Florian Scopelitis se fixe des objectifs depuis son grave accident: "Grimper le Mont Blanc en fauteuil"
Victime d’un accident qui l’a paralysé à 100 % en 2014, cet ancien hockeyeur coachera ce week-end son premier match de hockey en songeant aux Jeux Paralympiques 2024
- Publié le 06-09-2018 à 07h20
- Mis à jour le 06-09-2018 à 19h35
Victime d’un accident qui l’a paralysé à 100 % en 2014, cet ancien hockeyeur coachera ce week-end son premier match de hockey en songeant aux Jeux Paralympiques 2024 Dans son appartement à Woluwé-Saint-Pierre, Florian Scopelitis profite d’un mercredi de repos pour regarder une compétition de golf à la télévision. Bloqué dans un fauteuil roulant depuis 4 ans, cet athlète de 30 ans, ancien joueur-vedette de l’équipe première de l’Orée, a accepté de faire tourner sa vie au ralenti sans pour autant s’apitoyer sur son sort.
Même si ses jambes ne le portent plus, il cueille la vie comme elle vient en la pimentant de mille défis. Dimanche, il sera en bord de terrain comme entraîneur principal lors du match de l’Orée 3.
Quand il ne coachera pas l’équipe bruxelloise, il prendra la direction du golf de l’Empereur à Genappe où il figure dans l’équipe d’handigolf qui brigue une présence historique de la Belgique aux Jeux Paralympiques de Paris en 2024. Florian Scopelitis ne ferme surtout aucune porte.
"J’ai plein de projets, s’exclame-t-il. J’ai essayé le padel. J’aimerais faire du kitesurf ou grimper le mont Blanc. Récemment, j’ai repris la kiné en piscine."
Le membre de l’Orée n’avait plus mis un pied dans une piscine depuis 4 ans et plus précisément depuis le 8 juin 2014, le jour où sa vie a basculé. En une fraction de seconde, Flo a perdu tous ses repères traditionnels à cause d’un accident dans une piscine qui l’a rendu paralysé à 100 %. Aujourd’hui, il raconte cet instant funeste avec un ton plus détaché. "Je préfère en rire même si ce n’est pas drôle."
En 2014, nous l’avions rencontré dans sa chambre d’hôpital qui est restée sa chambre durant 18 mois. "J’étais dans une piscine lors d’un barbecue estival. L’alcool ne coulait pas à flots. J’étais dans la piscine pour m’amuser. À la suite d’un contact fortuit, j’ai à peine eu le temps de crier au secours avant de me retrouver au fond de la piscine."
Deux amis l’ont sorti de l’eau. Ce puissant athlète ne sentait plus la moindre parcelle de son corps. L’angoisse s’est invitée alors dans ses pensées. Son cerveau n’est pas touché. Il réalise qu’il s’est produit un acte grave. "J’ai pensé tout de suite au fauteuil. Je risquais de tout perdre. Je me souviens avoir guidé l’ambulance pour qu’elle évite les casse-vitesse."
Après une nuit horrible, le verdict tombe. Il est douloureux, mais pas implacable. Le boss de l’équipe première de l’Orée est victime d’une moelle épinière compressée. Ses C4 et C5 sont brisées.
"J’étais paralysé, mais l’espoir subsistait car la moelle n’était pas cassée. Je ne réalisais pas ce qui m’arrivait."
Le lendemain, il sent à peine sa main droite. Durant deux semaines, il traverse un calvaire dans cette chambre de soins intensifs à Saint-Luc. Le bruit des appareils, les énormes tubes qui le relient à de sombres machines, le temps s’arrête. "Le plus dur ? Je ne pouvais pas communiquer. En l’espace de 10 jours, je n’ai pas prononcé le moindre mot à cause des tubes placés en bouche."
Résolument optimiste, le hockeyeur garde foi en la vie. Huit mois plus tard, il a accompli une série d’exploits. Chaque reconquête d’une partie de son corps a résonné comme une victoire contre ce mal injuste. "Un jour, j’ai senti un orteil bouger. En général, il faut attendre trois mois pour espérer une évolution. J’ai retrouvé l’usage de mes orteils et de mes pieds. Le haut du corps est quasi complètement opérationnel. Seuls mes triceps ne répondent pas aux ordres de mon cerveau."
Le hockey lui a inculqué des valeurs précieuses dans cette bataille de tous les instants. "Je veux gagner ce match qui n’est pas fini. Tant que l’arbitre n’a pas sifflé, je me bats. J’ai tellement envie de retrouver ma liberté que, dans ma tête, je sortirai de l’hôpital en marchant."
