JO 2018 | Lindsey Vonn vit ses dernières olympiades: "Elle a forgé elle-même sa légende"
Lindsey Vonn et la descente olympique. Un duo magique a pris congé l’un de l’autre avec une médaille de bronze et des émotions en pagaille
- Publié le 21-02-2018 à 17h45
- Mis à jour le 21-02-2018 à 18h09
Lindsey Vonn et la descente olympique. Un duo magique a pris congé l’un de l’autre avec une médaille de bronze et des émotions en pagaille "Je pense n’avoir jamais vu autant de monde sur un événement de ski. Surtout chez les femmes." La réaction des spécialistes de la discipline en dit long sur l’importance de la compétition du jour. Pendant un peu moins de deux minutes, le monde entier a eu les yeux rivés sur Lindsey Vonn.
"C’est une journée spéciale, qu’on attendait vraiment" , sourit Megan Harrod, l’attachée de presse du Team USA de ski alpin et amie de Lindsey Vonn. "La neige est super-rapide. Les filles sont bien préparées et vont adorer. Puis, il fait canon."
Le soleil est de retour pour l’un des rendez-vous les plus importants de cette olympiade. Les Coréens un peu moins. Les tribunes sont à moitié vides. "Les Coréens ne sont pas fans de ski" , concède Harrod. "Mais ils connaissent Lindsey car elle a une image plus large que le ski."
Cela n’a visiblement pas suffi à les faire bouger jusque-là. À la place, on a droit à des pancartes "Lindsey is VONNderful (Lindsey est magnifique)." Il n’y en a que pour elle. Et même davantage que prévu.
Le bashing dont elle a été victime a amené du monde. "Certains Américains qui devaient aller à d’autres compétitions sont venus pour vous soutenir après les critiques des pro-Trump" , lui a dit un journaliste américain. "J’ai vu tous les drapeaux à mon arrivée. C’était fabuleux, merci de me l’apprendre."
Elle est sincère. Son arrivée aux Jeux olympiques a été accompagnée de ce qui a été qualifié d’agression après qu’elle ait affirmé concourir pour les États-Unis, pas pour Donald Trump. "Que ceux qui m’ont critiquée me le disent en face. Je ne pense pas qu’ils tiendraient le même discours. Je suis fière d’avoir pu porter le drapeau de mon pays sur le podium."
Un coup en plus pour Vonn qui n’en avait pas besoin vu le récent décès de son grand-père qui l’a vraiment affectée. "J’aurais aimé gagner pour lui mais il doit être fier de moi." Après son freinage, elle a levé l’index au ciel pour le saluer.
Gérer toutes ces émotions a été son plus grand défi au cours des dernières semaines. La championne n’a pu s’empêcher de verser une larme en évoquant son grand-père, mais également la pression sportive qu’elle s’est mise pour cette descente, son numéro fétiche.
"Les gens ne s’en rendent pas compte mais tout ce que Lindsey mange depuis plus de deux ans, c’est pour être prête pour cette course. Les gens n’imaginent pas ce qu’elle a sacrifié pour ces deux minutes sur la piste" , résume sa sœur Karin, présente pour l’occasion. À l’instar du père de Lindsey, qui avait loupé Vancouver. "Nous étions en conflit et sa présence aujourd’hui signifie énormément" , dit la skieuse.
Toute la famille Kildow, Vonn étant le nom de l’ex-mari de Lindsey, était là. Preuve que cette course comptait plus que toute autre. La descente du jour était le couronnement de plus de cinq ans de lutte contre les blessures, les méformes et la frustration. "Depuis 2013, j’ai vécu énormément de bas mais ça m’a fait apprécier davantage ce que je vis. C’est pour ça que je suis si heureuse de ma médaille ici."
Elle a d’abord raté les JO de Sotchi à cause d’une fracture à la jambe et d’un ménisque déchiré en 2013. Les bobos s’enchaînent : fracture de la cheville en 2015, fractures au genou début 2016 et bras droit cassé fin 2016.
"Sa carrière, c’est l’incroyable voyage" , résume Chris Knight, son entraîneur. "Elle est capable d’outrepasser la peur."
