Toma Nikiforov à l'Euro: "Moi, le leader belge ? Mais je suis un gamin !"
Souriant pendant le stage à Jodoigne, Toma Nikiforov, 25 ans, y a mesuré son incroyable popularité et son nouveau statut.
- Publié le 24-04-2018 à 07h06
Souriant pendant le stage à Jodoigne, Toma Nikiforov, 25 ans, y a mesuré son incroyable popularité et son nouveau statut.
Incorrigible, Toma Nikiforov s’est emparé d’un ballon de foot traînant dans la salle de judo et s’amuse avec un ou deux jeunes à tirer contre le mur. Entre deux entraînements, il tue le temps comme il peut, malgré la fatigue de la fin de préparation aux Championnats d’Europe et, surtout, une gêne aux genoux qu’il traîne depuis février. "Elle ne m’empêche pas de m’entraîner ! sourit-il. C’est une tendinite, due à la répétition des mouvements, que nous gérons avec le doc et le kiné. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à avoir mal. Sami, c’est pareil. Sophie, aussi. Et Benjamin se plaint du poignet. Mais c’est normal… Nous avons, tous, des petits bobos. Nous y sommes habitués; cela ne nous empêche pas de combattre. Le judo, ce n’est pas la pétanque !"
Battu d’emblée, l’an dernier, à Varsovie, par le Géorgien Liparteliani, Toma a hâte de retrouver la scène européenne, de prendre sa revanche et, surtout, de poursuivre son ascension parce que l’Euro 2017 fut, pour lui, un malheureux coup d’arrêt après une 7e, une 5e, une 3e et une 2e place les années précédentes.
"Je me suis préparé le mieux possible avec des stages en Russie et en Hongrie ainsi qu’en Belgique, à Jodoigne, où j’étais souvent à la rupture avec une douzaine de randoris (simulation de combat) par jour, soit deux fois plus que je ne suis amené à disputer en compet . Mais je me sens prêt."
Après un début de saison victorieux à Visé, Toma s’est aligné lors des trois Grands Chelems - Paris, Düsseldorf, Ekaterinbourg - au calendrier international. Avec plus ou moins de réussite…
Si la capitale française ne lui a (toujours) pas souri, il a prouvé en Allemagne et en Russie qu’il avait de la suite dans les idées, s’inclinant, certes, pour le bronze face à son pote portugais Fonseca à Düsseldorf, mais arrachant l’argent à Ekaterinbourg après avoir battu le Mongol Lkhagvasuren, son tombeur parisien, et le Néerlandais Korrel, n°2 mondial !
Seul, finalement, le Russe Ilyasov eut raison de lui.
"Il y a toujours un Russe sur ma route, mais je finirai bien par les battre ! Le problème avec eux est qu’ils ne sortent pas souvent en stage ou en compet et que, quand je me retrouve en Russie, ils s’entraînent entre eux… Ils ne viennent pas me chercher comme c’est le cas ailleurs. Il y a un tel potentiel là-bas qu’ils peuvent se le permettre. Or, moi, j’ai besoin d’avoir mes adversaires en main. Sur le papier ou en vidéo, c’est bien. Sur le tatami, c’est mieux !"
Souriant pendant les cinq jours de stage à Jodoigne où étaient réunis quelque 130 judokas, Toma y a mesuré son incroyable popularité, son nouveau statut, celui de leader.
"J’essaie de m’y adapter, d’éviter les bêtises. Moi, le leader belge ? Mais je suis un gamin ! J’essaie simplement de motiver les jeunes parce que je me souviens que je suis passé par là. En 2009, j’étais le sparring-partner de Christophe Van Dijck et j’ai dégusté ! C’était l’époque de gars comme Gascard, Flamand, Bomboir, devenus entraîneurs. Je les voyais comme des extra-terrestres et j’imagine que ce doit être le cas pour tous les petits qui m’entourent aujourd’hui."
Et ceux-ci ne manqueront pas de le suivre, ce samedi, à Tel Aviv, lors de cet Euro 2018 où, qu’il le veuille ou non, Toma sera l’incontestable chef de file de la délégation belge.
"Le gars à éviter, c’est moi !"
Ils sont une dizaine, dont le Bruxellois, à pouvoir prétendre au titre européen.
En -100 kg, ils sont une dizaine à pouvoir prétendre au titre européen. Et ils sont tous à Tel Aviv, à l’exception du Néerlandais Korrel, n°2 mondial, blessé et opéré au genou.
Actuel n°6, Toma Nikiforov figure, bien entendu, parmi les têtes de série de cet Euro 2018 dans une catégorie où le premier non-Européen au ranking est… 13 e ! Il s’agit du Japonais Wolff, champion du monde en titre quelques mois après avoir été battu en finale à Düsseldorf par Toma. Autant dire qu’il n’y a vraiment pas de client facile.
"Consulter la liste des engagés ou le ranking mondial ne figure pas dans mes habitudes !" lance Toma. "À ce niveau, il n’y a pas de bon ou de mauvais tirage parce que le gars à éviter, c’est moi ! Il y a, certes, des mecs qui me conviennent moins comme le Mongol Lkhagvasuren qui m’a surpris à Paris avec une pratique du judo très proche de la lutte… Mais je l’ai battu depuis lors…"
Toma n’a pas tort quand il affirme qu’il est le gars à éviter. Depuis sa finale mondiale toutes catégories face à Teddy Riner, à Marrakech, il a acquis, par son courage, ses lettres de noblesse sur la scène internationale.
"J’étais content de pouvoir défier Teddy en compétition, mais j’ai mesuré le fossé qu’il y avait avec le fait de le rencontrer à l’entraînement. Riner, c’est une légende vivante ! Mais lui ou un autre, je n’en avais cure. Pour moi, il était simplement le dernier adversaire qui me séparait d’un titre mondial… Et j’ai encore du mal à réaliser. Après coup, beaucoup m’ont expliqué que c’était bien qu’il ne m’ait pas battu par ippon. Mais j’ai perdu cette finale. Et pour moi dont le judo est toute ma vie, c’est un échec. Franchement, je ne vis pas mon sport 26 heures sur 24 (sic) pour perdre. Je veux tout gagner ! À commencer par ce titre de champion d’Europe."
Rendez-vous ce samedi.