Robert Van de Walle: "Le judo est plus qu’un sport, c’est une manière d’être !"
- Publié le 02-09-2017 à 12h57
- Mis à jour le 02-09-2017 à 13h00
À 63 ans, Robert Van de Walle n’a rien perdu de son légendaire franc-parler. Assis dans la tribune réservée aux invités de la Fédération internationale de Judo (IJF), Robert Van de Walle ne perd rien des combats de ce Mondial hongrois. À 63 ans, notre champion olympique de Moscou est toujours aussi passionné par le sport qui lui "a tout donné". Dans cette tribune d’honneur, se retrouvent de nombreux judokas ayant marqué l’histoire, dont un certain Yasuhiro Yamashita, véritable icône au Japon. Robert est donc bien entouré. Mais, toujours aussi souriant, avec un mot gentil pour chacun, il est l’un des plus abordables parce que, pour lui, l’humilité n’est pas un vain mot…
Robert, vous avez dû en serrer des mains depuis votre arrivée à Budapest…
"Oui ! J’ai retrouvé quelques anciens rivaux, quelques copains aussi, parmi lesquels Jean-Luc Rougé, actuellement président de la Fédération française. Pour moi, c’est toujours un plaisir de le revoir. Je suis souvent convié par l’ IJF et j’essaie de répondre aux invitations quand mon agenda, toutefois, me le permet. Le Tournoi de Paris, les Jeux, le Mondial sont des rendez-vous que j’honore volontiers. Au-delà de cela, c’est plus compliqué parce que je travaille encore !"
Racontez-nous ça…
"Je partage mon expérience de sportif de haut niveau en matière de préparation et de maintien de performances avec de nombreux patrons d’entreprise. Et je voyage aux quatre coins du monde. Récemment, j’étais aux États-Unis et au Vietnam. Je n’ai plus mon centre. Je préfère me déplacer. Avec mon épouse qui est ici également. Vous savez, le judo m’a tout donné parce que c’est plus qu’un sport. C’est ma vie ! Il m’a donné une éducation, une philosophie, une manière d’être, des valeurs que je partage avec les dirigeants. Parfois de multinationales… Ils enfilent le kimono et montent sur le tatami avec moi ! Entre la victoire et la défaite, il n’y a souvent qu’une infime différence : physique, mentale. Alors, j’essaie de les aider à, peut-être, travailler autrement pour optimaliser leur rendement. Mais j’apprends autant d’eux qu’eux apprennent de moi. Et c’est ce qui est enrichissant dans mon job."
Revenons au judo… Comment trouvez-vous ce Mondial ?
"Jusqu’ici intéressant ! Les organisateurs hongrois ont mis les petits plats dans les grands. La cérémonie d’ouverture fut grandiose, même si trop bruyante pour moi. Je me demande s’ils ne sont pas un peu sourds ici… (rire) . Sinon, il faut bien avouer que le judo s’est professionnalisé par rapport à mon époque. Quand je vois les prize money … Aujourd’hui, un bon judoka peut vivre de son sport. En décrochant quatre ou cinq médailles internationales par an, il peut gagner jusqu’à 100.000 euros. De mon temps, on recevait une assiette en étain ! Mais ce constat est valable pour de nombreux sports et le judo n’est pas le plus riche."
Le judo adapte son programme avec des épreuves mixtes. Quand pensez-vous ?
"Je trouve que c’est une bonne idée qui ne fut pas facile à concrétiser parce que le CIO et, en particulier, son président Thomas Bach n’y étaient pas favorables. De nouvelles épreuves, ce sont des médailles en plus. À un moment, il a été question de diminuer le nombre de catégories (NdlR : sept, actuellement, chez les hommes et chez les femmes) , mais l’ IJF a refusé. Et, finalement, l’idée des épreuves mixtes en judo a été acceptée comme, d’ailleurs, en natation et en triathlon dans la perspective des Jeux de Tokyo."
Les règles, aussi, ont bien évolué, non ?
"En effet ! Et, là, je ne veux pas passer pour un nostalgique, mais je préférais avant parce que le judo était plus complet. Aujourd’hui, on a banni une série de techniques, entre autres au niveau de la prise de jambes, et ce n’est plus pareil… Bon, je comprends que les instances ont souhaité écarter certaines techniques russes venant du sambo (NdlR : espèce de lutte) , mais je regrette qu’on limite la liberté des judokas. Pour le reste, l’introduction de la vidéo permet de corriger certaines erreurs à condition de l’utiliser à bon escient. Le judo n’est vraiment pas facile à juger. De trois, on est passé à un arbitre sur le tatami qui est chargé de gérer le combat, les superviseurs s’occupant de juger les actions. Bon, c’est aussi dans l’air du temps…"
"Trois porte-drapeau en Belgique"
Notre champion olympique de Moscou apprécie le style de Toma Nikiforov
Robert Van de Walle est, bien entendu, aussi un spectateur attentif du judo belge et, quand on lui demande qui en est le porte-drapeau, il répond avec toute la diplomatie qu’on lui connaît : "Il n’y a pas un, mais trois porte-drapeau en Belgique : Charline, côté féminin; Toma, côté francophone et Dirk, côté néerlandophone. Personnellement, je trouve que la Fédération francophone est bien organisée, bien structurée et, d’ailleurs, les résultats suivent. Il ne faut pas voir que les seniors, mais les jeunes aussi. Et, là, il me semble qu’il y a du potentiel. Mais on a beau avoir le meilleur entourage, c’est quand même à l’individu de prester. Et on voit qu’au niveau mondial, ce n’est pas facile parce que beaucoup de pays ne vivent pas dans notre confort et leurs judokas ont faim de succès."
Chez qui voyez-vous cette rage de vaincre ?
"Écoutez, je trouve que Toma combat dans cet esprit. Il développe un judo offensif, généreux, parfois trop, mais on ne peut pas le lui reprocher. Il est jeune, en pleine forme. Il faudra voir avec le temps comment son corps réagira parce qu’il traîne déjà l’une ou l’autre blessure derrière lui. Il y a l’épaule qui date de 2013, ici même, mais aussi les avant-bras qui lui ont causé des soucis. Tôt ou tard, il devra apprendre à vivre avec ça. Mais, aujourd’hui, aucun doute : Toma est un guerrier sur le tatami !"
Et Dirk ? À sa place, vous auriez arrêté après le bronze de Rio 2016 ?
"Je ne suis pas à sa place ! Il y a plusieurs aspects… Il semble toujours fort techniquement. Un peu moins physiquement. Mais c’est normal. Il y eut la décompression après les Jeux, puis la naissance de son fils qui a bouleversé sa vie. Ceci dit, quoi qu’il arrive, c’est le cœur qui décidera. Et ça peut arriver à n’importe quel moment…"
Certains comparent la génération actuelle avec la vôtre, celle des années 80, mais aussi celle des années 90. Votre avis ?
"Il ne faut pas comparer les générations ! Aujourd’hui, le judo est un sport vraiment universel. La preuve : il y a 126 nations et 730 judokas ici, à Budapest. Chaque pays peut aligner deux représentants alors que, pendant des années, on était limité à un. Je précise : pas à mon époque… Après ! Mais voilà, chacun doit vivre avec son temps !"