Football américain... frites: Dans la peau d’un running back avant le Superbowl
Le dimanche 5 février au NRG Stadium de Houston, au Texas, le 51e Super Bowl, apothéose de la saison de football américain, opposera les Atlanta Falcons aux New England Patriots. Le grand show promet d'être grandiose, et plus de 110 millions de Ricains seront devant leur petit écran. En Belgique aussi on se prépare pour l'événement. Comme à Waterloo, où des passionnés tentent de faire vivre le foot version US. Ce sont des Warrios. Et nous nous sommes frottés à eux, pour mieux apprécier le football américain à la sauce noir-jaune-rouge.
- Publié le 03-02-2017 à 15h03
- Mis à jour le 03-02-2017 à 15h23
Le dimanche 5 février au NRG Stadium de Houston, au Texas, le 51e Super Bowl, apothéose de la saison de football américain, opposera les Atlanta Falcons aux New England Patriots. Le grand show promet d'être grandiose, et plus de 110 millions de Ricains seront devant leur petit écran. En Belgique aussi on se prépare pour l'événement. Comme à Waterloo, où des passionnés tentent de faire vivre le foot version US. Ce sont des Warrios. Et nous nous sommes frottés à eux, pour mieux apprécier le football américain à la sauce noir-jaune-rouge.
Arrivé en Belgique il y a plus de 20 ans, le football américain éprouve encore quelques difficultés à se faire connaître et à séduire de nouveaux pratiquants. Sport de contact, complet et fair-play, le foot US mérite pourtant qu’on s’y attarde. Plutôt abonné aux diffusions des meilleurs moments de la NFL au lendemain des week-ends, nous avons dès lors décidé de nous immerger l’espace d’un entraînement dans l’un des onze clubs de la Ligue Francophone de football américain, les Waterloo Warriors, qui compte une centaine de membres. La saison, en Belgique, commencera fin février. Mais nous avons assisté début décembre à l’un des derniers entraînements en extérieur de l’hiver, avant les fêtes de fin d’année.
Avec une légère appréhension liée à nos capacités physiques pour ce sport que l’on ne pensait que violent, on arrive parmi les premiers joueurs à se frayer un chemin vers les vestiaires. Chaleureuse, l’ambiance l’est certainement. Cela permet de se réchauffer car la météo ne pousse certainement à sortir en short par zéro degrés. Mais qu’importe. La discussion s’engage à bâtons rompus dans les vestiaires. Les joueurs parlent de leur passion pour ce sport, de manière assez communicative. On se prend au jeu, on a finalement hâte de se mettre en tenue. Un appareil complet et neuf d’une valeur approximative de 600 euros. Un budget, certes, mais nécessaire afin de se prémunir contre les chocs qu’on ne manquera pas d’encaisser. On commence alors à enfiler le short renforcé au niveau des genoux, puis à chausser nos crampons de football, ensuite on met un petit survêtement. Vient alors le grand moment, toujours comique pour un débutant : l’installation de l’impressionnante protection au niveau des épaules. Passage des bras, de la tête et léger déhanchement pour la revêtir correctement : on se serait presque cru revenu au temps de l’école primaire, lorsqu’on enfilait maladroitement notre veste renversée. Puis le sympathique coach des Warriors, Matthieu Bellin, nous aide en fixant le tout. Ah, oui, le casque. On l’oubliait presque. Mais il se révélera utile. Celui-là, on nous le prête. On peut maintenant sortir du vestiaire en ayant l’impression d’avoir fière allure.
Refroidi par la météo, on se dit alors qu’on sera bien vite réduit à l’état de glaçon. Mais un petit tour autour du terrain d’entraînement et c’est bon, les muscles se réveillent. La voix s’éclaircit également après le cri de guerre et la danse attenante, lancés par le quaterback. Afin de se mettre directement dans le bain, Matthieu Bellin nous propose un petit exercice pratique. On nous dit de prendre le ballon offert par le quaterback (en gros, l’équivalent du numéro 10 en football) et de plonger dans l’espace offert par mes équipiers d’un soir pour traverser un couloir. Simple, a priori. Mais il y a un hic. Évidemment. Sinon, ce ne serait pas marrant. Un type, en face, a pour mission principale de me plaquer au sol. Mission qu’il a très envie de remplir. Encouragé (moqué ?) par tout le monde, on se décide à y aller. Mais alors, si j’arrive au bout du terrain d’entraînement, je fais quoi ? "Ne t’inquiète pas", me rassure-t-on. "Il t’aura rattrapé bien avant." Ah bon, OK. "Hut", hurle alors le quaterback. C’est le moment, c’est l’instant. Il nous offre la balle. On croit foncer à toute allure mais effectivement, on n’a pas été bien loin, emporté par la fougue de notre adversaire. Ok, le premier placage, c’était cadeau. Le joueur ne voulait pas nous faire mal. On se relève. "N’attends pas le placage, cours, cela aide à amortir le choc", nous souffle l’un des Warriors. D’accord. On s’y remet. "Hut". On reprend la balle. Rebelote, le type ne nous manque pas. Plaqué au sol comme une vieille crêpe. Et cela continue, car, non seulement, on y prend plaisir mais notre excellent photographe également.
