Ilse Heylen se confie: "Je n’ai pas vu une image de judo à Rio !"
L’Anversoise a entamé sa reconversion avec la Ilse Heylen Judo Academy.
- Publié le 16-06-2017 à 13h43
- Mis à jour le 16-06-2017 à 13h57
L’Anversoise a entamé sa reconversion avec la Ilse Heylen Judo Academy. Franchement, Ilse Heylen n’a plus envie d’évoquer ce vendredi 13 mai 2016, jour où elle a mis un terme à sa carrière sportive. Ou plutôt jour où la Suissesse Evelyne Tschopp lui a piqué sa place pour les Jeux de Rio en gagnant le Grand Prix d’Almaty alors qu’elle-même s’était inclinée d’emblée face à la Sud-Coréenne Da Sol Park, future médaillée de bronze. "Pendant deux ans, je m’étais battue, aux quatre coins du monde, pour accumuler assez de points et me qualifier pour Rio, que je considérais comme l’apothéose de ma carrière. Et là, tout s’est écroulé en quelques heures… Pour une poignée de points au ranking mondial, je me suis retrouvée exclue du rendez-vous olympique. Cette journée fut très délicate à vivre. Comme d’ailleurs les semaines qui ont suivi. Entre ce 13 mai et les Jeux, ce fut un cauchemar. En fait, je ne me suis intéressée à ces Jeux qu’après le judo ! J’ai regardé tous les sports de la deuxième semaine, dont l’athlétisme, mais je n’ai pas vu une image de judo. Je ne pouvais pas… Je n’ai été apaisée qu’après…"
D’autant que notre médaillée de bronze des Jeux d’Athènes eut à subir deux affronts. Le premier quand, première réserviste, elle fut appelée à participer au Masters, le 27 mai, suite au forfait de la Russe Natalia Kuziutina, finalement bien présente. Le second quand elle fut invitée à prendre part aux Jeux, à deux jours de la cérémonie d’ouverture ! "J’ai reçu un email le mercredi soir alors que j’aurais dû combattre le dimanche. Autant dire que c’était impossible ! Je ne m’étais plus entraînée. Et puis, il y avait le voyage… Le régime, aussi ! Je ne pouvais pas perdre les kilos superflus en si peu de temps. Cette invitation sous forme de wild-card était farfelue."
Quant à affirmer qu’on s’est moqué d’elle, l’Anversoise ne va pas jusque-là. "Disons que j’ai été mal informée sur le système. Je ne savais pas que j’étais première réserviste pour toutes les catégories. Alors, quand un -100 kg a été contrôlé positif et interdit de participation, la Fédération internationale s’est tournée vers moi ! Mais je n’étais pas au courant de cette procédure, sans quoi je me serais tenue prête. Maintenant, je n’accuse personne. Je n’en veux à personne. Je dis simplement qu’il faut éviter que pareil cas ne se reproduise à l’avenir parce que ce n’est vraiment pas agréable…"
Faut-il rappeler qu’Ilse Heylen avait connu pareille situation en vue des Jeux de Sydney. Alors en -48 kg, elle s’était inclinée dans la course à la qualification face à Ann Simons, future médaillée de bronze (!), mais avait participé à toute la préparation au cas où… "Écoutez, ce n’est pas rare en judo, surtout dans les grands pays, de voir deux ou trois judokas d’une même catégorie se préparer pour un même objectif, aussi prestigieux soit-il, comme les Jeux olympiques. Mais c’est dur…"
Une fois la déception passée, mais pas oubliée, Ilse s’est retrouvée un peu perdue, sans objectif… "Je voulais encore m’entraîner ! Je partais courir mais, après un moment, je me demandais pourquoi je courais. Idem pour la muscu . Je me retrouvais à la salle et, tout à coup, je m’interrogeais : ‘Pourquoi ? À quoi bon ?’ Alors, j’ai rapidement commencé à donner des cours. En fait, j’avais déjà initié un projet, à Anvers, pendant les mois d’été. Je donnais cours de judo deux fois par semaine. C’était déjà ça !"
"Je cherche encore vers où m’orienter"
Coaching individuel, condition physique, cours d’initiation et teambuilding
"J’ai commencé le judo à Wilrijk, qui est toujours le club de mon père. Mais, quand j’ai entamé mes études en Éducation physique à Louvain, j’ai changé de club. C’est pourquoi on m’associe plus à Louvain qu’à Wilrijk… Ceci dit, il est évident que mes études supérieures constituent un atout. Dès le mois de septembre, j’ai été contactée pour donner cours à des jeunes sortant des études secondaires et s’orientant vers une carrière de policier ou de pompiers. C’était un intérim, de septembre à décembre, mais il m’a permis de me retrouver en contact avec d’autres personnes, tout en étant toujours dans mon domaine, le judo. En fait, après les Jeux de Rio, j’ai accepté de nombreuses propositions non seulement pour oublier, ou plutôt tourner la page du haut niveau, et chercher vers où m’orienter."
