Un jour, un Diable: Vanden Borre, "un caïd au cœur d'or"
Anthony Vanden Borre a connu une jeunesse folle jusqu’à son départ pour l’Italie. Une histoire que nous content son formateur et son voisin.
- Publié le 09-06-2014 à 17h23
- Mis à jour le 10-06-2014 à 13h55
Anthony Vanden Borre a connu une jeunesse folle jusqu’à son départ pour l’Italie. Une histoire que nous content son formateur et son voisin. Tout s’est passé à Anderlecht pour Anthony Vanden Borre. Depuis sa naissance, le ket de Bruxelles arpente les rues du sud-ouest de la capitale. Il n’a jamais manqué de rien, même s’il ne roulait pas sur l’or. Quand ses potes se terraient chez eux au chaud et jouaient à la Playstation, lui, il allait s’écorcher les genoux au parc avec d’autres potes. "C’est d’ailleurs là que je l’ai rencontré pour la première fois" , lâche Guens, son voisin de toujours. "Ils n’avaient pas de goal mais visaient des poteaux. Je pensais que c’était impossible. Il m’a fait un crochet et a décoché une frappe droit sur le poteau. Il avait à peine onze ans et on peaufinait tous nos mouvements à l’agora. Quand on lisait un truc, quand on voyait une vidéo, on essayait de le reproduire."
À l’époque, Anthony était déjà l’une des stars des équipes de jeunes d’Anderlecht. Eddy Van Daele fut son coach durant plusieurs années. À dix ans déjà, il faisait forte impression à ses entraîneurs. "Il était sûr de lui et de ses qualités. Il ne fallait pas trop l’embêter car il avait un caractère bien trempé. Un parent était venu se plaindre que son fils avait été bousculé par Anthony car il avait piqué sa place sous la douche. Ce n’était rien de méchant mais il savait se faire respecter. Il était aussi du style à défendre ses amis quand il se faisait tacler. Il ne donnait pas un coup en douce mais le faisait au nez et à la barbe de l’arbitre. Je devais parfois le rappeler à l’ordre. Niveau foot, il était doué et très puissant à tel point qu’il avait parfois des difficultés pour contrôler le ballon lorsqu’il était en mouvement. Mais ces choses-là, il les a améliorées avec le temps et ses sessions au parc avec ses amis de toujours."
C’est d’ailleurs de là que vient son aisance balle au pied. Car s’il est puissant, Vanden Borre est également un technicien hors pair. "Regardez son petit pont en fin de saison, cela prouve qu’il est en confiance , explique Van Daele. O.K., un entraîneur n’aime pas ça en A mais, à l’époque, on avait juste envie d’applaudir."
Pile ou face pourrait être son surnom tant il était ambivalent dans son comportement étant jeune. "Il fallait voir sa méticulosité et son sens de l’organisation , commente Guens. C’était presque de la maniaquerie. Si je ne refaisais pas son lit quand j’allais dormir chez lui, il m’engueulait."
Eddy Van Daele enchérit avec sa vision de formateur. "Il était vraiment consciencieux et surtout guerrier. Cependant, il pouvait parfois être un peu jouette et je devais le secouer. Je voyais son talent et je le considérais comme un jeune pro avec les exigences qui vont avec ce statut. Dans les grands matches, il se sublimait toujours mais avait du mal à se motiver face aux plus petites équipes."
Avec Vincent Kompany, ils mettaient le feu aux pelouses. "Anthony était le box-to-box et quand Vincent montait, il compensait derrière" , se souvient l’ancien formateur devenu scout. "Quand Anthony montait dans le jeu, personne ne pouvait le stopper. Il était capable de dribbler toute une défense. Ils étaient vraiment complices avec Vincent mais savaient aussi s’engueuler. Anthony avait peut-être plus de talent que son ami mais l’actuel capitaine des Diables a réalisé de meilleurs choix."
À l’époque, Anthony Vanden Borre ne manquait pas d’ambitions et voulait toujours gravir les échelons. "Neerpede possède trois terrains, le A, le B et le C , raconte Guens. Et il voulait toujours aller sur le A, chez les grands. Il était déjà ambitieux et en voulait toujours plus."
Passé pro à 16 ans, il se retrouve dans le grand bain du football.
"C’était trop tôt, il n’y a pas photo , explique Van Daele. À l’époque, il n’y avait pas une telle cellule sociale autour des jeunes. Un coach ne peut pas encadrer tous ses joueurs, il fallait quelqu’un en plus. Il était malheureusement mal entouré. Peut-être sa famille avait-elle trop peu de poigne par rapport à celle de Vincent, par exemple. Il arrivait parfois crevé au match car il s’était couché trop tard la veille."
Guens : "Et quand il voit ce que le Sporting fait pour Youri Tielemans, il se dit que c’est génial. Il aurait aimé avoir ça mais il s’est forgé dans la difficulté."
La timidité d’Anthony Vanden Borre lui a joué pas mal de tours durant sa jeunesse. "À 16 ans, c’est difficile de gérer le fait d’être joueur professionnel , explique Van Daele. Je l’avais prévenu qu’il faudrait se blinder car Anthony donne tout à ses amis sans compter. Il était prévenu que certaines personnes ne seraient ses amis que par intérêt et il avait tendance à être influencé. Trop de gens ont une fausse image de lui. On le voit comme une crapule mais, en fait, c’est un caïd au cœur d’or. Un gars foncièrement adorable."