Après cette phase de jeu (non, non, on n’est jamais arrivé au bout du terrain), il est temps de reprendre un entraînement plus classique. Les groupes se séparent. On continue notre tour d’horizon en rejoignant ceux qui attrapent le ballon lancé par le quaterback. A priori, rien de compliqué. Sauf que la prise de balle est spéciale. La première, d’ailleurs, m’est arrivée en plein sur le casque. Il convient en fait de placer les pouces et index en losange pour mieux réceptionner le ballon. Après deux-trois essais, cela se passe mieux et on commence à réceptionner la chose de manière adéquate. On rejoint alors un autre groupe, qui doit sauter au-dessus de plusieurs plots avant de rentrer dans un défenseur, le pousser ou le contourner, afin de parvenir à toucher le quaterback. Pas si facile non plus mais on donne tout ce qu’on a. Le temps file à une vitesse folle (c’est bien connu : quand on s’amuse…) et notre énergie aussi.
On trouve alors le moment opportun pour aller discuter avec le coach, dans la chaleur du vestiaire. On a légèrement mal - j’ai bien dit légèrement - mais on sort de ce terrain conquis par la pratique du football américain et bien plus respectueux des joueurs, qui ne correspondent pas à l’image de grosses brutes que le football américain peut véhiculer. C’est un vrai sport, complet, où chacun se bat pour son partenaire. Dans le respect tout de même de son adversaire. De quoi donner des leçons à bien d’autres sports et à leurs pratiquants. Oui, le football américain mérite plus qu’un coup d’œil et une mise en lumière plus importante. HUT !
"On peut rêver d’un Belgeen NFL"
Sport national au pays de l’Oncle Sam, le football américain se développe petit à petit en Belgique. "Cela a commencé dans les années 80", nous explique Mathieu Bellin, coach des seniors des Waterloo Warriors et cheville ouvrière du club brabançon. "Les clubs et la ligue ont été créés par des étrangers, et des expats passionnés par ce sport, notamment l’équipe où j’ai commencé. Dans celle-ci, les parents avaient travaillé en Afrique et étaient tombés sous le charme du foot US. Quand ils sont revenus en Belgique, leurs enfants ont créé les premières équipes. Le premier entraîneur de mon équipe était Américain. Il travaillait ici et a mis ça sur pieds avec des gens passionnés."
Sport exigeant, le football américain peut toutefois être pratiqué par tout un chacun.
"Tout le monde peut y jouer. Cela dit, chaque poste requiert des capacités physiques spécifiques. Certains joueurs doivent être plus rapides que d’autres. Des joueurs de football (de prairie) sont déjà venus assister à un entraînement et s’y sont essayés. Ils ont généralement un très bon jeu de jambes, ce qui est parfait pour le football américain."
Dans une équipe de foot US, on rencontre donc des profils bien différents. Chacun a ses forces et peut les maximiser sur le terrain afin d’y trouver son bonheur.
"La preuve : on a rencontré un de nos joueurs dans un bar, un fan des Dallas Cowboys. On lui a proposé d’essayer de jouer avec nous et il s’est dit : ‘Pourquoi pas ?’ Le gars pèse 160 kilos. Il est mordu. Il adore ça; il n’avait jamais joué. Une personne qui a un poids conséquent peut donc pratiquer notre sport. En tout cas en Belgique où le niveau n’est pas le même qu’aux États-Unis, où il faut passer la barrière du physique et répondre à certains critères. Il ne faut pas se le cacher : chez nous, c’est quand même moins difficile qu’aux États-Unis. Quelqu’un en surpoids et qui a moins d’endurance peut très bien s’en sortir en Belgian American Football League. Il y a des positions (comme linemen) qui ne demandent pas de se taper le 100 mètres sur le terrain."
La saison, en Belgique, va bientôt commencer, lorsque les conditions hivernales vont s’estomper. Mais elle se prépare depuis la rentrée scolaire.
"Lors de la présaison, de septembre à fin novembre, on ne fait que du physique. On prépare tous les joueurs à tenir un match."
