Karen Northshield, survivante du 22 mars, va participer aux 20 kilomètres de Bruxelles: "Reprendre de la force mentale et physique"
Karen Northshield est la dernière survivante hospitalisée des attentats de Bruxelles. Elle sera au départ dimanche avec Tous à bord.
- Publié le 26-05-2018 à 15h56
- Mis à jour le 26-05-2018 à 15h58
Karen Northshield est la dernière survivante hospitalisée des attentats de Bruxelles. Elle sera au départ dimanche avec Tous à bord. La vie de Karen Northshield a basculé le 22 mars 2016 alors qu’elle se trouvait dans le hall de l’aéroport de Zaventem. La Belgo-Américaine, aujourd’hui âgée de 32 ans, comptait se rendre outre-Atlantique pour retrouver sa famille lorsqu’une bombe des terroristes a explosé à quelques mètres d’elle.
Grièvement blessée, elle n’a dû son salut qu’à une condition physique exceptionnelle et à un mental à toute épreuve. Aujourd’hui, elle occupe une chambre du CTR Brugmann où ses journées se conjuguent entre un lit, une chaise roulante et des soins. Mais aussi des sorties, bien que rares.
Ce 27 mai, elle sera au départ des 20 km de Bruxelles dans le box handbike, en compagnie des équipes de Tous à bord chères à Jean-François Lenvain. Rencontre avec une jeune femme déterminée qui espère incarner encore plus qu’une survivante ce dimanche.
Karen, le sport a toujours tenu une place importante dans votre vie ?
"J’étais coach sportive dans un centre de fitness réputé et j’ai toujours été en bonne santé. Je pratiquais de la course, de la natation et du yoga notamment. J’avais de belles perspectives de carrière et puis les attentats ont fait basculer ma vie. Tout a changé à ce moment."
Comment vit-on et accepte-t-on cette situation ?
"Les blessures me font évidemment terriblement souffrir vu que j’ai des séquelles de la tête aux pieds. Mais ce dont je souffre le plus finalement, c’est ce nouvel état qui me rend dépendante de beaucoup de choses. Le fait de vivre à l’hôpital, d’avoir des maux constants, de ne pas me déplacer librement. C’est le plus difficile à accepter. Surtout lorsqu’avant vous étiez indépendante aussi bien dans votre vie que dans votre métier."
Comment vous est venue l’idée de participer aux 20 Km ?
"L’idée a germé lorsque Catherine Lallemand (4 fois lauréate des 20 km de Bruxelles) est venue me rendre visite à l’hôpital. Je la connaissais via le milieu du personal training dans lequel elle exerce aussi aujourd’hui. Et c’est en parlant avec elle que je me suis dit que j’avais bien envie de les faire. C’est elle qui m’a ensuite parlé de l’association de Jean-François Lenvain et m’a mis en contact avec."
Pourquoi avoir choisi Tous à bord en particulier ?
"J’ai trouvé que ce projet était intéressant du point de vue de l’athlète mais aussi du point de vue humain. Il permet à des personnes valides et moins valides de pouvoir courir en harmonie. Cela crée quelque chose de très spécial qui va au-delà ou qui est différent de ce que l’on peut ressentir dans une compétition classique qui est plus individuelle. Il existe un vrai esprit de groupe et c’est stimulant."
Aviez-vous déjà couru les 20 Km auparavant ?
"Oui, je les avais déjà courus. Je disputais pas mal de courses dans la région et même des courses à obstacles. La course à pied a toujours été importante dans mon quotidien."
Quelles seront les personnes présentes à vos côtés ce dimanche ?
"Ce sont des amis, des athlètes, certains sont même marathoniens. Ce sont des personnes qui se sont rajoutées à mon histoire d’une manière particulière."
Que symbolise pour vous le fait de pouvoir être présente au départ de cette course ?
"Cette participation va me permettre de me réaliser un peu plus à travers les pousseurs qui vont me convoyer. C’est comme si j’allais courir avec eux. Mentalement, et aussi physiquement, je vais reprendre de la force."
Comment se déroule la préparation ? Avez-vous effectué des sorties en équipe ?
"Chaque membre de l’équipe s’est préparé de son côté comme pour n’importe quelle course, avec ses objectifs et ses possibilités. Mais on a effectué des sorties avec le buggy dans lequel je serai dimanche. Il fallait me trouver une bonne position vu que j’ai des broches. Pour l’instant, ça s’est bien passé mais on n’a évidemment pas testé sur des distances aussi longues que celle qu’on aura dimanche."
Comment se déroule votre rééducation ?
"Médicalement, c’est impossible de dire où il est possible d’aller dans ma reconstruction. Il y a beaucoup d’improbabilités auxquelles sont confrontés les médecins. Je ne devais pas être là, mais j’y suis. Donc je continue à me battre pour sortir de cet univers médicalisé."
Lenvain : "Pour une autre personne, nous aurions refusé"
Pouvoir accompagner Karen Northshield dans son aventure était un défi pour l’ASBL Tous à bord. "Accueillir Karen était particulier pour moi, étant donné que j’ai travaillé dix ans comme éducateur auprès de jeunes qui ont été impliqués de près ou de loin dans les attentats", explique Jean-François Lenvain qui vivra ce dimanche ses 15es 20 km de Bruxelles avec Tous à Bord.
La conception et le modelage du buggy qui transportera la Belgo-Américaine ont aussi nécessité un soin particulier. "Nous avons eu 5 ou 6 rencontres pour le modelage. Puis des entraînements pour tester la machine en conditions de course. Nous ne voulions rien laisser au hasard", explique celui qui coordonne désormais le box handisport et ses quelque 1.500 personnes impliquées.
"Physiquement, Karen est consciente qu’elle risque de souffrir en raison des douleurs dues aux à-coups, surtout pendant 20 km. Son équipe sera aux petits soins. Karen n’est pas un phénomène de foire, elle est actrice de son projet. Sa détermination force l’admiration. Pour toute autre personne qu’elle, nous aurions peut-être refusé."