Plasschaert, une championne du monde libérée: "Je n’ai désormais plus peur de l’échec"
Emma Plasschaert, championne du monde de voile, est libérée. En route pour Tokyo !
- Publié le 16-11-2018 à 12h14
- Mis à jour le 19-11-2018 à 14h21
Emma Plasschaert, championne du monde de voile, est libérée. En route pour Tokyo ! Dans le grand complexe du Club La Santa de Lanzarote, on peut la croiser à la salle de musculation, sur la piste d’athlétisme ou dans la piscine. Quand elle n’est pas partie faire une sortie à vélo, l’une de ses disciplines alternatives de prédilection. Emma Plasschaert est partout... sauf dans son bateau. Pour elle, c’est l’heure du renforcement physique avant de retrouver la compétition et les manches de Coupe du Monde. L’Ostendaise a changé de dimension depuis son titre de championne du monde en Laser Radial en août dernier, à Aarhus, et cela se ressent dans son discours, dans ses attitudes. Comme si le départ d’Evi Van Acker l’avait soudain libérée.
"Libérée n’est pas le mot approprié", intervient-elle aussitôt. "Cela m’a simplement motivée. Comme la porte-drapeau de la discipline était partie, il n’y avait soudain plus personne pour rapporter des médailles et il fallait compenser cette absence. Je me suis donc dit qu’il était temps pour moi de devenir à mon tour la leading lady ."
Avec six podiums en sept compétitions, la jeune femme de 24 ans a plutôt bien fait les choses.
"J’ai franchi différentes étapes, au plan technique notamment", dit-elle. "Et mentalement, je n’ai plus peur de monter sur le podium, je n’ai plus peur de l’échec, un problème que je ne suis pas la première athlète à rencontrer. C’est avant tout une question de force mentale, il faut parvenir à relativiser, à se dire que ce n’est pas la fin du monde si on ne prend pas de médaille, même si sur le moment on le ressent comme ça. J’ai beaucoup travaillé avec le psychologue Jef Brouwers, mais j’ai fait également beaucoup d’introspection pour comprendre où cela clochait dans ma tête et pour chasser certaines pensées, ne gardant que le positif. En fait, je crois que j’ai été tellement déçue à certains moments que je ne voulais plus que cela se produise. C’est tellement décourageant !"
Concrètement, Emma Plasschaert vit davantage pour son sport et lui donne encore plus qu’avant. "Avec les coaches, on discute beaucoup plus de technique, on fait davantage de briefings, on regarde plus de vidéos, on évoque différents scénarios de course, on analyse beaucoup de paramètres."
Un dévouement qui a donc payé au cours de cette saison avec, outre un titre mondial, une médaille de bronze aux championnats d’Europe. "Celle-ci m’a donné confiance en mes moyens. J’ai été très constante durant la compétition et j’ai fini par me dire que c’était tout simplement mon niveau. Mais le vrai déclic s’est produit lors de la finale de la Coupe du Monde où j’ai gagné l’or pour la première fois. J’avais été souvent 3e ou 2e mais cette 1re place était très importante pour moi. Je crois que quand on est monté sur la plus haute marche, il est bien plus facile d’y retourner. Cette confiance m’a, en tout cas, portée jusqu’aux championnats du monde."
Avec un tel palmarès forgé ces douze derniers mois, la sympathique régatière pourrait, en d’autres temps, prétendre sans problème au titre de Sportive de l’Année. Mais l’année 2018 exceptionnelle vécue par le sport belge ne va, sans doute, pas servir ses desseins. "J’ai, à mon avis, très peu de chances de gagner mais cela ne me contrarie pas. Il y a eu tellement de belles prestations ! Déjà, elles sont difficiles à comparer. Ensuite, la voile est rarement mise en avant dans les médias, les choix de Nina (Derwael) ou de Nafi (Thiam) sont plus évidents. Ma préférence ? Je n’en ai pas, j’adore les voir à l’oeuvre toutes les deux. Nina a réussi une performance unique dans l’histoire mais est-ce pour autant une performance supérieure ? Je ne veux pas me prononcer."
Plus agressive encore aux Jeux de Tokyo
La régatière de 24 ans estime avoir gagné le respect de ses concurrentes.
Travaillant avec un nouveau coach, Mark Littlejohn, qui soutient le travail du Néerlandais Wil van Bladel et avec lequel elle va tenter de combler le petit déficit de vitesse qu’elle accuse parfois sur certaines concurrentes, Emma Plasschaert voit l’échéance olympique se rapprocher très vite.
"C’est vrai, j’ai l’impression qu’on entre déjà dans la dernière ligne droite !" sourit-elle. "Je crois que c’est important de le réaliser pour l’utiliser au mieux le temps qu’il nous reste. Mais attention, je ne suis pas encore qualifiée à titre personnel. Je pense que c’est en bonne voie mais je ne veux pas le dire ouvertement car je suis un peu superstitieuse..."
Barrée en 2016 par Evi Van Acker, la n°1 mondiale reconnait qu’elle a eu du mal à accepter que "des filles moins fortes d’autres pays" aient goûté à une participation olympique et pas elle. "C’est un système injuste mais c’est ainsi !"
Personne ne devrait toutefois l’empêcher de coucourir dans les eaux d’Enoshima (où elle s’est classé troisième cette saison) en 2020. "Je vais recueillir un maximum d’informations auprès de mes collègues, anciens collègues dont Evi, et coaches pour ne pas arriver tout à fait dans l’inconnu aux Jeux. Je ne serai peut-être pas considérée comme une des favorites parce que ce seront précisément mes premiers Jeux Olympiques. Et même si je suis présentée comme une candidate au podium olympique, je crois que la seule chose intelligente à faire dans ce cas est de ne pas y prêter attention. Jef Brouwers m’a dit qu’à Rio, aucun des six médailles n’avait été vraiment prévue..."
En attendant, notre régatière, qui sent qu’elle a "gagné le respect" de ses concurrentes, va continuer à développer son côté agressif. "J’ai remarqué, par exemple, que cela jouait en faveur de Marit Bouwmeester, qui inspire la crainte au départ. C’est important de montrer son autorité, de crier un bon coup, ne pas se laisser faire ou de rendre la monnaie de sa pièce à quelqu’un...."
"Un copain dans le sport, ça aide"
Emma Plasschaert partage sa vie avec un Australien, Matt Wearn, vice-champion du monde en Laser. "Malgré la déception d’avoir terminé deuxième, il était super heureux pour moi", dit-elle. "Franchement, ça aide beaucoup qu’il soit sportif de haut niveau lui-même. Si on n’est pas dans le sport, on ne peut pas comprendre précisément ce qu’est une déception par exemple. Quand on a la même passion, les mêmes objectifs, les mêmes rêves, comme nous deux, cela permet une bonne communication et cela renforce une relation. J’étais la première à décrocher le titre mondial mais Matt a deux ans de moins et a donc encore deux chances de faire aussi bien en étant plus jeune que moi !"