Les nouveaux sports olympiques (3/5): aux JO de Tokyo 2020, le karaté veut briller à la maison
Discipline de démonstration lors de Tokyo 2020, cet art martial tire ses origines de l’île japonaise d’Okinawa.
- Publié le 04-01-2018 à 15h36
- Mis à jour le 22-01-2018 à 12h21
Discipline de démonstration lors de Tokyo 2020, cet art martial tire ses origines de l’île japonaise d’Okinawa Traversé par de multiples styles (Shotokan, Wado, Shito…) mais morcelé en diverses fédérations, le karaté fera enfin son apparition sous la bannière olympique en 2020.
Clin d’œil du destin, ce sera au Japon, là où remonte l’Histoire de cet art martial, que les meilleurs karatékas de la planète découvriront le plus gros rassemblement de sportifs au monde.
Pratiqué par des millions d’adeptes dans le monde, le karaté organisé par le mouvement olympique se veut multistyles comme la plupart des compétitions internationales sous l’égide de la WKF (World Karaté Federation), seule instance internationale reconnue par le CIO, qui chapeaute la FBK (la Fédération belge de Karaté), laquelle domine la FFKAMA (Fédération francophone de Karaté et Arts martiaux affinitaires) et la VKF (l’aile néerlandophone).
"Ce qui est complexe dans notre discipline, c’est le nombre de Fédérations", se désolent Christophe Decamps, vice-président de la FBK, et Olivier Mahauden, président de la FFKAMA dont le budget annuel est évalué à 220.000€. "Ça nous porte préjudice parce que cela réduit évidemment le nombre d’affiliés à présenter tant c’est morcelé", ajoute le second suivi par le Brainois dans son analyse. "Mais en même temps, le fait d’être la seule Fédération reconnue par l’Adeps et le COIB après avoir satisfait à différents critères offre des perspectives de rassemblements."
Actuellement , la FKB compte 15.000 membres dont un tiers des affiliés sont issus de Bruxelles ou du Sud du pays. Partant de là, ils sont pourtant encore moins nombreux à avoir le statut de compétiteurs. "On estime à seulement 5 % ceux qui se destinent à la compétition. Beaucoup sont adeptes de la tradition, la pratique sereine et basée sur les mouvements sans vouloir à tout prix enchaîner les combats."
Pour réussir à attirer plus d’adeptes et pour séduire davantage le CIO (la discipline s’était déjà portée candidate auparavant), le karaté a aussi réussi à évoluer avec son temps, développant le volet sportif de la discipline. "Avant, il n’existait que la forme traditionnelle", commence Christophe Decamps. "C’était en face-à-face et on se rentrait dedans. On pouvait aller jusqu’au K.-O. On donnait et on prenait des coups. Le karaté sportif développé pour les compétitions ne permet que des touches et les sportifs enfilent plastron, protège-tibias, ont un protège-dents, une coquille… Pour plus de sécurité mais aussi pour le spectacle."
Kata ou kumité ?
À Tokyo pour les prochains Jeux olympiques, le karaté ne sera encore qu’en mode démonstration. Le CIO a toutefois instauré les deux axes de la discipline dans la compétition : le kata et le kumité. Le premier consiste à travailler seul face aux arbitres en enchainantun ensemble de technique et déplacements (un combat réel face à un adversaire imaginaire). Le kumité est la partie combat face à un adversaire réel. Le règlement olympique édicté actuellement ouvrirait les portes de Tokyo pour le Top 10 de chaque catégorie (six pour le kumité, deux pour le kata). Pour la partie combat, les points peuvent être gagnés de trois façons en fonction de l’enchainement et des coups portés : ippon (trois points), wazari (deux points), yuko (un point). Le premier compétiteur à huit points gagne le match.
Les Belges misent plus sur Paris 2024
Dans deux ans, et sauf changements dans les critères de sélection, seul le Top 10 mondial de chaque catégorie décrochera son billet pour le Japon. Autant dire que les places seront chères pour nos représentants. "Si les Jeux devaient débuter demain, nous ne pourrions envoyer personne", souligne Christophe Decamps, le vice-président de la FBK avant qu’Olivier Mahauden n’ajoute : "La chronologie demande d’abord d’inscrire les 50 premiers et, toutes catégories confondues, nous en avons trois du côté francophone : Digiovani, Dasoul et Debatty. Du côté néerlandophone, on compte moins de compétiteurs comme le démontre la prochaine sélection belge pour l’Euro des jeunes à Sotchi. Sur les 26 sélectionnés, 25 sont francophones."
