18 octobre 1968: Bob Beamon, un grand bond pour l'humanité
Il y a 50 ans, l'Américain Bob Beamon réalisa le saut du siècle à 8,90 mètres lors de la finale de la longueur, battant de 55 cm le précédent record. Un seul athlète a sauté, depuis, plus loin encore...
- Publié le 18-10-2018 à 15h21
- Mis à jour le 18-10-2018 à 15h22
Il y a 50 ans, l'Américain Bob Beamon réalisa le saut du siècle à 8,90 mètres lors de la finale de la longueur, battant de 55 cm le précédent record. Un seul athlète a sauté, depuis, plus loin encore...
"Un bond de géant pour l'humanité." Prononcée le 21 juillet 1969, par Neil Armstrong, le chef de la mission Apollo XI, premier homme à marcher sur la lune, cette phrase aurait pu être lâchée neuf mois plus tôt, après l'exploit enfanté par Bob Beamon.
Nous sommes le 18 octobre 1968, à l'University Olympic Stadium de Mexico, à 2.240 mètres d’altitude. Il est 15h45. L'orage gronde. Bob Beamon, favori de la finale du saut en longueur, s'élance pour son premier essai. Le meilleur saut de sa carrière ? 8,33m, à 2 centimètres du record du monde de Ralph Boston et du Russe Igor Ter-Ovanessian (8,35m). L'Américain aborde sa planche d'appel avec une précision millimétrique. Puis, telle une fusée, au prix d'une impulsion sidérale, il s'élance vers le ciel, propulsé par de longues guibolles interminables et un double ciseau qui va couper tout suspense. Beamon semble suspendu entre ciel et terre, retardant à l'extrême son ramené de jambes. Il décroche la lune en atterrissant au-delà de l'appareil de mesure optique, qui s'arrêtait à 8,75m. Les juges doivent recourir à un mètre à bande métallique.
Sans s'arrêter de sautiller, Beamon est retourné près des autres concurrents qui se préparent, et se rhabille. Le verdict tombe : 8,90 m ! Connaissant mal le système métrique, l’Américain attend que la distance soit convertie en pieds, c'est son compatriote Ralph Boston, futur médaillé de bronze, qui lui traduit : 29 pieds et 2,5 pouces. Beamon comprend enfin qu’il a accompli un exploit planétaire. Bob Beamon vient de battre le record du monde de… 55 cm, pulvérisant son propre record personnel de 57 centimètres, grâce aux bienfaits de l’altitude (la densité de l'air est ce jour-là 24% inférieure à ce qu'est la moyenne au niveau de la mer) et à un vent à la limite de ce que le règlement autorise (2 mètres/secondes). Il court partout, tel un chien fou ; se jette dans les bras de Boston ; tombe, genoux en terre. Beamon vient de signer l'une des plus retentissantes performances de l'histoire olympique. Et cet exploit fut à l’origine du terme : beamonesque, pour désigner une perf tellement supérieure aux précédentes qu’elle dépasse l’imagination.
L'Américain, 22 ans, étudiant en économie à El Pasi, au Texas, se frotte les yeux, humides. La pluie ou l'émotion. Et commente: "Boston m'avait dit que je pouvais faire 8,60m. Je le croyais. Mais pas tout près de 9 mètres! Ce n'est pas possible, et pourtant, je l'ai fait..."
Dominant la discipline, le New New-yorkais était arrivé dans la capitale mexicaine avec le statut de grandissime favori (il restait sur 22 victoires en 23 compétitions et était champion des États-Unis de saut en longueur et de triple saut), et le record était à sa portée. Mais le pulvériser de cette manière n'était pas envisageable. D'autant que, comme Jesse Owens en 1936, Beamon frôla la catastrophe en qualifications, mordant la planche d’appel lors de deux premiers essais, trahi par son amour de flirter avec la limite. Pour sa troisième et dernière tentative, son compatriote Ralph Boston lui conseilla de modifier ses marques de quelques centimètres. "Saute le plus tôt possible !" lui lance-t-il. Et l’histoire se répète ! Bob Beamon se qualifie aisément, avec un saut à 8,19m. Avec de la marge, donc...
La finale a lieu le lendemain, le 18 octobre. Mais elle tourne donc… court. Appelé à sauter le premier, Beamon retombe si loin que l'or a trouvé son propriétaire. D'autant que la pluie salue l'exploit de l'Américain, et arrose le reste du concours. Son plus proche rival sera l'Allemand de l'Est Klaus Beer, qui termine loin (8,19m), à 71cm du nouveau champion olympique. Ralph Boston (8,16m) prend le bronze, juste devant Igor Ter-Ovanesyan (8,12m) : les deux hommes ont perdu le record. Il fallut 25 ans à Boston (8,21m en 1960) pour battre le record de Jesse Owens (8,13 m en 1935). Il fallut quelques mois à Beamon pour effacer la marque de 8,35m. Grâce aux effets de l’altitude et à des préparations de plus en plus sérieuses, 34 records du monde tombent pendant ces Jeux de Mexico 68. Celui du saut en longueur fut le plus retentissant.
Un seul athlète a réussi, à ce jour, à aller plus loin que Beamon, dans ce qui reste la plus fantastique finale du saut en longueur, lors des Championnats du monde 1991 de Tokyo. Un concours remporté par l’Américain Mike Powell devant son illustre compatriote Carl Lewis au prix d'une bataille épique et d’un énorme record du monde (8,95 m), qui appartient à ces grands moments de sport inscrits dans la mémoire collective. Comme ce 18 octobre 1968 à Mexico...