Wannes Van Laer: "Devenir aussi fort mentalement que physiquement"
- Publié le 20-11-2018 à 18h48
- Mis à jour le 22-11-2018 à 16h07
Wannes Van Laer (voile) travaille sur tous les points qui peuvent lui permettre de franchir un cap et d’être ambitieux à Tokyo. Rejeté, au plan médiatique, dans l’ombre de ses collègues féminines (Evi Van Acker en son temps et Emma Plasschaert à présent), Wannes Van Laer ne se formalise pas de la situation. Enfin posé entre deux séances d’entraînement physique, le natif d’Ostende balaie les frustrations d’un sourire.
"C’est à moi de faire de meilleurs résultats ! C’est très simple, dit-il. Franchement, cela ne me dérange pas du tout. Même si l’attention se porte sur Emma, j’en bénéficie indirectement dans la mesure où on parle de la voile. C’est positif, c’est bon pour notre sport. Plus elle a de l’attention, mieux c’est pour elle, à condition de bien gérer la pression et les attentes."
N’aimeriez-vous pas être un peu plus dans la lumière parfois ?
"C’est sûr, ça me plairait aussi de temps en temps. Mais je n’ai qu’à être champion du monde et je suppose que je bénéficierai de la même attention."
Est-ce une question de densité dans les catégories masculines qui explique que c’est plus difficile pour vous ?
"Non. Emma a travaillé super-dur pour arriver à décrocher un titre mondial et je ne veux certainement pas diminuer ses mérites. Je ne vais pas dire que c’est plus facile chez les filles. Après, il y a le contexte. Le Laser Standard est une classe olympique depuis 1996, le niveau est déjà bien établi, et très élevé parce que les coachs sont meilleurs, ils ont fait leur expérience. Le Laser Radial est olympique depuis 2008 seulement. Au début, chacun doit prendre ses marques, apprendre à naviguer le bateau. Le niveau est déjà haut mais il y a encore de la marge."
Vous avez fini 34e à Londres, puis 17e à Rio. Avec quelle ambition pourriez-vous aller à Tokyo ?
"Si je me qualifie, le but sera de faire bien mieux qu’à Rio où j’étais quand même un peu déçu du résultat. Je dois viser un top 10, voire un top 8. Si ce n’est pas pour faire mieux, ça ne sert à rien d’aller aux Jeux olympiques. Après Rio, je ne suis plus monté dans le bateau pendant plusieurs mois, mais je savais que je ne pouvais pas tout arrêter comme ça. On s’est remis au travail et le premier point qu’on a essayé d’améliorer, c’est ma régularité. Et j’ai progressé, je suis devenu plus régulier, mais à un niveau encore un peu trop bas."
Précisément, comment travaille-t-on cette régularité ?
"Déjà on essaie d’avoir une meilleure approche stratégique, de mieux analyser les paramètres météorologiques. Dans ce domaine-là, je ne peux malheureusement pas rivaliser avec les grosses nations (France, Australie, Angleterre…) qui travaillent avec des stations météo ou qui ont des gens qui ne s’occupent que de cela et font des rapports quotidiens. C’est comme au niveau des protestations, ces pays s’appuyant sur des spécialistes juridiques. Ensuite, sur l’eau, j’essaie d’être plus conservatif, de prendre un peu moins de risques, en allant moins dans les extrêmes au niveau des trajectoires, pas trop à gauche, pas trop à droite. J’essaie d’éviter les tout mauvais résultats en éliminant les risques trop importants. La navigation, c’est avant tout une question de choix."
Malgré votre évolution, la saison 2018 n’a pas comblé vos attentes.
"Non, c’était une saison moyenne avec une 14e place aux championnats d’Europe et une 29e place aux Mondiaux, mon plus mauvais résultat des trois dernières éditions. J’ai pourtant le potentiel pour faire un top 10 européen et un top 15 mondial."
Que vous manque-t-il encore ?
"Si je le savais ! (rires) Je pense qu’il faut juste améliorer la vitesse par ci par là, et travailler surtout sur les détails. L’expérience, je l’ai, le physique aussi, mais ça se joue peut-être dans la tête aussi. Un peu comme le déclic s’est produit chez Emma. J’ai commencé à travailler avec Jef Brouwers depuis un an. Il m’aide déjà beaucoup et ensemble, on va essayer de trouver où ça coince encore. Comme dans tous les sports, la psychologie est importante en voile. Il faut être à 100 % dans la tête."
À 33 ans, vous êtes l’un des membres les plus âgés du Team Belgium, ici à Lanzarote, mais certainement pas le moins fit.
"Le physique est un paramètre important, même si ce n’est pas le seul. On peut être aussi costaud qu’on veut, si on part du mauvais côté, on sera quand même dernier ! Mais avoir le physique, ça permet de tenir toute une semaine de compétition, et ça permet d’être bien concentré. Sinon on va être plus vite fatigué, et les résultats peuvent s’en ressentir. Moi, je peux tenir longtemps. Et souvent je fais mes meilleurs résultats quand une partie de la flotte est déjà fatiguée, qu’on doit faire trois manches et qu’il y a beaucoup de vent."
Quel est votre poids idéal ?
"Il a un peu augmenté. Je suis à un petit 82 kg, mais ça peut aller jusqu’à 85 kg s’il le faut. J’ai changé de voile et de mât depuis Rio et si j’arrive à tenir le bateau à 82 kg par gros temps et à aller vite, ce sera plus facile aussi dans des conditions à l’opposé."
Londres 2012 34e place "Le point de départ d’une structure"
"J’avais été délibéré un mois avant les Jeux ; je suis donc arrivé un peu en dernière minute. En outre, je devais partager mon coach avec huit autres athlètes de différents pays et je n’avais pas de préparateur physique ; je faisais tout au feeling. En réalité, c’était un petit miracle que je sois arrivé aux JO. Mais c’est à partir de ce moment-là que tout a changé pour moi : j’ai reçu davantage de soutien, j’ai pris un coach personnel, j’ai commencé une collaboration avec mon préparateur physique Grégoire Litt, et j’ai commencé à travailler comme un athlète professionnel. Alors que c’était beaucoup plus décousu avant et que je n’avais aucune expertise, j’ai commencé à bénéficier d’une véritable structure dans ma préparation."