Rencontre avec Frederik Van Lierde, avant le 41e Ironman d'Hawaï: "Nager à l’économie, rouler devant et… courir à fond"
Frederik Van Lierde a défini une tactique bien précise pour essayer de l’emporter.
- Publié le 14-10-2017 à 13h12
- Mis à jour le 14-10-2017 à 13h22
Frederik Van Lierde a défini une tactique bien précise pour essayer de l’emporter. Tous ceux qui le connaissent bien ou le côtoient souvent l’affirment : Frederik Van Lierde est en forme ! Et, à 38 ans, il peut se targuer d’une sacrée expérience. Si sa saison a mal débuté avec une septième place, début avril, à l’Ironman d’Afrique du Sud, suite à l’agression dont il a été victime une semaine auparavant, elle a pris une tournure vraiment positive avec ses victoires en juillet, sur l’Ironman de Nice et en août, sur la mi-distance à Vichy.
De l’avis unanime, le Flandrien a tout mis en œuvre pour gagner une deuxième fois Hawaï, multipliant les stages, notamment en altitude, et les tests avec Luc Van Lierde, son coach. Tous les voyants sont donc au vert ! "Je ne doute pas de ma condition. Je suis prêt ! Reste à voir quelles seront mes sensations du jour… Hawaï se gagne, ou se perd, non seulement physiquement, mais aussi tactiquement. Il faut prendre les bonnes décisions au bon moment. Et, surtout, être concentré d’un bout à l’autre de l’épreuve, c’est-à-dire pendant plus ou moins huit heures ! Une bonne nutrition est capitale sous peine de tomber en panne. Et là, ça ne pardonne pas. J’ai vécu ce genre d’expérience. D’autres aussi. C’est très dur…"
Quand on compare, l’épreuve n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était il y a une vingtaine d’années, quand Luc Van Lierde (son homonyme, mais sans lien de parenté…) s’est imposé, en 1996 et 1999.
À l’époque, ils étaient quatre ou cinq à pouvoir l’emporter. Aujourd’hui, le niveau s’est considérablement resserré et ils sont dix, voire quinze, à prétendre à la victoire. Même si les Allemands, auteurs du triplé, l’an dernier, avec Jan Frodeno, Sebastian Kienle et Patrick Lange, sont largement favoris.
Frodeno (deux fois) et Kienle (une) ont d’ailleurs remporté les trois dernières éditions, 2013 étant l’année de gloire d’un certain… Frederik Van Lierde !
À Hawaï, la météo et, notamment, la chaleur et le vent entrent immanquablement en ligne de compte.
Explication de Fred lui-même… "Dans un premier temps, je devrai nager à l’économie, tout en veillant à figurer dans le groupe de tête pour sortir de l’eau et démarrer le vélo parmi les cinq premiers. J’éviterai ainsi de revivre ma mésaventure de l’an dernier quand, après 15 km, au bas d’une descente, je n’avais pu respecter la distance obligatoire de douze mètres avec d’autres concurrents qui entamaient une montée et avaient donc forcément ralenti. D’où une pénalité de cinq minutes ! Non, je devrai rouler devant, en tête."
Alors, il faudra tenir compte des conditions de vent. "Il faut rallier le turning-point , à Hawi, le plus rapidement possible pour profiter du vent favorable le plus longtemps possible sur le retour. Mais ce n’est pas évident à estimer car la météo est très variable, même pendant l’épreuve ! Si vous avez beaucoup donné à l’aller et que vous vous retrouvez avec un vent de face pendant 40 km au retour, vous pouvez perdre jusqu’à dix minutes. Et c’est foutu…"
Autre passage très sensible : Energy Lab, après environ 30 km à pied. "On y arrive au moment le plus chaud de la journée. Qui plus est, l’endroit est sous le niveau de la mer. Alors, pour y entrer, ça va. Mais pour en sortir… Là, c’est au mental qu’on gagne ou qu’on perd, à condition d’avoir bien géré auparavant, bien sûr. C’est à cet endroit, réputé, que j’avais été contraint de marcher il y a deux ans parce que mon corps était en panne sèche."
Une pénible expérience que Frederik Van Lierde espère ne pas revivre. Que du contraire !
Aernouts : "J’attends le super-jour"
Huitième l’an dernier, comme en 2013, Bart en est à sa sixième participation.
À 33 ans, Bart Aernouts en est, déjà, à sa sixième participation à Hawaï où il peut se targuer d’un beau palmarès : 11e en 2012, 8e en 2013, 9e en 2014 et 8e, encore, en 2016. Seule ombre au tableau, son abandon en 2015… Avec Jolien, sa compagne, elle-même triathlète (elle a gagné l’Ironman de Suède à la mi-août !), le Brabançon affiche un certain calme. Il est vrai qu’avec Lanzarote et Roth, il a remporté deux superbes épreuves cette saison… "Je me suis bien préparé et, franchement, je suis serein. Contrairement à beaucoup, je ne ressens aucun stress particulier. Hormis il y a deux ans, j’ai toujours bien presté à Hawaï, mais je n’y ai encore jamais connu un super-jour. Peut-être est-ce pour ce samedi… Je l’espère parce qu’avec moi, on évoque souvent le Top 10 , pas le podium ou la victoire. Or, je suis là pour essayer de gagner !"
