Jonas Gerckens veut savourer un Rhum, 40 ans d’âge
Le skipper liégeois sera au départ de sa première transatlantique en solitaire sur son Class40 Volvo. Un top 10 dans sa catégorie serait savoureux.
- Publié le 02-11-2018 à 08h12
- Mis à jour le 02-11-2018 à 08h43
Le skipper liégeois sera au départ de sa première transatlantique en solitaire sur son Class40 Volvo. Un top 10 dans sa catégorie serait savoureux. Depuis l’édition 2010 de la Route du Rhum, l’océan est redevenu un espace de liberté pour les participants à la reine des transats, mais aussi pour les architectes et armateurs qui ont pu laisser libre cours à leur imagination ou à leur folie des grandeurs. Pour les 40 ans d’âge d’un Rhum qui a bien vieilli, Jonas Gerckens, un skipper belge, réalisera son rêve de gosse.
Lui, qui fut spectateur depuis ses 10 ans de huit départs sur les quais de Saint-Malo ou sur les falaises du Cap Fréhel, sera au départ dimanche sur son Class40 Volvo parmi les autres prétendants à la victoire dans sa catégorie et à quelques centaines de mètres des Ultim’, ces géants-volants des mers. Le Liégeois pure souche de 38 ans a galéré pour toucher son premier graal : être au départ. C’est dorénavant chose faite depuis que l’ancien maestro en Mini 6.50 a signé un contrat longue durée avec Volvo, remportant au passage la Fastnet Race. Il ne restait plus qu’à dénicher un bateau pour changer de costume. De spectateur, Jonas Gerckens est devenu acteur de son histoire en reprenant le Mach de 2011 de son compatriote Denis Van Weynbergh. Un Class40 en piteux état par la faute d’un jeune skipper français que le mot épave ne semblait pas trop déranger. Le Liégeois et son équipe réalisèrent un boulot de titan pour remettre à flot une embarcation que d’aucuns n’auraient pas voulu au recyclage (cela tombait à pic puisque le skipper liégeois est ambassadeur de GoodPlanet, une association qui sensibilise toutes les générations à s’investir pour une société durable et qui milite aussi pour la préservation des océans).
À quelques jours du départ, Jonas Gerckens profite de ses derniers moments sur la terre ferme sans trop se mettre la pression.
"Je suis serein. On peaufine les derniers préparatifs et mon équipe fait le tri parmi les nombreuses sollicitations. Je déambule aussi sur les pontons et intra muros à Saint-Malo pour vivre pleinement de l’intérieur ce rendez-vous fixé dans mon calendrier depuis si longtemps. Tout est démesuré pour les 40 ans de la Route du Rhum avec un plateau exceptionnel au départ. L’engouement est impressionnant et nos compatriotes ne sont pas les derniers à découvrir le bateau à tel point que Julien, mon préparateur, signe des autographes au pied du pavillon belge quand je ne suis pas à bord..."
Jonas Gerckens n’est pas au départ pour faire de la figuration et ambitionne sérieusement un top 10 à Pointe-à-Pitre.
"Il s’agira d’abord de terminer la course. Mettons les choses dans l’ordre après avoir réussi la qualification pour le Rhum. Ensuite, battre le temps de 19 jours de l’Anversois Michel Kleinjans (15e en 2014). Et in fine, viser un top, 10 ce qui pourra s’apparenter à un réel exploit quand on sait que, sur les 53 Class40 engagés, près de la moitié peut ambitionner un top 10. Et sachant aussi que le bateau date de 2011 et que la majorité de mes adversaires bénéficient des dernières technologies en termes de puissance des monocoques de dernière génération qui réalisent des différences notables dans les accélérations au planning. Se classer parmi les dix premiers serait la cerise sur le gâteau mais il y a tant de paramètres à maîtriser que définir un classement est trop aléatoire. Cela dit, cette transat en solitaire n’est pas une première pour moi. J’ai du vécu et je ne lâcherai rien jusqu’à la ligne d’arrivée sans pour autant jouer à la roulette russe."
Donc sans prendre des risques démesurés pour pallier le manque de vitesse…
"Il s’agira de trouver la juste combinaison entre les capacités du bateau dans les différentes conditions de vent et une analyse pointue des systèmes météo que je maîtrise de mieux en mieux au fil des ans. Tant sur le golfe de Gascogne que dans les Alizés, les conditions peuvent être très changeantes au gré des jours… Pourquoi pas départ dimanche sous le soleil et avec une brise de 15-20 nœuds. Ce serait top pour se frayer une route au milieu de la meute de 123 bateaux répartis sur une ligne de départ de 3 milles où près de 15.000 personnes à bord de bateaux-spectateurs suivront la course dans les couloirs prévus à cet effet..."
Un trip volant pour ses 40 ans
Le record de 7 jours et 15 heures de Loïck Peyron devrait être pulvérisé.
Le problème avec la Route du Rhum, c’est que si l’on s’inscrit une première fois, on prend le risque de vouloir sans cesse y retourner. On ne compte plus les multirécidivistes comme les cadors que sont les Gabart, Peyron, Cammas, Joyon ou Coville, sans compter la foule des anonymes qui ne font pas la une des médias. Tous, ils courent ou ont couru après une victoire. Avec des goûts différents certes, mais toujours par passion pour cette transatlantique si intense, si fortes en émotions et si proche du grand public, même si d’aucuns regrettent parfois les premières éditions qu’ils jugeaient plus confidentielles, comme en témoigne le Malouin et commerçant Daniel Brebel. "Il y a quarante ans, on avait un accès libre au ponton, on avait vraiment l’impression d’être avec les skippers, alors qu’aujourd’hui on les voit de loin. Plus la fête est grosse, plus elle est belle mais plus on sent qu’elle nous échappe."
Sur l’eau, la transatlantique en solitaire la plus célèbre au monde se prépare à une édition riche d’un record de 124 engagés et d’une traversée envisagée dans un temps supersonique de 6 jours grâce aux bateaux volants. Le départ sera donné dimanche à 14 heures à Saint-Malo pour un voyage sur l’Atlantique ayant pour terminus la Guadeloupe. La flotte est répartie en six catégories : les multicoques d’un côté, avec les Ultim, les Multi50 et les Rhum Multi, les monocoques de l’autre avec les Imoca, les Class40 et les Rhum Mono. Il y a quatre ans, la dixième édition de la course s’était gagnée en un temps record de 7 jours 15 heures et 8 minutes, signé Loïck Peyron sur son Maxi Banque Populaire VII.
"On s’attend à une autoroute du Rhum en 6 jours", lance Mathieu Sarrot, en charge de l’organisation de la course. La participation des Ultim, ces maxi-trimarans nouvelle génération capables de "voler", promet une claque au record actuel. Cette impression de voler, ces super-machines la donnent grâce à leurs foils, ces appendices qui leur permettent de s’élever au-dessus de l’eau et de filer à vive allure. Du jamais-vu sur des bateaux de quelque 15 tonnes !
Pour la première fois, ces bateaux XXL vont s’affronter en compétition. "Des bateaux de cette taille, qui volent, susceptibles de traverser l’Atlantique ou de faire un tour du monde, ça reste des premières" , explique François Gabart (Macif), l’un des maîtres d’œuvre de cette nouvelle ère.
"C’est hyperexcitant, ce sont des bateaux exceptionnels par leurs dimensions, les vitesses qu’ils arrivent à atteindre et les comportements qu’ils ont, à savoir voler" , se réjouit le navigateur victorieux en 2014 en catégorie Imoca.