Dans un contexte économique toujours difficile dans le sud de l'Entre-Sambre-et-Meuse, la "réinsertion en ruralité" de la Miresem reste nécessaire
Pour fêter ses 30 ans, la Miresem a dressé un état des lieux de l’emploi au sud de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Rien ne va mieux.
- Publié le 19-04-2024 à 11h58
On pourrait croire qu’avec 158 métiers déclarés en pénurie et un taux de chômage tendant globalement à la baisse dans le pays, le marché de l’emploi devait aussi se porter mieux en Entre-Sambre-et-Meuse.
Eh bien non.
Pour fêter ses 30 ans, la Miresem a organisé un échange sur ce qu’elle fait de mieux: la réinsertion en ruralité: "On n’en parle pas, des spécificités du monde rural, constate la directrice, Émilie Vandermeiren. Si bien qu’il a été difficile de trouver des interlocuteurs, parce qu’il y a peu de données disponibles…"
Des données, un projet européen est en train d’en fournir, dans 8 pays de l’Union. Et justement, pour la Belgique, l’étude en cours se penche sur deux communes: Marchienne-au-Pont et Couvin.
Magdalena Grevesse, chercheuse à l’ULB, interroge des acteurs de terrain et la population sur l’impact de la ruralité sur les droits fondamentaux, jusqu’en octobre. Ce jeudi, elle a livré des premières conclusions plutôt accablantes, d’une région couvinoise aux indicateurs sociaux moins bons qu’ailleurs en Wallonie, dans une zone rurale en déclin démographique et économique…
"22% des habitants de la Province de Namur vivent sous la menace de la pauvreté et de l’exclusion sociale, a-t-elle débuté avant de livrer un chiffre inquiétant: À Couvin, 19,7% des enfants vivent dans une famille où aucun parent ne tire un revenu du travail."
Elle constate que la population est fort âgée et, surtout, que beaucoup de jeunes quittent la commune. "La situation des habitants de Couvin est moins favorable qu’ailleurs en Wallonie. On observe une baisse significative des services publics, qui touche plus particulièrement la population précarisée. Or, le taux de chômage y est de 18,5% (pour 14,4% en Wallonie)."
Parallèlement, le prix moyen des logements a bondi de 94% en 20 ans dans la région. "Et Couvin ne compte que 3,4% de logements sociaux (241 habitations), loin des 10% préconisés par la Région. Au niveau des infrastructures publiques, les transports en commun sont insuffisants et 48% des gens se déplacent en voiture pour aller au boulot."
Le constat de la chercheuse est accablant pour le monde politique. Magdalena Grevesse pointe "une absence d’approche systémique du territoire. Il y a un manque de coordination des politiques publiques et une concurrence entre les opérateurs dans la région".
Elle fustige la fracture numérique qui se creuse au fil de l’informatisation des services. "Il y a un sentiment d’abandon chez les opérateurs et un manque d’investissement public dans des zones comme celle de Couvin."
Le constat reste navrant: peu de grosses entreprises, une mobilité difficile et des offres d’emploi surqualifiées par rapport au public local. "Les précarisés tendent alors à se replier sur eux-mêmes, ne s’y retrouvent pas parmi les opérateurs de première ligne."
Elle évoque des problèmes particuliers à la région: manque de garde pour les enfants, de mobilité, absence d’offre d’enseignement supérieur, offre de formations peu variée, augmentation des assuétudes alors que l’offre de soins de santé diminue, notamment en santé mentale.
"Arrêtons de tous tout faire"
Ce rapport accablant est corroboré lors d’un petit débat. Administratrice générale du Forem, Raymonde Yerna explique qu’à Couvin, les demandeurs d’emploi sont surtout des moins de 25 ans. On y compte plus d’hommes qu’ailleurs car la région propose surtout des emplois traditionnellement plus féminins dans le social, l’administration et l’enseignement. "Le challenge sera de mutualiser le panel de services proposés et d’être créatifs", conclut-elle. Elle est corroborée par l’économiste Philippe Defeyt: "Les acteurs de terrain doivent se spécialiser. Il doit y avoir un référent pour la réinsertion et un autre pour le logement. Arrêtons de tous tout faire, ce sera bien plus clair pour les gens."
Pragmatique, il veut rassurer: "Il y a de l’emploi pour tout le monde, même à Couvin. Mais il faut accepter d’aller en France ou à Bruxelles pour aller le chercher. Quant aux questions de mobilité dans la région, cela fait des années qu’on en parle. Si c’est vraiment un problème, qu’on y mette le paquet et que l’on trouve des solutions, avec des jeunes retraités disponibles ou des minibus, voire du leasing social comme la France l’a testé."
Il suggère d’arrêter la victimisation: "Il y a des axes de travail: la mobilité, la mobilité des jeunes et la complexité administrative notamment."
Les débats sont toujours trop courts mais personne n’a évoqué les défis de l’enseignement, fondamentaux au regard d’une statistique délivrée par Raymonde Yerna: 50% des demandeurs d’emploi de la région couvinoise n’ont même pas le diplôme du secondaire inférieur.
En attendant, face à de pareils chiffres, on comprend que le travail de la Miresem a tout son sens. Et mérite d’être prolongé pour 30 ans au moins.
Après ce débat, le secrétaire d’État Thomas Dermine a rapidement présenté le plan de transition qu’il a lancé.