Ancien champion du monde de duathlon, Bart accuse toujours un léger retard en natation, qu’il espère combler à vélo et, surtout, à pied, son point fort. "Les prévisions météo annoncent moins chaud et donc moins dur que d’habitude. Mais je me méfie ! Hawaï réserve toujours des surprises. Il ne faut pas établir de plan à l’avance parce qu’il est souvent bouleversé en course…"
Après une courte, mais bonne nuit, le lever est prévu à 4 h.
L’Ironman d’Hawaï ? Un mythe, un must !
Prendre un jour le départ de l’Ironman d’Hawaï est, pour beaucoup de triathlètes, une manière d’entrer dans l’histoire de leur sport. La légende affirme que c’est à Hawaï qu’est né l’Ironman, un soir de janvier 1978, au Primo Gardens de Pearl City, une taverne près de Pearl Harbour. Ce soir-là, John Collins, commandant de la Navy, proposa d’enchaîner les 3,8 km de la Waikiki Rough Water Swim, épreuve de natation, les 180 km du tour de l’île à vélo et les 42,195 km du marathon d’Honolulu. Le vainqueur serait baptisé Ironman (Homme de fer). Et le 18 février 1978, ils furent quinze à prendre le départ. 11h46.58 plus tard, Gordon Haller, un ancien membre de la Navy devenu chauffeur de taxi à Honolulu, devint le premier Ironman devant onze autres finishers. L’année suivante, Lynn Lemaire devint la première Femme de fer. En plus de trente ans, l’histoire de l’Ironman d’Hawaï est jalonnée de victoires, de records, d’exploits et de drames. Plusieurs hommes et femmes ont marqué l’épreuve, à l’image de Dave Scott, surnommé The Man, et de Mark Allen, surnommé The Grip, tous deux vainqueurs à six reprises. Huit fois victorieuse, Paula Newby-Fraser détient, quant à elle, le record féminin…
Alexandra Tondeur : "J’en veux plus qu’en 2016"
La Brabançonne avait réussi ses débuts hawaïens avec une 19e place, en 9h46.49
Pour sa première, l’an dernier, à Hawaï, Alexandra Tondeur s’était couchée les jambes lourdes, mais le cœur léger. Et des images plein la tête, heureuse d’avoir réussi ses débuts sur cette épreuve mythique.
La Brabançonne avait parfaitement justifié la confiance placée en elle par son coach, Luc Van Lierde. "J’avais bien géré, même si j’avais aussi l’impression d’avoir été sur la défensive. J’avais connu deux moments très délicats. Le premier, à vélo, lors du demi-tour à Hawi. Le second, à pied, lors de la traversée d’ Energy Lab …"
Forte de cette expérience et de son titre de vice-championne d’Europe, début juillet, à Francfort, Alex se présente désormais avec ambition. Elle évoque le Top 15, mais espère le Top 10. Et, avec elle, tout est possible !
Un parcours rectiligne et vallonné
En plus de la chaleur, le parcours de l’Ironman d’Hawaï est monotone. Le départ de la natation est donné dans la baie de Kailua-Kona. Le parcours dans l’eau ressemble à un rectangle dont la longueur est de 1,8 km et la largeur de 100 m. Autant dire qu’il y a du monde à la bouée pour amorcer le retour, dans le sens des aiguilles d’une montre, vers la première zone de transition. Après un crochet vers le sud, le parcours à vélo remonte vers le nord en longeant la côte jusqu’à Hawaï. Il est vallonné avec des bosses d’un maximum de 6 %. Le vent est un élément avec lequel les triathlètes doivent compter car il est parfois assez violent. Tout au long du tracé, il y a des postes de ravitaillement en eau, boissons énergétiques, gels. Au retour, dans la deuxième zone de transition, débute le marathon qui, lui aussi, longe en partie la côte jusqu’au lieu-dit Energy Lab. Sous le niveau de la mer, celui-ci est réputé pour être l’endroit le plus chaud du circuit avec jusqu’à 40° à ce moment de la journée. Autant dire que la victoire se joue souvent là. Après de longs moments de solitude sur ces routes, la récompense vient au bout et elle est intense puisque l’arrivée a toujours lieu devant des milliers de personnes.
COMMENTAIRE: Imbattables Allemands ?
Par Guy Beauclercq.Sur les 40 éditions masculines de l’ Ironman d’Hawaï, cinq pays seulement se sont imposés : les États-Unis (20 fois), l’Allemagne et l’Australie (7), la Belgique et le Canada (3). Une question de tradition… L’Américain Dave Scott a inspiré Mark Allen, tous deux vainqueurs à six reprises. Idem pour Luc Van Lierde avec Frederik Van Lierde et l’Allemand Normann Stadler, victorieux en 2004 et 2006, avec Sebastian Kienle et Jan Frodeno. Champion olympique en 2008, à Pékin, celui-ci est encore le grandissime favori cette année. Mais il devra se méfier d’un autre compatriote, en la personne de Patrick Lange, troisième l’an dernier après avoir purgé une pénalité de cinq minutes, comme Fred Van Lierde, sans laquelle il aurait peut-être déjà gagné ! Alors, imbattables Allemands ? Eux le croient ! Mais Frederik Van Lierde (et d’autres…) ne le pense pas. Le Flandrien a, en tout cas, tout mis en œuvre pour les battre et s’imposer une deuxième fois à Kona.