JO 2018 | Le bobsleigh nigérian dans les traces de la Jamaïque: "Dans 30 ans, on parlera aussi des Ice Blazers"
- Publié le 19-02-2018 à 18h54
Les Nigérianes, premières Africaines à participer aux JO en bobsleigh, sont honorées d’être comparée aux Rasta Rockett. "Quelle température fait-il au Nigéria ? Bien plus chaud qu’ici en tout cas."
Les Nigérianes ont fini leurs quatre premiers entraînements officiels au moment où nous les rencontrons.
Et l’équipe de bosleigh est à la traîne. Sur certains runs, elles sont deux secondes derrière le 19e bob qui est, lui, à moins d’une seconde de la première place.
Les Nigérianes sont très loin du niveau des autres compétitrices au moment d’entamer leur compétition. Seun Adigun, la conductrice, et Ngozi Onwumere, la pousseuse, ne se tracassent pas trop. Comme les autres invités surprises de ces JO, les filles prennent la compétition sans se fixer d’objectif chiffré. "Et je ne sais pas si ça plaît à tout le monde. Certains pensent qu’on donne une mauvaise image à leur sport, explique Onwumere. Nous, on est juste contentes d’être là. Et ajoute aussi humbles et bénies, pour compléter le tableau."
Casque encore déposé sur la tête comme un bonnet pour Adigun et tresse bien serrée pour Onwumere, elles font le show en chantant et dansant pour les télévisions. Que faire d’autre à part profiter du moment ? "On a commencé en 2016 et nous voilà aux Jeux Olympiques, sympa non ?", se marrent-elles.
Olympienne pour le Nigéria en 100 mètres haies aux JO de Londres, Seun Adigun découvre le sport via ses amies américaines de l’athlétisme de haut niveau. "Beaucoup sont passées sur cette discipline pour les JO de Sotchi en 2014, comme Lolo Jones ou Aja Evans."
Elle commence à s’intéresser au bobsleigh après ces Olympiades et réfléchit à une potentielle reconversion. Rapidement, elle reçoit la possibilité d’intégrer l’équipe américaine mais ne réside pas à temps plein au centre d’entraînement comme le reste des filles.
La native du Texas de parents nigérians, et dont 75 % de la famille vit encore au Nigéria, ose, après de longues hésitations, se lancer dans le défi fou de créer une structure aussi bien sportive qu’administrative pour permettre au Nigeria de faire du bobsleigh.
Elle recrute deux pousseuses au passé d’athlète : Ngozi Onwumere et Akumo Omeoga (NdlR : qui n’a pas été sélectionnée). Deux filles nées aux États-Unis de parents nigérians. En octobre 2016, elle se retrouve pour la première fois aux commandes d’un bobsleigh. "À Whistler, le circuit le plus rapide au monde", se souvient-elle à moitié tant l’émotion était forte. "J’en étais mal, j’ai même crié. C’était horrible."
Depuis, sa progression est extrêmement positive et a un retentissement complètement fou au Nigeria. Son histoire a d’ailleurs inspiré Simidele Adeagbo qui a participé aux JO en skeleton. "On a réalisé qu’on pouvait inspirer tout un pays, faire connaître ce sport à une nation qui n’aurait jamais cru envoyer une équipe aux JO d’hiver", dit-elle. "C’est désormais possible et on l’a montré. On doit énormément aux Jamaïcains car sans l’épopée qui a eu lieu il y a 30 ans, nous ne serions pas ici."
Celles que beaucoup appellent déjà The Ice Blazers (NdlR : celles qui enflamment la glace) sont d’ailleurs, en tant que premières bobeuses africaines, souvent comparées aux héros jamaïcains alignés en 1988. "On a grandi avec le film Rasta Rockett qui raconte leur épopée, explique Onwumere. Trente ans plus tard, ils sont toujours aussi légendaires. On nous compare un peu à eux et j’espère qu’on parlera encore de nous dans trente ans."
La petite cousine d'une star de la NBA
Malgré ses 165 centimètres, Seun Adigun était une sacrée joueuse de basket. Elle faisait partie de l’équipe universitaire de Houston, au Texas.
Elle est d’ailleurs liée par le sang avec Hakeem Olajuwon, célèbre pivot des Houston Rockets avec qui il a remporté deux bagues de champion NBA. L’ancien médaillé d’or aux JO de 1996 avec le Team USA est le cousin du père de Seun Adigun.
Bob en bois et retard de livraison
Pour en rajouter une couche, le bob de compétition des Nigérianes est arrivé à la bourre
S’entraîner n’a pas toujours été un jeu d’enfant pour l’équipe nigériane de bobsleigh. Longtemps, elles ont travaillé les bases sur une sorte de caisse en bois posée sur des roulettes. Un système ultra-basique qui a fait leur renommée. "J’ai construit ce truc", explique Seun Adigun, la conductrice du bob. "Depuis, il est devenu connu et on a fabriqué plein de répliques qu’on a distribuées au Nigeria pour que nos concitoyens puissent découvrir notre sport."
Elles ne l’ont pas amené avec elles mais ont pris leur véritable bob de compétition. "C’est bon, on a le Maeflower II avec nous", sourit Adigun.
Il y a quelques semaines encore, elle faisait la grimace. La société de confection du bob, basée en Lettonie, a pris du retard. Les Nigérianes ont dû, à plusieurs reprises, emprunter des véhicules disponibles sur place. Certains de qualité, d’autres destinés au grand public. Des conditions de travail loin d’être idéales.
Leur bolide se nomme donc le Maeflower II, un nom inspiré par le Mayflower, célèbre bateau anglais qui conduisit les dissidents religieux aux États-Unis ("un bon symbole", disent-elles), mais surtout par la sœur de Seun Adigun.
"On l’appelait Mae et quand elle est décédée, j’ai décidé que tout ce que je faisais avec passion aurait un lien avec elle. J’ai donc appelé notre bob en bois le Maeflower. Et nous avons gardé le nom pour son évolution."