Guens, son ami et voisin avec qui il joue encore régulièrement à la console, va même plus loin.
"S’il tient sa condition physique de son père, sa générosité vient de sa mère. Anthony te tend toujours les choses à pleines mains sans jamais attendre en retour. Si tu crèves un pneu, tu lui téléphones et il viendra. Il ne sait pas changer une roue mais il sera là."
"Tour pour lancer des projets sociaux"
S’il pense actuellement aux Diables, Anthony Vanden Borre a un plan de carrière en tête. "Il a appris à être patient, lance Jean-François Lenvain. Il voit plus loin, à dix ans. Il est déjà actif dans plusieurs projets sociaux mais ne fait pas trop de bruit autour de cela. Il a toutes les qualités pour s’investir dans des projets sociaux à l’avenir. Il a connu les jeunes des quartiers, a vécu des expériences difficiles. Puis, il possède ce côté grand frère. Il dit toujours ce qu’il pense aux jeunes."
"L'envie se lisait dans ses yeux"
Peter Smeets et Jean-François Lenvain ont permis à Anthony Vanden Borre de relever la tête après une série d'échecs. ils refusent toutefois de parler de deuxième carrière...
Le 25 novembre 2012 est un jour à noter d’une pierre blanche. Ce jour-là, Anthony Vanden Borre a pris une décision qui a changé sa vie. En 16 mois, il devait passer de joueur sans club et en surpoids à celui d’international belge. Retour sur un come-back de folie.
La première rencontre entre Peter Smeets et Anthony Vanden Borre se déroule alors que le joueur vient de passer dans le noyau A. "Je débarquais dans la cellule sociale et j’avais remarqué que l’encadrement n’était pas encore parfait", explique Peter Smeets, qui travaillait alors pour Anderlecht. "C’était l’époque où Anthony disait que le psy devait aller voir un psy (rires) . Je sentais déjà que ce gamin avait quelque chose en plus. À chaque nouvelle rencontre avec lui, je me disais qu’avec un accompagnement spécifique, il y avait moyen de faire de lui un grand joueur."
Après son passage à Genk, Anthony Vanden Borre a perdu pied et s’est retrouvé sans club. L’envie, elle, n’avait pas disparu, même si les hésitations étaient présentes dans son chef. "Via ses amis d’enfance, j’ai pu entrer en contact avec lui", poursuit son actuel accompagnateur. "Je lui ai demandé comment il envisageait son avenir. Il a réfléchi et m’a dit : "Je veux aller au Brésil." Il était sérieux, déterminé."
Le talent est là mais il en faut plus pour réussir; Peter Smeets le savait. "Nous avions un peu plus d’un an pour retrouver le top niveau. C’était logique de parfois connaître des moments de doute mais il voulait réussir; c’est la base de tout. Je voyais l’envie dans ses yeux, même s’il était conscient de la difficulté."
Il a lors démarré un travail de fond avec deux préparateurs physiques. "Il avait une dizaine de kilos en trop mais son corps était bien équilibré. Nous pouvions donc bosser à 100 %. Il a connu deux mois horribles durant lesquels il s’entraînait d’arrache-pied. Il a travaillé uniquement sans ballon. Pour poursuivre son come-back, il lui fallait un club."
Grâce à son agent, Christophe Henrotay, Herman Van Holsbeeck lui tend la main et le fait signer à Anderlecht pour qu’il ait les moyens de revenir. Jean-François Lenvain se voit alors confier la tâche d’encadrer le joueur. "Cela a mis un peu de temps avant qu’il ne se livre à moi ", lâche l’homme de la cellule sociale du Sporting, devenu ami proche du joueur. "Il était méfiant du monde du football mais lorsqu’il a couru les 20 km en poussant un enfant en chaise roulante pour l’association "tous à bord" , il a eu un déclic. Il était à la ramasse contre des coureurs du dimanche."
Après avoir décompressé durant les vacances, il revient en forme à la reprise. "Il avait encore quelques kilos en trop mais il a accepté de me suivre à 100 % , poursuit Lenvain. On a restructuré son mode de vie et on a redoublé d’efforts. On a regardé Rocky IV et je lui ai fait lire la biographie d’Andre Agassi dont le retour au premier plan l’a inspiré. Je le faisais sortir à 22 heures sous la neige pour le mettre dans l’inconfort."
Anthony prend toutefois un gros coup sur la tête lorsque Chancel Mbemba est appelé à sa place pour remplacer Guillaume Gillet à droite. "Il m’a dit que nous devions encore attendre , confie Smeets. Il ne voulait pas discuter avec le staff avant le match contre le Standard. Peut-être avait-il senti que ce match serait celui de son retour; ce fut le cas." Lenvain : "Il n’était pas encore prêt au moment de son retour au premier plan. Il était encore trop lourd mais il a poursuivi sur sa lancée pour devenir plus qu’un joueur. Anthony est désormais un athlète."
Des objectifs ponctuels sont alors fixés par ses deux accompagnateurs. D’abord rester dans l’équipe A puis en devenir un joueur important jusqu’à devenir l’un des 23 sélectionnés pour le Brésil. "Et il se remettait en question au quotidien , clame Smeets. Je dois lui tirer mon chapeau. Pas pour sa seconde carrière car elle n’existe pas mais pour l’ensemble de son seul et unique parcours qui fut semé d’embûches mais qui est loin d’être bouclé."