Il n’a pas pu accomplir ce miracle. Après un ans et demi, il est sorti des cliniques Saint-Luc en fauteuil roulant. "Depuis que j’ai quitté l’hôpital, je n’ai connu aucune amélioration, mais je sens une amélioration dans tout ce que j’avais récupéré. Je me tiens mieux assis", poursuit celui qui doit en plus se battre contre ses assurances.
Parmi ses prédictions de 2014, il tenait, entre autres, à se mettre à disposition de son club. Il a déjà honoré cette promesse depuis 2 ans. "J’ai coaché une équipe en mineurs, mais, ce week-end, je me lance dans un autre niveau de compétition. Ces gars n’étaient pas si loin de la DH, mais ils n’ont pas choisi le 100 % stick", dit celui qui formera un duo de T1 avec le Chilien Diego Ordonez.
Et si tout se passe bien, il envisage même un coaching à plus haut niveau. "Je deviendrais le premier entraîneur en chaise roulante." Il ne cherche pas à avoir un traitement de faveur de ses joueurs. "Oh non, pas du tout ! Je serai cash avec eux. Je suis comme les autres entraîneurs sauf que je serai assis sur un fauteuil roulant et non sur le banc. Ma touche personnelle ? Vu ma situation, je les aiderai à relativiser après une erreur d’un arbitre ou une défaite cruelle. Il y a plus grave dans la vie."
Aujourd’hui, il a récupéré suffisamment pour avoir une vie presque autonome. Il a juste besoin de soins infirmiers le matin. "Je me suis acheté une voiture adaptée que je conduis seul. Je me déplace seul. Je peux passer mes journées sans assistance."
"Le mondial en 2018 et les Paralympiques en 2024"
Le Bruxellois, qui cherche 150.000 euros de sponsoring pour les Red Heroes, disputera la Coupe du Monde à Majorque
Sportif convaincu malgré son terrible accident, Florian Scopelitis a cherché un sport qu’il pouvait pratiquer. Il s’est tourné vers le handigolf. Tout est parti d’une rencontre. "J’ai croisé la route de Cédric Lescut qui se bat avec son ASBL Androïd 34 pour relier les personnes handicapées et le monde du sport."
Très vite, il s’épanouit sur les greens, mais se heurte à une difficulté : le financement. Pour pratiquer cette discipline, il a besoin d’une machine qui lui permette de sillonner les terrains sans les abîmer et qui lui permette aussi de se relever. "Rien que cette machine coûtait 25.000 euros. Un mécène me l’a offerte. J’ai lancé un crowdfunding qui a atteint les 103 %."
Equipé, il a amélioré son swing au point d’atteindre un handicap 36. En Belgique, il défie les golfeurs valides. Sur la scène internationale, il a pris part au European Disabled Golf Association (EDGA). "C’est comme le PGA Tour, mais pour les personnes handicapées."
Il a ainsi été en Turquie, en France, en république Tchèque et aux USA. "Chaque voyage nécessite une préparation minutieuse d’un mois car tout doit être prévu. Cela me coûte près de 2.000 euros."
En novembre, il prendra part à la Coupe du Monde à Majorque. "Le principe est le même que pour les valides, mais nous sommes en chaise roulante."
Pour arriver au sommet de sa forme, il s’entraîne quatre fois par semaine sans oublier la compétition du dimanche.
Avec son équipe nationale, il a fondé les Red Heroes qui ont l’ambition de représenter notre pays en 2024 à Paris. "Nous cherchons des sponsors pour mener à bien ce projet. Nous avons besoin de 150.000 euros."
Plus tard, il envisage d’intégrer des comités internationaux pour assurer la promotion de ce qu’il aime le plus : le sport sous toutes ses formes.
"Les accès aux clubs ? Un enfer"
Calé dans son fauteuil roulant, Florian Scopelitis a appris à voir le monde sous un autre angle. Malgré sa voiture adaptée et son fauteuil roulant, il a vite compris qu’en Belgique, il n’aurait pas accès partout. "De nombreux clubs de hockey ne sont pas adaptés aux fauteuils roulants. Je dois alors être porté pour me rendre près du terrain. Je ne parle pas que de mon cas. Toutes les personnes à mobilité réduite comme les personnes âgées, les mamans avec une poussette…" Près de chez lui, la place Dumon à Stockel a été réaménagée. "Mais, ils ont oublié de penser à nous. Je n’ai pas accès à la plupart des magasins."
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