"Un sport amateur chez nous"
En Belgique, il n’est pas vraiment question de jouer au football américain pour de l’argent. "Cela reste un sport amateur, chez nous", constate Mathieu Bellin. "Personne n’est payé. Il y a parfois des avantages, comme le fait de rembourser l’essence d’un coach. Il n’y a pas de subsides. Les communes font très, très peu pour notre sport. Il faut savoir sortir de sa poche la valeur d’un équipement. Heureusement, après des années de pratique, nous avons un stock d’équipements de seconde main que l’on peut prêter. La cotisation est de 250 euros. Pour avoir un matériel un peu sympa, cela avoisine les 600-700-800 euros. Nous tentons d’augmenter notre merchandising : des casquettes, pulls… qu’on essaie de vendre auprès des joueurs, leurs amis, les supporters pour un peu renflouer les caisses du club. Pour l’entraînement, ils reçoivent un t-shirt du club. On organise aussi des soirées. Bref, comme n’importe quel petit club amateur de n’importe quel sport…"
Avant de délier les cordons de sa bourse, la personne intéressée peut réaliser un essai. Histoire de voir si elle mord à l’hameçon. Les plus jeunes, de 10 à 15 ans, jouent au flag football, soit sans contacts. Les choses plus sérieuses commencent après. "Pourquoi faire du foot US ? C’est un sport de contact inédit. Le rugby, c’est sans protection. Ici, les contacts sont plus violents mais moins marqués. Cela reste un sport de passionnés, très exigeant. En Belgique, la mentalité de ce sport n’est pas bien mise en avant. Il n’y en a que pour le soccer. Il faut ouvrir notre horizon; cela doit passer par les autorités. À Waterloo, par exemple, le hockey parvient à bien s’autogérer. Nos dirigeants à la ligue ne sont pas très débrouillards. On doit se battre tout le temps pour avoir un euro. Cela peut être démotivant mais on arrive toujours à grappiller un peu. On se dit qu’un jour, on arrivera à faire quelque chose de bien. Dans les pays voisins, cela évolue mieux. La France, par exemple, a une politique multisportive. L’Allemagne, c’est l’antichambre de la NFL. L’Angleterre, il y a pas mal de trucs. On s’intéresse à toi. En Belgique, on plafonne à une vingtaine d’équipes. Les petites ont entre 15 et 20 joueurs. Les grosses équipes, c’est une centaine."
Est-ce à cause de l’image de grosses brutes que véhiculent souvent les footballeurs américains ?
"Il y a des contacts, oui, et on peut avoir une commotion vite fait. Mais l e ballon, au football américain, est plus vivant qu’au rugby par exemple. La progression se fait vers l’avant. On dispose de quatre essais pour faire dix mètres. Ce que j’ai détesté au rugby, c’est le manque de discipline, comme mettre un petit coup vicieux sur le côté. Aux USA, c’est le sport national, c’est hyper sérieux. Pas question de faire un pas de travers, un coup bas sur le terrain."
"Les USA investissent vers l’Europe"
Le must, pour un footballeur américain, serait de partir outre-Atlantique, en NFL, la Mecque de ce sport.
"On peut rêver qu’un Belge en fasse partie un jour", soutient Mathieu Bellin. "Certains ont déjà touché le rêve américain mais, pour y arriver, les Européens doivent être dix fois plus fort que les Américains, qui sont protégés, même si la NFL sait que le Vieux Continent doit encore être conquis. Plusieurs Belges font le collège. Il y en a bien un qui arrivera à franchir la porte.""
Le Brabançon Loic Sapart avait d’ailleurs rejoint le Collège de West Hills Coalinga, en Californie, pour pratiquer son sport, deux à trois heures par jour. S’il est revenu, il n’abandonne pas son rêve pour autant, et ambitionne de retourner aux USA dans un Collège de meilleur niveau. "La NFL, c’est une belle vitrine pour le foot américain. C’est tellement spectaculaire. On n’a pas spécialement plus de demandes après le Super Bowl. Nous sommes déjà lancés dans la saison, et nos entraînements sont plus tactiques. Les nouveaux joueurs arrivent plus souvent en été, ou après la trêve hivernale."
"C’est très fair-play"
En Belgique, les rapports entre les équipes, qui ne sont pas nombreuses, sont cordiaux.
"Il y a beaucoup de mouvements entre les clubs. Donc, tout le monde se connaît, et, en général, s’apprécie et s’entraide. Après les matches, c’est plutôt fraternel. Il y a désormais toujours du respect. Il y a quelques années, cela partait toujours en sucette face à certaines équipes mais cela a été réglé par la Fédération. Il n’y a plus d’animosité. On peut ne pas s’aimer mais on se tape dans la main quand même. Il y a un respect du sport. C’est très fair-play."
Le respect qui se voit sur les terrains se traduit également autour de ceux-ci, où les supporters ne jouent pas les gros bras mais fraternisent, plutôt. "Tout le monde se mélange, tout le monde se retrouve entre potes. Bon d’accord, il n’y a pas beaucoup de supporters en Belgique, mais à l’étranger, en Europe ou même aux USA, tout le monde se mélange. On peut se retrouver dans un kop adverse, sans soucis."