Ce grain de folie lui vaut le respect de tous. S’il n’y a qu’elle qui a été acclamée par le public à son départ, c’est qu’il y a une raison. Et même deux, selon Luc Alphand, ancien descendeur. "C’est une athlète courageuse et talentueuse. Elle s’est blessée, s’est fait peur et pourtant elle continue à skier sans la moindre marge de sécurité. Elle est toujours à la limite et je me demande parfois comment elle fait pour aller si loin dans les risques. Elle descend avec les tripes. Lindsey Vonn possède aussi un véritable talent pur. Elle est née avec. Elle a des pieds en or, dit-on dans le monde du ski. Elle a réussi à se forger un palmarès et une image glamour de star globale comme il y a peu eu en ski. Sa légende, elle l’a forgée elle-même. Je me demande toutefois si son côté people n’a pas joué sur sa santé. Juste avant de se casser le bras, elle avait enchaîné les galas et les soirées."
Malgré ses 33 ans et sa plaque de métal dans le bras, Lindsey Vonn n’arrêtera pas tout de suite. Elle a un record en ligne de mire : celui des 86 victoires en Coupe du Monde. Elle en est à 81.
"Les Jeux olympiques vont me manquer"
Lindsey Vonn a savouré sa médaille de bronze
Il aura fallu une bonne heure après la compétition pour que Lindsey Vonn débarque devant la presse écrite. Tout le monde savait que cette interview était l’une des dernières de l’Américaine sur un site olympique. Au moment de boucler ces pages, elle laissait planer le doute quant à sa présence ce jeudi sur le combiné.
Lindsey, êtes-vous satisfaite de votre course ?
"Je suis contente de ce que j’ai fait. J’ai bien skié. J’ai été impeccable, j’ai pris les trajectoires prévues (NdlR : avec une petite faute après le troisième saut selon son coach) . Peut-être ai-je été trop propre. J’aurais dû laisser les skis faire leur job."
À votre arrivée, vous avez pointé du doigt Sofia Goggia car elle était devant vous…
"C’est un jeu entre nous car on se dépasse toujours l’une et l’autre dans les différentes compétitions. Elle était celle à battre. Elle est la nouvelle génération de notre sport et je suis contente d’être à ses côtés sur le podium."
C’était votre dernière sur une Descente olympique. Vous en rendez-vous compte ?
"C’est aussi pour ça que je suis emplie d’émotions. Les JO vont me manquer. J’aime la course, j’aime la pression qui étouffe les sportifs de haut niveau avant de prendre le start puis se lancer à fond sur la piste. J’aimerais que mon corps ne me fasse pas autant souffrir et que je puisse encore skier. Mais, à 33 ans, je suis dépassée. La douleur est omniprésente."
Quelle médaille aura le plus de valeur : l’or à Vancouver ou ce bronze à Pyeongchang ?
"Impossible à dire. Cette médaille n’a rien à voir avec celle d’il y a huit ans. L’or de Vancouver ne vaut pas plus ou moins que ce bronze. C’est juste différent. Avant j’étais au sommet du monde et, en fait, j’ai l’impression d’encore y être. Je vois juste la vie différemment. Les perspectives ont changé. Je profite davantage de ce qui m’arrive."
Un cuisinier juste pour Lindsey Vonn
L’équipe de ski américaine n’est pas logé à la même enseigne que le reste du plateau. Au sens propre comme au figuré. "Beaucoup de teams sont basées à l’hôtel tout près d’ici, explique Megan Harrod, l’attachée de presse des skieurs alpins. Nous avons privatisé le lieu. Nous avons nos propres chefs. C’est un peu plus loin géographiquement mais on s’écarte ainsi du chaos et du stress olympique. C’est vraiment bien pour se concentrer." Lindsey Vonn est encore mieux traitée que ses congénères. "Elle a son propre cuisinier, explique Harrod. La mise en place logistique a débuté il y a quatre ans."
Goggia : "La meilleure"
Grande gagnante de la Descente, l’Italienne Sofia Goggia n’en demeurait pas moins pleine de respect pour sa concurrente de ces dernières années. "Vous me demandez vraiment de donner mon avis sur Lindsey Vonn ? Je pense que ce n’est pas nécessaire. C’est la meilleure au monde, c’est tout. Elle a 84 victoires tout compris en j’en suis à 5 depuis aujourd’hui. Puis, elle est incroyable et très sympathique. Elle pourrait nous regarder de haut mais elle ne le fait pas. Sa carrière est fabuleuse et je la respecte énormément."