Fosses-la-Ville : à Vitrival, l’ancien corps de ferme métamorphosé en maison Abbeyfield
C’est la 5e maison Abbeyfield de Wallonie, et c’est à Vitrival qu’elle commence à écrire son histoire, dans un écrin juste fabuleux: un corps de ferme patrimonial restauré pour seniors désireux de donner du sens à leurs vieux jours.
- Publié le 20-04-2024 à 13h37
Ils et elles s’appellent Katia, Marie-Ange, Jacqueline, Luc et Norbert. Ils ont pour points communs d’être des seniors isolés et d’être venus se mettre mentalement au chaud dans la 5e Maison Abbeyfield de Wallonie, à Vitrival.
Au-delà de leur âge, compris entre 55 et 75 ans, ils partagent une même envie: vivre partiellement en communauté, parce qu’ils ont encore beaucoup de choses à partager et à offrir, peu importe que ce soit de la richesse ou de la fragilité. Pour en arriver là, ils ont dû rompre: avec la solitude de leur vie d’avant, entre les murs de leur maison devenue trop grande. Avec une diversité de souvenirs qu’il a fallu trier par le vide, meubles, collections et montagnes de papier. Ils ont aussi dû bien réfléchir à ce que ce choix impliquait, et se défaire de l’avoir au profit de l’être. Généralement, ils ont perdu leur conjoint.
C’était le 6 mai 2022
Dans le secteur du vieillissement et de la fin de vie, la formule de l’habitat collectif, groupé et autogéré, est en vogue. Elle donne du sens aux vieux jours. Seule exigence majeure requise: toujours jouir de son autonomie.
Avant d’emménager à Vitrival, dans des logements tout confort de 50 m2 maximum, les premiers locataires ont brisé la glace. Il a fallu se présenter, se raconter, s’apprivoiser. Plus tard, quand ils seront dix, ils devront rédiger une règle de vie en commun. Définir leur art de vivre ensemble.
Nous nous souvenons du jour de l’annonce du projet comme de la pose d’une première pierre. C’était le 6 mai 2022, rue de Walcourt, dans cette localité s’étageant entre deux pittoresques vallons.
Ce matin-là, nous prenons le café dans le jardin d’un couple de quinquas, Isabelle et Frédéric Bertrand. Ils ont un projet à partager: celui de reconvertir un monumental et ancien corps de ferme, développant 50 mètres de façade, et qu’ils voient de chez eux, en Maison Abbeyfield. Afin d’éviter de voir ce patrimoine se faire tristement mettre à terre par un promoteur indélicat, puis remplacé par un immeuble verrue gâchant le coup d’oeil, le couple acquiert la bâtisse en ruine. Objectifs donc: la restaurer de fond en comble, ce qui a coûté des millions, avec le soutien du Fonds du Logement de Wallonie. Et l’amarrer à un projet sociétal: vieillir ensemble, et mieux qu'en maison de repos.
Presque deux ans plus tard, le président de l’ASBL "L’Entre2Val-Maison Abbeyfield de Vitrival", gestionnaire de la Maison, et locataire des lieux, nous ouvre les portes d’une métamorphose admirable. Les architectes, dans ce volume hors-norme redécoupé de fond en comble, et converti aux nouvelles technologies, ont crée 14 logements: 10 dédiés à la philosophie Abbeyfield et, sur les 2 ailes, 4 appartements laissés en gestion au couple investisseur, et à leur SRL Age Factory.
Chez soi et chez nous
Ce projet privé à beau être à vocation humaniste, par le renoncement à la rentabilité maximale, il doit être aussi soutenable.
Sambrevillois, Edmond Thibaut-Buffart portraitise le projet qu’il pilote en quelques mots: "On ne parle pas ici de locataires qui vivent côte à côte mais d’habitants disposés à s’ouvrir à une vie communautaire, à partager des tâches." Pour ce faire, et conformément au mode d’emploi d’une maison Abbeyfield, ils ont constitué un comité au sein duquel ils sont accompagnés par des volontaires bénévoles. Parmi ceux-ci, Véronique Dekeyzer, un des enfants de la famille qui a exploité la ferme.
"Mais chacun a son chez-soi", insiste Fabienne Vanbersy, chargée de mission pour Abbeyfield-Wallonie.
Le projet sous-tend la mixité sociale. Des 10 logements, 5 sont réservés à des personnes à faibles revenus, entrant dans les conditions pour occuper, sur le marché locatif public, un logement à loyer modéré.
Il y a le chez-soi et le chez-nous, sous forme d’une grande pièce de séjour dotée d’une cuisine et d’un salon, histoire de s’y retrouver librement, chacun selon son humeur. "On demande à ce qu’ils partagent au moins un repas par semaine", glisse le président. Plus tard, quand les abords et les espaces extérieurs seront aménagés, ils auront peut-être à travailler ensemble dans un potager, et à le faire fructifier.
Qu’un ancien corps de ferme devienne, par philanthropie, un lieu d’habitat groupé et solidaire, ce n’est pas banal. Ça force le respect.
La 5e maison Abbeyfield de Wallonie sera inaugurée en septembre.