Bien-être animal, SLRB, Good Living : trois dossiers majeurs du gouvernement bruxellois risquent de passer à la trappe
Le PS bloque le Code du bien-être animal, Défi bloque la demande de renflouement de la SLRB, Vooruit veut faire passer son nouveau règlement régional d’urbanisme sans l’avis du Conseil d’État… Au sein de la majorité bruxelloise, le blocage est total.
- Publié le 17-04-2024 à 07h45
Une opposition N-VA, MR, CD&V accompagnée d’un élu socialiste (Julien Uyttendaele) qui reprend mot pour mot un texte initié par une majorité aujourd’hui paralysée : voici le scénario qui se dessine pour le Code du bien-être animal. Hier, les membres du bureau élargi ont pourtant décidé de mettre le texte à l’ordre du jour de la séance plénière du parlement bruxellois prévue ce vendredi pour “une prise en considération”. Il faut néanmoins que les services administratifs du parlement bruxellois aient le temps d’analyser la recevabilité de ce texte de 200 pages et de vérifier la conformité de la traduction. Ce qu’ils n’ont pas encore fait. D’autant que d’autres textes, déposés avant, doivent eux aussi être analysés. La N-VA a demandé que le Code soit traité en priorité par l’administration du parlement bruxellois.
Si le texte est pris en considération via le vote des députés vendredi, il pourrait alors passer en commission Environnement, mercredi prochain, avant de revenir pour la dernière plénière de cette législature, le 2 ou le 3 mai. D’ici là, rien ne dit qu’un parti ne demande une revalidation du texte par le Conseil d’État, ce qui enterrerait définitivement le Code. Techniquement, il est possible de faire passer le texte de la N-VA en priorité lors de la commission Environnement du 24 avril prochain. Les membres de la commission pourront également en débattre au finish si nécessaire. Politiquement, la donne est plus complexe. Au sein du parlement, nombreux pensent que ce texte n’aboutira jamais avant la fin de cette législature. La seule issue serait que le PS entame une courbe rentrante, ce qui semble, à ce stade, ne pas être le cas.
Ce Code, porté par le ministre Bernard Clerfayt (Défi) cristallise les tensions entre les différents partenaires de majorité, PS en tête. Il n’est pas le seul. La demande de prêts de la Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB) en charge des logements sociaux, une compétence socialiste, est elle aussi au point mort, notamment à cause de Défi. Les raisons invoquées ? Un manque de transparence des investissements prévus par la SLRB ainsi que sur le remboursement. L’organisme d’intérêt public est en maque de trésorerie, notamment suite aux achats de logement clef sur porte pour augmenter rapidement le nombre de logements sociaux.
En réalité, le point a traîné parce que les partenaires de majorité ont demandé plus de garanties sur ces prêts à la SLRB et à la ministre Ben Hamou (PS) . C’est derniers sont revenues avec un plan pluriannuel pour détailler les investissements prévus.
Depuis cette demande, rien n’a bougé. On parle ici d’un prêt direct de 150 000 millions d’euros par la région et d’un prêt d’une garantie de 150 autres millions pour permettre à la SLRB de pouvoir demander des emprunts sur le marché privé. En dehors des considérations budgétaires, d’aucuns dénoncent un jeu politique. En clair : pas de prêt SLRB sans vote du Code du bien-être animal.
Defi bloque le PS et le PS bloque Défi ?
Défi bloque le PS et le PS bloque Défi ? La réalité est plus complexe. Au sein de la majorité, chacun se renvoie la balle. “Le PS bloque le Code maintenant alors qu’il a accepté la première et la deuxième lecture du texte. S’il bloque maintenant, c’est purement politique”, nous explique un cabinettard. “Clerfayt bloque un prêt pourtant voté dans l’ordonnance budget, c’est donc simplement pour faire pression et faire passer son Code”, rétorque un autre. Notons que l’ordonnance n’octroie pas le prêt directement, elle donne la possibilité au gouvernement de décider de l’octroyer.
Une autre promesse du gouvernement bruxellois risque aussi de passer à la trappe : le nouveau règlement régional d’urbanisme Good Living. Validé en deuxième lecture, le texte devait passer devant le Conseil d’État. Surchargé, il assure ne pas pouvoir rendre un avis dans les temps. Qu’à cela ne tienne, le point est donc remis à l’ordre du jour pour une troisième lecture. Mais là, ça coince : “un texte qui n’est pas juridiquement béton se fera attaquer de toute part”, reprend un membre de la majorité. La secrétaire d’État Ans Persoons (Vooruit), qui porte le texte, annonçait que dans toutes façons, Good Living serait attaqué devant le Conseil d’État avant son entrée en vigueur en automne 2025. “C’est un mauvais argument, reproche un partenaire de majorité. “Si le texte est adopté et qu’un recours est lancé contre une de ses mesures, le Conseil d’État n’analysera que cette mesure et pas l’ensemble du texte qui pourrait donc se retrouver appliqué avec des mesures encore attaquables.”
“Ces deux dossiers seront pour la prochaine majorité.”
Plusieurs membres de la majorité, tous partis confondus, le concèdent. Pour le Code du bien-être animal, “la méthode de l’opposition n’est qu’un coup de communication, le texte n’aura pas le temps de passer avant le 3 mai (dernière séance plénière du Parlement) et le PS va tout faire pour le bloquer.” Pour le RRU aussi, nombreux sont sceptiques. “Sans avis du Conseil d’État en amont, c’est niet”, nous assure l’un d’eux. Même si là, aucun vote en parlement n’est nécessaire. “Ces deux dossiers seront pour la prochaine majorité.”
Pour les 300 millions d’euros de la SLRB, le PS argue l’urgence puisqu’il s’agit d’emprunts nécessaires pour couvrir des projets déjà lancés. Il martèle que le blocage met en danger un service public avec le risque d’avoir des pénalités de retard sur les factures, aggravant ainsi la situation financière. “On s’est engagé sur ces frais, on doit les régler.” Mais pour d’autres partenaires, “Ben Hamou à simplement ouvert les vannes pour du logement social sans se préoccuper des finances.”
Ces trois dossiers, pourtant majeurs pour la majorité bruxelloise, semblent bel et bien bloqués, renvoyés à la prochaine législature suite à un jeu de marchandage politique, certes typique du fonctionnement politique belge mais dont la fin de législature et la proche échéance électorale rendent particulièrement tendu, voire carrément insoluble.