Métro, faux pénis et court-circuit: tout est bon pour les voleurs de chronos
La triche et la course à pied font malheureusement bon ménage. Si certains choisissent le dopage, d’autres utilisent des subterfuges pas toujours très discrets pour gagner du temps. Retour sur quelques cas de figure parmi tant d’autres…
- Publié le 15-10-2018 à 17h58
- Mis à jour le 16-10-2018 à 12h37
La triche et la course à pied font malheureusement bon ménage. Si certains choisissent le dopage, d’autres utilisent des subterfuges pas toujours très discrets pour gagner du temps. Retour sur quelques cas de figure parmi tant d’autres…
Les as du court-circuit
Le marathon de Londres, rendez-vous majeur du calendrier, est un repaire apprécié des voleurs de chronos. Lors de la dernière édition, plusieurs triches ont été dénoncées par le site Marathon Investigation.
Parmi celles-ci, on relèvera le cas de cet Italien qui après un départ "prudent" en 2h15 pour le premier semi réserve toutes ses cartouches pour la deuxième partie qu’il achève en… 1h03, pas loin des chronos obtenus dans les 21 derniers kilomètres par les recordmen mondiaux de la distance. Malheureusement, les images de ses derniers kilomètres ne laissent pas apparaître la foulée d’un nouveau Kipchoge. Il sera déclassé comme environ 300 autres coureurs.
Il y eut aussi, toujours à Londres, Stanislaw Skupian. À 38 ans, celui-ci réalisait son rêve de finir son premier marathon. Sauf que sur son dossard était écrit le nom de Jake Halliday. Ce dernier, qui courait pour une bonne cause comme de nombreux participants à ce marathon, avait perdu son dossard à 3 miles de l’arrivée et avait été mis hors-course à 300 mètres du but. Skupian avait trouvé le dossard au sol et décidé de finir la course pour gagner la médaille de finisher. Une breloque, pourtant de faible valeur, qui lui vaudra 16 semaines de prison pour usurpation d’identité.
Boston en métro
Difficile de ne pas revenir sur la tricheuse la plus connue de tous, Rosie Ruiz. Cette Cubaine, âgée alors de 26 ans, se révèle au grand public en s’imposant, à la surprise générale, au 84e marathon de Boston en 2h31. Une performance d’abord applaudie vu l’état de fatigue physique et psychique dans laquelle se trouve la jeune femme une fois la ligne franchie. Mais Rosie sera rapidement confondue lorsque sa dauphine, Jacqueline Gareau, expliquera avoir fait la course en tête de bout en bout sans avoir été dépassée. On se rendra compte plus tard que Rosie Ruiz avait déboulé du public à quelques centaines de mètres de l’arrivée après avoir court-circuité le parcours en prenant le métro. La Cubaine avait obtenu son dossard préférentiel à Boston grâce à un chrono de 2h56 effectué à New York l’année précédente. Une performance elle aussi factice, plus l’œuvre du métro de la Big Apple, que des jambes de la native de La Havane. Depuis lors, la coureuse a dû changer de nom pour fuir les médias et la colère d’un public qui n’a pas aimé être dupé.
Dès les Jeux de 1904
En 1904, lors du marathon des Jeux Olympiques de Saint-Louis (USA), Fred Lorz souffre de crampes dès le 10e km et se fait conduire en voiture à 8 bornes de l’arrivée, d’où il repart pour entrer dans le stade olympique en 1re position sous les vivats de la foule. Sauf que le 2e, Thomas Hicks, affirme ne jamais avoir été dépassé après avoir pris le départ rapidement en tête. Un officiel, relayant aussi des témoignages de spectateurs, explique avoir vu le marathonien dans la voiture de son entraîneur. Fred Lorz sera disqualifié et radié par l’Amateur Athletic Union avant de voir sa sanction annulée. Il gagnera le marathon de Boston 1905, de manière honnête cette fois. Hicks, qui reprendra l’or après la disqualification du tricheur, le conservera malgré les aveux ultérieurs d’un de ses proches qui affirme lui avoir injecté deux doses de sulfate de strychnine, un stimulant extrêmement dangereux, avec une bonne lampée de… cognac pour digérer le tout. Mais les règlements anti-dopage de l’époque étaient plus coulants qu’aujourd’hui…
L’astuce du faux pénis…
On connaissait le stratagème de la fameuse poire en caoutchouc, cachée dans le cuissard et remplie d’urine propre que Michel Pollentier avait utilisé en 1978 après sa victoire d’étape et prise du maillot jaune à l’Alpe d’Huez. En Italie, en 2013, Devis Licciardi avait poussé le stratagème plus loin, lors des championnats d’Italie du 10 km, en utilisant un Whizzinator, soit un faux pénis en plastique duquel s’écoule le contenu d’une poire remplie d’urine propre. Au départ l’appareil était conçu pour des jeux sexuels fétichistes mais les pros de la triche lui ont rapidement trouvé une autre utilisation. Problème: un contrôleur trouvant étrange le comportement de l’athlète italien démasquera la supercherie : la douche dorée se transforme en douche froide. Et pour s’être fait "gauler", Devis Licciardi écopera d’une suspension de trois ans. Preuve que, parfois, quand c’est trop gros, ça ne passe vraiment pas.
Grâce aux toilettes…
L’ultrafond n’a pas échappé aux voleurs de temps. Kelly Agnew, 44 ans, s’était fait une petite réputation aux États-Unis en remportant à quatre reprises l’Across the Years en Arizona avant de tomber de son piédestal en 2017. Ces courses, organisées en boucles, ont permis au quadragénaire de mettre sur pied un plan aussi simple qu’efficace pour truster les succès. Grâce aux toilettes mobiles… Kelly Agnew s’y arrêtait régulièrement juste après avoir passé la ligne d’arrivée. Il restait alors plusieurs minutes à l’intérieur (sept en l’occurrence lors de l’épreuve qui lui sera fatale), le temps que ses adversaires couvrent une boucle supplémentaire. Il ressortait ensuite pour reprendre sa place dans le peloton juste avant la ligne d’arrivée pour que son tour soit comptabilisé électroniquement. Frais de minutes qui devenaient des heures, Agnew pouvait plus facilement terminer ses courses en boulet de canon…
Démasquée par Strava
Les athlètes amateurs aiment être connectés. Montres, applications, tout est bon pour faire étalage de ses chronos. Mais quand on veut tricher, la discrétion doit être de mise. En 2017, Jane Seo prend la 2e place chez les dames du semi de Fort Lauderdale. Un résultat qui interpelle un enquêteur indépendant qui va absolument vouloir prouver qu’il y a eu triche. L’athlète publie alors ses données Strava pour clore le débat sauf que celles-ci ne présentent aucune trace GPS. Jane Seo publie alors son suivi cartographique ainsi que son temps au km et ses données cardiaques. Mais ces datas interpellent l’enquêteur : "Elle les a présentées comme celles d’une course et le temps total correspond presque à son temps de parcours original pour le semi-marathon. Mais ses données de cadence ressemblent plus à un parcours à vélo qu’à pied." En regardant les photos de la course où Jane Seo parade fièrement avec sa médaille, l’enquêteur en trouve une où la montre est bien visible et zoome dessus. Et sur le cadran, il distingue 11.65 miles parcourus, soit environ 18,7 km. Même en incluant la petite marge d’erreur des montres connectées, Jane Seo n’a donc pas pu parcourir ses 21 km en 1h21m46s. Elle avouera sa triche sur Instagram et sera disqualifiée.