De traumatisé crânien au Marathon des Sables (VIDÉO)
Victime d’un accident de la route en 2003, Samir El Bidadi vient de boucler la célèbre épreuve par étapes à travers le désert marocain
- Publié le 25-04-2018 à 10h04
- Mis à jour le 25-04-2018 à 16h46
Victime d’un accident de la route en 2003, Samir El Bidadi vient de boucler la célèbre épreuve par étapes à travers le désert marocain
La vie de Samir El Bidadi a basculé en 2003. Alors qu’il n’a que 20 ans, il est victime d’un grave accident de la route. Heurté par un conducteur ivre qui roule à contresens sur l’autoroute à plus de 100 km/h, il est déclaré cliniquement mort, puis plonge dans un coma profond de plusieurs semaines.
Mais l’homme s’est battu pour rester en vie et ensuite contredire les pronostics des médecins. Alors qu’on lui avait dit qu’il ne remarcherait plus jamais, Samir s’est relevé et s’est mis en quête de défis, avec un seul rêve : courir le célèbre Marathon des Sables. "C’est un rêve que j’avais déjà à l’âge de 16 ans. Ensuite, quand j’étais à l’hôpital, j’ai vu une interview de Patrick Bauer, l’organisateur du Marathon des Sables. C’était un signe du destin. Je me suis dit que moi aussi j’y serai un jour."
Samir s’est battu pendant cinq ans pour réapprendre à marcher. Aujourd’hui, l’homme avale les kilomètres. 20 km de Bruxelles, marathons, ultramarathons, il a tout fait. Jusqu’à parcourir les 250 kilomètres de la course par étapes et en autonomie alimentaire à travers le désert marocain. "J’ai 35 ans, il était temps que je réalise mon rêve."
Une course qu’il avait imaginée pendant tant d’années et qu’il a parcourue avec un bonheur immense. "J’avais tellement rêvé de ce moment, j’avais tellement lu de choses sur cette course, que j’avais l’impression de la connaître par cœur. Ces dunes, ces plateaux caillouteux, ces pistes, ces oueds asséchés, ces palmeraies et ces petites montagnes, elles étaient déjà dans ma tête avant le départ."
Parti dans l’idée de boucler ce Marathon des Sables, le Bruxellois n’a jamais songé à abandonner, malgré les moments plus difficiles, malgré son épilepsie. "J’ai terminé avec des points de suture, les pieds brûlés, il y a eu des moments difficiles avec des chaleurs proches des 50 degrés mais j’avais tellement rêvé de ce moment que je n’avais pas le droit d’abandonner."
Au-delà du dépassement de soi, il y a aussi cette formidable aventure humaine qu’offre le Marathon des Sables. "On s’est retrouvés entre Belges dans notre tente mais à force, on connaissait tout le monde. Et surtout, on se soutenait. Un jour, je me suis retrouvé sans eau et une Suisse m’a dépanné. Le lendemain, c’est moi qui lui donnais du sel. Et lorsque quelqu’un veut abandonner, il peut compter sur les autres participants pour lui remonter le moral. C’est aussi ça le Marathon des Sables."
Comme tous les autres, Samir a savouré le moment où il a franchi la ligne d’arrivée. "Quand j’ai vu Patrick Bauer à l’arrivée, je lui ai dit : plus jamais. Mais c’est sûr, j’y retournerai."
Il a tourné dans le film de Grand Corps Malade
En 2017, Samir a ajouté une nouvelle ligne à son CV : celle d’acteur. En effet, il a obtenu un petit rôle dans le film Patients réalisé par le slameur Grand Corps Malade. “Je joue mon propre rôle, celui du gars en fauteuil roulant qui n’a pas de mémoire.”
Un moment particulier dans sa vie. “J’étais entouré d’acteurs professionnels mais comme je n’ai pas de mémoire, j’avais un texte facile. C’était une expérience de plus dans ma nouvelle vie qui a débuté il y a 15 ans.”
Un rôle qu’il doit à Grand Corps Malade, avec qui il est ami. “On se connaît depuis 12 ans. Quand il est venu à Bruxelles, on a parlé de son film. Ce personnage, avec ma cicatrice, ça ne pouvait être que moi. Mais il m’a quand même fait passer un casting”, rigole-t-il.
Ses amis ont été surpris de le voir dans un film. “Je n’avais rien dit à personne.”
“Peu importe la difficulté, il faut réaliser ses rêves”
En 2006, Samir El Bidadi a lancé l’ASBL Le 6 e sens pour aider les personnes handicapées Après son accident, Samir El Bidadi a découvert le statut de personne handicapée. Lui qui n’a plus de sensation dans le bras gauche et souffre d’épilepsie depuis l’accident, a dû mener un nouveau combat dans sa vie. “Après mon accident, hormis ma famille, il n’y avait personne pour m’aider. Bien sûr qu’il y avait des associations, mais à Woluwe, dans les beaux quartiers, pas dans notre “ghetto” à Anneessens. En 2006, soutenu par le bourgmestre actuel de la ville de Bruxelles, je me suis lancé dans la création d’une maison de quartier pour personnes handicapées.”
Baptisée Le 6e sens, en référence à la chanson de son ami Grand Corps Malade, l’association poursuit plusieurs buts et propose diverses activités. “Nous aidons les jeunes handicapés à la pratique du handisport. Nous organisons des activités socioculturelles et sociorécréatives où personnes handicapées et valides se côtoient. Nous organisons des collectes de sang, des sensibilisations pour faire découvrir le handicap dans plusieurs écoles et dans les maisons de jeunes.”
Une initiative qu’il aimerait voir imitée par d’autres. “Le monde politique me soutient mais au vu du nombre de personnes handicapées, il faudrait créer d’autres initiatives du genre car je ne peux pas accueillir tout le monde.”
Totalement investi dans son association, Samir veut aussi faire passer un message. “Les handicapés que je connais ont tous des rêves. Je leur dis souvent que peu importe la difficulté, il faut réaliser ses rêves.”
Et pour Samir, pas question de se servir de son handicap comme excuse. “Beaucoup se contentent de leur allocation d’handicapé en se disant pourquoi aller travailler pour gagner quelques euros de plus ? J’essaie alors de leur faire comprendre qu’il y a aussi cette estime de soi à aller chercher, cette fierté personnelle de s’en sortir et de continuer à avancer. J’ai des personnes épileptiques dans mon association qui pensent qu’elles ne peuvent pas travailler à cause de leur épilepsie. Aujourd’hui, je leur prouve le contraire.”
Une force de caractère qui a permis à Samir de donner un nouvel élan à sa vie après son accident. “Avec le recul, je prends ce mal pour un bien. Sans cet accident, je ne serais peut-être pas la personne que je suis devenu aujourd’hui.”