Carrefour Léonard: des révélations mettent les administrations bruxelloise et wallonne dans l'embarras, "un grave manque de communication interne"
Des documents prouvent que les administrations bruxelloise et wallonne étaient bien au courant des différentes phases de travaux prévus dès février. En février et mars, la Flandre a demandé à plusieurs reprises de prévoir des réunions de concertation avec Bruxelles Mobilité.
- Publié le 18-04-2024 à 19h44
- Mis à jour le 19-04-2024 à 18h32
Les administrations de la ministre bruxelloise de la Mobilité Elke Van den Brandt (Groen) et du ministre wallon de la Mobilité Philippe Henry (Écolo) étaient au courant des fermetures prévues au carrefour Léonard depuis le mois de février. C’est ce que révèlent des échanges de mails, que nos confrères de La Libre Belgique ont pu consulter, entre l’Agentschap Wegen en Verkeer (AWV, l’Agence flamande des routes et de la circulation) en charge des travaux et les deux administrations.
Du côté bruxellois, une première réunion entre l’AWV et Bruxelles Mobilité aurait eu lieu le 7 février, l’agence flamande aurait alors demandé à Bruxelles Mobilité si des travaux majeurs étaient prévus dans la zone concernée par les futurs travaux du carrefour Léonard. Le 12 février, Bruxelles Mobilité répond dans un email n’avoir “aucune idée de grands chantiers ou autres nuisances dans cette zone pour la période proposée”.
Dans les jours et semaines qui ont suivi, l’AWV a insisté à plusieurs reprises pour prévoir échanges et réunions avec Bruxelles Mobilité. Dans un email datant du 20 février, l’AWV écrit : “Nous pensons qu’il faudrait organiser une courte réunion numérique pour discuter des nuisances à venir et pour réfléchir à la manière de gérer la communication pour détourner le trafic. Nous pensons qu’il faut communiquer longtemps à l’avance que le passage à Léonard sera très difficile”.
Des centaines de personnes à une réunion le 22 février
Dans un autre email datant du 1er mars, l’AWV donne le planning des travaux phase par phase, et écrit clairement qu’il faudra fermer la sortie E411 venant de Bruxelles vers le Ring en direction de Waterloo dès le 22 avril. Un rappel avec les mêmes informations est envoyé le 13 mars, et l’AWV ajoute “nous aimerions nous asseoir ensemble le plus tôt possible”. Au moins deux collaborateurs différents de Bruxelles Mobilité ont reçu ces mails.
Le 9 avril, l’AWV écrit à Bruxelles Mobilité et à la commune d’Auderghem que les travaux avancent bien, et que la fermeture du “tourne-à-droite” vers Waterloo interviendra finalement le 16 avril au lieu du 22 avril. Elle précise la déviation mise en place, et invite les destinataires concernés à poser toutes les questions.
Du côté wallon, un mail prouve que la Sofico, qui gère les autoroutes wallonnes, a été mise en courant le 16 février par l’AWV des différentes phases de travaux, et notamment des fermetures problématiques entre la E411 et Waterloo. La Sofico accuse d’ailleurs bonne réception de ces informations dans un email daté du 26 février.
Deux réunions de la plateforme “Minder Hinder” exposant les futures nuisances et les fermetures se sont par ailleurs tenues le 22 février et le 19 mars. Cette plateforme rassemble tous les acteurs concernés par les travaux, notamment Bruxelles Mobilité, les communes, la police, le TEC, De Lijn, la STIB, la SNCB, et les hôpitaux. En tout, ce sont plusieurs centaines de personnes qui ont assisté à ces réunions, dont la première notait déjà le 22 février la fermeture du “tourne-à-droite” vers Waterloo dès le mois d’avril.
Manque de communication interne
Si tout le monde semblait être bien au courant, comment expliquer alors les vives colères exprimées dans la presse cette semaine ? Selon une source de La Libre, ni la Région bruxelloise ni les communes n’auraient pris, au moment de recevoir les informations la première fois, la mesure du chaos qu’allaient engendrer ces travaux. “Il est probable qu’Elke Van den Brandt elle-même n’était pas au courant alors que son administration l’était. C’est un grave manque de communication interne. Elle est responsable de son administration. Bruxelles Mobilité aurait dû beaucoup plus communiquer sur le sujet, car elle savait.”
Suite aux demandes de Bruxelles et de la Wallonie de suspendre les travaux, la Flandre a d’ailleurs commandé un rapport urgent à un bureau d’expert en sécurité des tunnels pour pouvoir se prononcer sur la possibilité ou non d’accéder à la demande des autres régions. Dans ce rapport remis le 12 avril, que La Libre a pu consulter, l’expert note que “l’arrêt des travaux est totalement inacceptable du point de vue de la sécurité des tunnels. Si les travaux devaient être interrompus pour une durée indéterminée, il est fortement recommandé que le tunnel Léonard soit fermé dans sa totalité, la sécurité des usagers de la route et des secours n’étant pas garantie”. Ces arguments ont été repris ce jeudi dans un communiqué du cabinet de la ministre flamande de la Mobilité Lydia Peeters (Open VLD) pour justifier la poursuite des travaux.
Van den Brandt et Henry défendent leur administration
En réaction aux accusations à son égard, Elke Van den Brandt précise que son administration avait reçu “des informations vagues qui ne présageaient en rien de l’ampleur des travaux et de la nécessité de mesures d’accompagnement”. “Bruxelles a dû insister pour utiliser la procédure de commission de chantier. Il s’agit du seul organisme compétent pour gérer les chantiers. Cette commission a seulement eu lieu le 29 mars, date à laquelle nous avons été informés officiellement de l’ampleur des travaux.” Pour Elke Van den Brandt, “c’est le monde à l’envers” : “le responsable d’un tel chantier a l’obligation de mettre en place des mesures d’accompagnement, ce qui n’a pas été fait par l’AWV avant le 15 avril. Bruxelles Mobilité n’en est pas responsable”.
Du côté du cabinet de Philippe Henry, on précise dans un communiqué envoyé ce jeudi soir que “l’administration wallonne et la Sofico ont bien reçu le mail dont il est fait état. Celui-ci mentionne, de manière peu claire et avec des erreurs de dates, différentes phases de travaux. Ni l’ampleur du chantier, ni la nécessité de mettre en place des mesures d’accompagnement n’apparaissent cependant dans ce courriel. La ministre Peeters estime que cette information était suffisante. Je ne peux lui donner raison. Ce que j’ai dénoncé la semaine dernière était l’absence de concertation”, commente le ministre wallon de la Mobilité et des Infrastructures. “Je comprends que l’AWV n’ait pas, comme elle le souligne, bien mesuré l’ampleur des travaux et des conséquences, mais une information lacunaire ne vaut pas concertation et je continue à déplorer que celle-ci n’ait pas été organisée en amont de ce chantier”, est-il indiqué dans le communiqué.