Van Lierde, en route pour son onzième Ironman d'Hawaï: "J’ai mis cinq ans à l’apprivoiser !"
Frederik Van Lierde, 39 ans, se présente pour la onzième fois au départ
- Publié le 12-10-2018 à 07h16
- Mis à jour le 12-10-2018 à 08h58
Frederik Van Lierde, 39 ans, se présente pour la onzième fois au départ À 39 ans, Frederik Van Lierde se présente pour la onzième fois au départ de l’Ironman d’Hawaï, une épreuve qu’il a remportée en 2013, gagnant le respect éternel de ses rivaux, mais aussi du public. Partout où il s’aligne depuis lors, le Flandrien est, en effet, accueilli avec les honneurs dus à son rang, celui d’un ancien champion du monde. Mais, tout comme sa franchise, sa simplicité n’a pas pris une ride, malgré cinq années avec des hauts et aussi des bas.
Oublier 2017 avec l’agression dont il fut victime en Afrique du Sud et l’abandon auquel il fut contraint à Hawaï mais, surtout, retrouver le plaisir : telle fut l’obsession de Frederik au cours de cette saison 2018. Sa cinquième victoire à Nice, en juin, et son succès à l’Alpe d’Huez, en août, y ont bien contribué et c’est avec un moral tout neuf que Fred prendra part, ce samedi 13 octobre, à l’épreuve mythique que représente l’Ironman d’Hawaï…
Frederik, contrairement aux autres années, vous n’êtes arrivé, cette fois, qu’une semaine avant l’épreuve… Pourquoi ?
"Tout simplement parce que j’avais envie de changer ! Il est vrai que, depuis cinq ans, j’avais pris l’habitude de quitter la Belgique trois semaines avant, de passer par Scottsdale, dans la banlieue de Phoenix, pour y digérer le décalage horaire et y peaufiner ma préparation dans des conditions climatiques sensiblement similaires à celles d’Hawaï. Je pouvais m’y entraîner dans le calme, sans stress, parce que, dès que vous débarquez à Kona, c’est l’effervescence… La semaine précédant l’événement, j’ai toujours quelques obligations en tant qu’ancien vainqueur avec la presse et les sponsors, notamment. Mais, cette année, j’ai décidé de m’aligner au demi-Ironman de Nice, le 16 septembre, en guise de répétition générale et je ne suis donc parti que vendredi dernier, presque au dernier moment."
Pas de problème avec le décalage horaire qui est quand même de douze heures ?
"Non ! En arrivant huit jours avant, c’est assez. On dit toujours qu’il faut un jour par heure de décalage. Mais, pour moi, surtout de ce côté-ci du monde, trois ou quatre jours suffisent. Je me sens bien, en forme… D’autant que mes sensations à Nice, justement, étaient excellentes. Certes, je n’ai pas gagné, mais j’ai bien géré, compte tenu de mon volume d’entraînement à ce moment."
Et puis, Kona, vous connaissez maintenant…
"J’en serai à ma onzième participation ! Donc, je crois pouvoir affirmer que je connais Hawaï, même si ce n’est jamais pareil d’une année à l’autre. Mais je n’ai plus besoin de reconnaître le parcours, par exemple, parce que j’en connais les pièges. Comme Hawi, qu’il faut rallier le plus rapidement pour pouvoir bénéficier du vent favorable le plus longtemps possible sur le retour, et Energy Lab, où on arrive au moment le plus chaud de la journée. De plus, l’endroit est sous le niveau de la mer. Alors, pour y entrer, ça va. Mais pour en sortir… Là, c’est au mental qu’on gagne ou qu’on perd, à condition d’avoir bien géré auparavant, bien sûr. C’est là que j’avais été contraint de marcher en 2015 parce que mon corps était en panne sèche."
Sur dix participations, vous avez terminé à sept reprises. Pas mal, non ?
"J’ai mis cinq ans à apprivoiser cette épreuve si particulière. J’ai commencé par un abandon en 2008, puis j’ai terminé 34e et 14e avant d’être encore contraint de m’arrêter en 2011. Ensuite, j’ai connu deux superbes éditions, avec une troisième place en 2012 et, bien sûr, ma victoire en 2013. Cette année-là, j’ai atteint mon objectif suprême au terme d’une journée où tout s’était parfaitement déroulé. Car vous avez beau être aussi bien préparé que vous voulez, une victoire, voire un podium, à Hawaï, dépend de nombreux facteurs comme la météo avec la chaleur. Et le vent, déterminant pour la tactique. Et puis, il faut être concentré pendant environ huit heures, ne pas commettre d’erreur. Mais c’est pour revivre un moment comme celui de 2013 que je continue !"
Pourquoi n’avez-vous pris part qu’à quatre compétitions cette année alors que vous aviez l’habitude d’en disputer sept ou huit auparavant ?
"Peut-être en raison de mon âge… J’ai 39 ans et ça commence à compter ! Non, plus sérieusement, j’ai tout mis en œuvre pour arriver en forme optimale à Hawaï. Les autres compétitions me servent de préparation, même si je m’y aligne toujours pour gagner. Ce qui engendre une certaine pression… Par le passé, il m’est déjà arrivé de me dire pendant ma course à Hawaï que j’en avais peut-être une de trop dans les jambes. Ce ne sera pas le cas cette fois… Mais, pour en revenir à mon âge, je pense qu’il est un avantage parce qu’il faut de l’expérience et de l’endurance pour gagner Hawaï. Et puis, Alejandro Valverde n’est-il pas devenu champion du monde à 38 ans ? Je ne veux pas me comparer à l’Espagnol parce qu’il a un côté obscur, mais je constate que la maturité est indispensable dans certaines circonstances de déroulement d’une épreuve, surtout quand elles sont imprévisibles. À Hawaï, même la veille du départ, vous n’en connaissez pas les conditions."
