renseignements auprès de joueurs qui avaient également quitté le club liégeois pour voir où ils en étaient. Plusieurs clubs lui ont été suggérés comme Saint-Trond. Sur conseil d’un ami, il est parti au MVV Maastricht, aux Pays-Bas où il a explosé."
"Je n'ai pas influencé le choix de Nacer"
En 2011, alors qu’il avait le choix entre la Belgique et le Maroc, après plusieurs hésitations, Nacer Chadli a opté pour les Diables Rouges. Lors du reportage consacré à la famille Chadli dans le cadre des 50 ans d’immigration marocaine en Belgique, on y voit Nacer Chadli appréhender le moment d’annoncer son choix final à son papa. "Je n’ai pas influencé le choix de Nacer. Je ne lui ai jamais dit de choisir le Maroc" , précise-t-il. "Il était assez grand pour prendre la décision. Il est né en Belgique qui est son premier pays. Ici, il connaît tout le monde, au Maroc, ce n’est pas le cas." Aujourd’hui, Nacer Chadli est supporté aussi bien en Belgique qu’au Maroc. "Au pays, j’ai plusieurs cousins qui étaient ravis lorsque Nacer avait disputé un match amical avec la sélection du Maroc. Aujourd’hui, ces mêmes cousins seront les premiers supporters de Nacer sous le maillot belge."
"Il finira mannequin"
Élégant sur le terrain, Nacer Chadli l’est également en dehors ne laissant pas la gent féminine insensible. Le Liégeois de 24 ans a toujours été passionné par la mode et cela se ressentait déjà lorsqu’il était enfant.
"Je me souviens d’un garçon très propre sur lui, très soigneux avec ses vêtements. Ses chaussures étaient toujours parfaitement cirées. Je ne l’ai jamais vu arriver à l’entraînement avec des crampons sales" , précise Christophe Lonnoy.
Tony Rosset, son ancien délégué, se souvient d’un joueur méticuleux. "Il avait déjà le sens du bon goût. On n’a jamais eu à lui dire de ramasser ses affaires. Il était très soigneux et toujours bien habillé. Lorsqu’il arrêtera sa carrière de footballeur, je suis certain qu’il deviendra mannequin ." (rires)
En 2012, Nacer Chadli a ouvert un magasin de vêtement, Shaza , à Liège.
"J’ai toujours été intéressé par la mode. Je consultais souvent les nouvelles lignes de vêtements sur le Net ", précisait-il le jour de l’ouverture.
"Il n'aimait pas jouer à gauche"
C’est dans le quartier du Thier à Liège que l’histoire d’amour entre le ballon rond et Nacer Chadli a débuté. À cinq ans, le petit Nacer chaussait ses premiers crampons dans le club de son quartier, le FC Thier à Liège. "Il avait déjà pris l’habitude de taper le ballon sur le terrain en face de notre maison" , se souvient sa sœur Naoual.
À l’instar d’Axel Witsel, avec qui il se lie d’amitié lorsque ce dernier le rejoint au Standard, Nacer Chadli a énormément appris du foot de rue. Après quatre années passées au FC Thier à Liège, Nacer est repéré par le Standard.
"Je me souviens d’un enfant très calme, très réservé" , conte Guy Dechamps qui fut son premier coach à Sclessin.
Ce qui frappait d’entrée le formateur, c’était la soif de savoir du jeune Nacer. "Il était toujours à l’écoute et à l’affût du moindre conseil."
Des propos corroborés par Christophe Lonnoy qui a également été le formateur de Chadli au Standard. "Ce n’était peut-être pas le plus doué de sa génération mais assurément le plus appliqué. C’est à force de travail qu’il en est arrivé là aujourd’hui. Quand on travaillait la technique et la tactique, tout l’intéressait même des consignes qui ne lui étaient pas destinées à la base."
Sous les ordres de Guy Dechamps, Nacer Chadli, droitier, a appris à se servir de son pied gauche très rapidement malgré quelques protestations. "Lors d’un tournoi à Virton, j’ai décidé de le positionner sur le flanc gauche afin qu’il se serve de son pied gauche et qu’il puisse rentrer dans le jeu. Il m’a avoué par après que cela l’avait passablement ennuyé, mais qu’il était vraiment reconnaissant car il avait désormais une arme supplémentaire dans son jeu."
Déjà à neuf ans, ses qualités sautaient aux yeux. "Il n’était pas le plus explosif, mais il avait une certaine intelligence dans son jeu. Balle au pied, il était élégant, comme aujourd’hui" , conclut Guy Dechamps.