C’est d’ailleurs sur ces jeunes que la Fédé mise pour viser Paris 2024 si le karaté garde son statut olympique. "C’est toujours délicat de citer des noms alors qu’ils sont encore chez les jeunes mais avec Eva Brognon (championne d’Europe cadet en kumité), Walid Deghali (3e au Championnat d’Europe en Kumité Junior) Youness Oualad (3e au Championnat d’Europe en kumité cadet) et Younmi Novo (médaille de bronze cadet en kata au Championnat du Monde) sans oublier les autres, nous avons deux beaux potentiels", précise Olivier Mahauden.
Luana Debatty, l'ambassadrice
À 25 ans, la Liégeoise vient de signer un contrat avec l’Adeps
Elle aurait pu rêver d’une sélection olympique en athlétisme alors que chez les jeunes, elle réalisait un chrono de 12.96 sur 100 m sous l’impulsion de Roger Lespagnard. À 18 ans pourtant, trois ans après avoir mis le karaté de côté, Luana Debatty revenait à ses premières amours pour se positionner à 25 ans dans le Top 15 mondial en -68kg. À deux ans des Jeux de Tokyo, la Liégeoise ne pense pas encore vraiment aux cinq célèbres anneaux mais elle a endossé récemment un autre statut en décrochant un contrat mi-temps avec l’Adeps, lui offrant de nouvelles perspectives dans sa carrière. "Même si avec le boulot, il faut tout de même s’accrocher."
Devenue l’ambassadrice de la FFKAMA pour les Jeux Olympiques de 2020, Luana ne porte toutefois pas encore son regard sur l’Extrême-Orient, sachant que son ranking mondial actuel ne la qualifierait pas pour l’épreuve olympique. "Les Jeux au fond, actuellement, ce serait surtout du bonus", lance la Liégeoise. "Avant cela, d’autres compétitions internationales se dresseront sur ma route durant lesquelles je dois pouvoir réussir des performances. Je ne rêve pas des Jeux même s’ils restent évidemment un peu dans un coin de ma tête. On va dire que je suis sur le bon chemin. Voyons d’abord étape par étape."
Sa carrière en kimono, Luana l’a lancée à 10 ans en suivant les pas de Pablo, son papa. Quinze ans plus tard, c’est toujours vêtue de blanc que la Liégeoise s’épanouit le plus. "Je ne regrette pas d’avoir arrêté l’athlétisme. J’enchaînais les blessures. Le karaté est plus inné chez moi. À mon retour au sein de cet art martial, il a fallu retrouver ma place, ce qui explique que je n’ai pas vraiment de résultats chez les jeunes notamment."
Du haut de son 1,73 m, Luana Debatty ne lésine pas sur les efforts pour toucher du bout des doigts le rêve de tout sportif avec une discipline qu’elle affectionne tout particuliérement. "Cet art martial est très complet. Il mélange la force, la précision, l’explosivité mais évidemment, le caractère et le mental sont primordiaux pour réussir."
Après les épreuves de Premier League, Luana Debatty mettra le cap sur la Serbie pour le Championnat d’Europe en mai où elle entend bien briller.
La star mondiale : L'Azeri Rafael Aghayev
Dans une discipline où les fédérations tentent de cohabiter avec, pour chacune, ses propres compétitions, sortir un talent du lot est plutôt compliqué. Pourtant, l’Azeri Rafael Aghayev présente les atouts pour en faire l’un des éléments incontournables pour Tokyo 2020. À 32 ans, l’Azeri, ancien champion du monde, champion d’Europe et lauréat des premiers Jeux européens "est assez spectaculaire dans son style", souligne Christophe Decamps. "Il se déplace un peu comme un serpent, il est très rapide, très vif. Il n’est pas très grand mais il est costaud".