"Favori comme une dizaine d’autres gars…"
Le Flandrien a digéré mais pas oublié son terrible abandon de l’an dernier
Frederik, avez-vous digéré votre abandon de l’an dernier ? Et, surtout, les circonstances de celui-ci avec cette erreur de l’organisation qui ne tenait pas à votre disposition votre sac de ravitaillement à mi-parcours vélo ?
"La déception est passée, mais je n’ai rien oublié. Pour bien comprendre, il faut savoir que ce ravitaillement, appelé special needs dans le milieu, est capital pour tous les participants. J’avais, là, deux bidons de 750 ml d’eau avec le sucre et le sel, que je perds pendant l’effort et dont j’avais donc besoin. J’étais dans le groupe de tête avec tous les favoris lorsque je me suis présenté au ravitaillement, juste après Hawi (km 95) . Et là, aucun volontaire n’avait mon sac. Je me suis arrêté. L’un d’eux a couru vers l’endroit où étaient rangés une centaine de sacs. Le temps de le retrouver, de revenir vers moi, et j’avais perdu près de trois minutes. En vingt ans, je n’ai jamais connu ça ! Tout mon boulot était fichu en l’air parce que j’avais perdu le contact avec les meilleurs."
Vous avez, néanmoins, poursuivi à vélo…
"Oui, mais ma tête n’y était plus ! C’était pour moi la contrariété de trop après l’agression dont j’avais été victime en Afrique du Sud, mais aussi ce qui s’était déjà passé à Hawaï, l’année précédente, quand un arbitre trop zélé m’avait infligé une pénalité de cinq minutes pour soi-disant drafting (non-respect de la règle de distance minimale entre deux concurrents) . Là, c’en était trop ! J’ai continué par à-coups. Dans la tête, c’était une fois oui, une fois non. Je suis arrivé à la deuxième transition (16e, à 11.50, du leader, Cameron Wurf) . Mais, dès le début du marathon, malgré les encouragements de mon frère Vincent, je me suis arrêté. C’était après environ trois kilomètres à pied alors que Jan Frodeno se mettait à marcher. L’Allemand m’a proposé de continuer ensemble, mais mon cœur n’y était plus."
Comment prévenir ce genre de problème ?
"Tout simplement en ne comptant que sur moi ! Au lieu de quatre bidons, je n’en prévois que deux. Je parle de ceux avec le sucre et le sel. Ils sont plus concentrés, mais j’ai essayé la formule au Texas et à Nice. Et ça a fonctionné ! Mes special needs m’attendront donc sur mon vélo, à la transition, et je ne devrai plus dépendre des bénévoles de l’organisation."
Est-ce une manière d’évacuer un souci, de vous libérer l’esprit ?
"Clairement, oui ! Vous savez, on doit penser à tout parce que le moindre grain de sable peut avoir de terribles conséquences. Je l’ai expérimenté il y a trois ans, quand j’avais déjà manqué un bidon et que je m’étais retrouvé complètement déshydraté au 30e km du marathon. J’avais marché dans Energy Lab, mais quand même terminé (25e) ..."
Cette année encore, vous figurez parmi les favoris, non ?
"Mais il y a une dizaine de gars qui peuvent gagner !"
Ah bon, qui ?
"Pour moi, l’Allemand Sebastian Kienle, d’abord. Il a gagné en 2014, mais compte aussi plusieurs places d’honneur ces dernières années… C’est un nageur moyen, mais un rouleur formidable. Il y a également son compatriote Patrick Lange, vainqueur l’an dernier, qui est un extraordinaire coureur. Il possède d’ailleurs le record sur marathon à Hawaï avec 2h39.45, en 2016, chrono qu’il a confirmé l’année passée avec 2h39.59. Ce qui lui avait permis de rattraper et dépasser le Canadien Lionel Sanders, surprenant deuxième. Mais il y en a d’autres puisque le Top 5 de 2017 sera au départ ! Et puis, je m’en voudrais quand même de ne pas citer l’Espagnol Javier Gomez, dont ce seront les débuts à Hawaï."
"L’absence de l’Allemand Frodeno rend l’épreuve plus ouverte"
Parmi les grands absents de cette édition 2018 figure Jan Frodeno. Champion olympique en 2008, à Pékin, l’Allemand est double vainqueur de l’Ironman d’Hawaï, en 2015 et en 2016, avant son inattendue contre-performance de l’an dernier. À l’arrêt au départ du marathon, Frodeno avait tenu à terminer l’épreuve, à la… 69e place (35e pro), en 9h15.44. Mais, surtout, après 42,195 km bouclés en 4h01.57 ! Encore sacré champion du monde de demi-Ironman, le 2 septembre, à Port Elizabeth, Frodeno a déclaré forfait en raison d’une fracture de fatigue à la hanche. Un forfait de taille… "Oui parce que l’Allemand influence toujours le déroulement de l’épreuve dans la mesure où beaucoup calquent leur course sur lui ! explique Frederik Van Lierde. Sans lui, cet Ironman d’Hawaï sera donc plus ouvert et la tactique sera primordiale. Avantage donc aux mecs plus expérimentés…"
Parmi lesquels, notre compatriote ? "Je l’espère ! Je devrai, en tout cas, veiller à ne pas commettre d’erreur parce qu’elle se paie toujours cash. Mais j’ai, bien entendu, toutes mes chances ici…"