Il est vrai qu’à l’époque, Ilse Heylen s’embête à la maison… "Disons que, depuis 2004, j’étais sportive professionnelle, payée par le Bloso pour m’entraîner et participer à des compétitions. Ma vie était très réglementée. Tout tournait autour du judo. Je ne devais pas trop réfléchir. Alors qu’aujourd’hui, je dois organiser ma vie. C’est pourquoi, avec Olivier (son mari…) , j’ai créé, fin novembre, la Ilse Heylen Judo Academy , un projet dans lequel je mets toute mon énergie."
Outre le coaching individuel pour judokas de bon, voire de haut niveau, et l’élaboration de programmes de condition physique pour particuliers, Ilse veut développer des cours d’initiation au judo et de teambuilding pour entreprises. "Flexibilité, motivation, persévérance, concentration, gestion du stress : les points communs entre le sport de haut niveau et le monde de l’entreprise sont nombreux. C’est pourquoi j’ai ajouté cette corde à mon arc, même s’il est évident que le monde scolaire m’intéresse et que je n’ai pas perdu toute ambition de coacher, encore, l’un ou l’autre judoka en compétition. Ce qui est le cas, mais de manière ponctuelle pour le moment."
Il est vrai que si elle n’a pas l’aura de nos trois immenses championnes - Ingrid Berghmans, Gella Vandecaveye et Ulla Werbrouck - qui ont marqué l’histoire du judo belge avec leur collection de médailles olympiques, mondiales et européennes, Ilse Heylen peut se targuer d’une belle réputation, basée sur sa longévité et sa régularité au plus haut niveau malgré les blessures qui l’ont souvent freinée. Des qualités qui, avec son éthique et sa simplicité, lui ont permis de bâtir sa popularité.
"J’ai des contacts avec trois pays"
Envisageant toutes les possibilités pour sa reconversion, Ilse Heylen était, récemment, à Varsovie pour assister aux Championnats d’Europe. "En cette année post-olympique, le niveau n’était pas très relevé, ce qui aggrave la prestation des Belges. Avec quatre combats gagnés pour onze judokas engagés, le bilan chiffré est triste. Mais j’ai apprécié la prestation de certains comme Matthias Casse et Sami Chouchi en -81 kg, ainsi que Jorre Verstraeten en -60 kg. Avec sa sœur, Jente, et aussi Lois Petit en -48 kg, il me semble que le judo belge a un bel avenir. Sans oublier Toma Nikiforov en -100 kg, une catégorie où les meilleurs étaient bien présents ! Maintenant, Cédric Taymans a raison : il ne faut pas s’arrêter à cet échec et travailler, travailler encore." L’étranger est aussi une option pour Ilse et Olivier… "Nous avons, en effet, des contacts avec trois pays, sur trois continents : Europe, Afrique et Asie. Mais ce ne sont encore que des contacts. Rien de concret, même si ce serait intéressant, plus qu’en Belgique où nous n’avons malheureusement que quelques talents."
"Installer physiquement notre projet"
Pour mieux voir grandir la Ilse Heylen Judo Academy, notre médaillée de bronze olympique, mais aussi championne d’Europe et… recordwoman de médailles internationales avec 52 (!) cherche un endroit où se poser. "Je pense que nous devons installer physiquement notre projet. Je dis nous parce qu’il s’agit aussi du projet d’Olivier, dont les activités professionnelles actuelles cesseront en juin 2018. Un an, c’est long et court à la fois. Nous cherchons donc une salle, à nous, sur l’axe Grammont, où nous habitons, Gand. Et ce, pour ne plus avoir à chercher les clés, les créneaux horaires de lieux qui ne nous appartiennent pas. Nous connaissons beaucoup de monde, partout où nous nous rendons, mais nous avons désormais besoin d’un chez nous, professionnel…"
"Cédric Taymans a su s’entourer, lui…"
Outre les cours de judo qu’elle dispense désormais à Louvain, son club, et à Anvers, Ilse Heylen n’a pas abandonné l’idée de coacher. "Quelques judokas sont, en effet, venus vers moi en me disant : ‘Est-ce que tu peux m’aider ?’ Il va de soi que c’est agréable que certains pensent à moi ! Mais le bémol se situe au niveau de la Ligue néerlandophone avec qui je n’entretiens pas d’excellentes relations. En tout cas, avec certaines personnes… Comme Danny Belmans, le High Performance Manager . Cette situation ne date d’ailleurs pas d’hier. Alors, entre les entraînements, disons, privés et ceux de la Ligue, il y a parfois télescopage. Mais bon, il y a sept ou huit judokas qui m’ont demandé conseil et avec qui je pourrais travailler à l’avenir. Ce n’est déjà pas mal…" Quant à intégrer un organigramme via une fonction à la VJF, impossible pour Ilse Heylen ! "Soyons honnêtes : Danny Belmans ne m’a plus adressé la parole depuis le 13 mai 2016. Je ne vois pas comment je pourrais travailler avec lui. Et puis, visiblement, ce n’est pas ancré dans la culture du judo néerlandophone de faire appel aux anciens. Je le regrette, bien sûr ! Côté francophone, je constate que Cédric Taymans a su s’entourer et que ça marche bien, avec l’éclosion de talents comme Toma Nikiforov, Sami Chouchi, et encore bien d’autres…"