Droits de retransmission des évènements sportifs: Attention, voilà le GAFA !
Et si les réseaux sociaux s’intéressaient aux droits de retransmission des grands événements sportifs ?
- Publié le 22-02-2018 à 19h18
- Mis à jour le 22-02-2018 à 19h48
Et si les réseaux sociaux s’intéressaient aux droits de retransmission des grands événements sportifs ? Consultant international dans les droits sportifs, Pierre Maes est une référence dans son domaine et a suivi toute l’évolution du secteur. Il décrypte l’évolution d’un marché qui fait valser les millions.
David Goffin a récemment proposé sur sa page Facebook les retransmissions en live de ses matches lors du récent tournoi de tennis de Montpellier. Est-ce le début d’une tendance?
"À ma connaissance, c’est plutôt une première liée à un concours de circonstances. Aucune chaîne belge n’avait acheté les droits de retransmission. Lagardère Sport, détentrice des images, a donc laissé la porte ouverte à une diffusion sur d’autres supports. AA Drink, sponsor de Goffin, a trouvé le concept original et s’est offert les droits pour une diffusion géolocalisée en Belgique. C’était un joli coup de buzz mais qui, à mes yeux, n’a pas d’avenir pour les gros événements qui génèrent de gros revenus."
Et pourtant, on parle beaucoup de l’entrée en lice des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) sur la scène des droits de retransmission sportive.
"Oui. Mais, là aussi, le business model reste à créer. À ce stade, il n’y a d’ailleurs rien de très concret au niveau mondial, un peu comme si ces géants d’Internet hésitaient à se lancer vraiment dans la bataille. Ils ont clairement les moyens financiers. Mais, prudents, ils avancent à petits pas…"
En coulisses, on parle de l’intérêt d’Amazon pour la Premier League…
"Sky et BT viennent de renouveler le contrat pour le marché anglais sur des bases de prix assez semblables au deal précédent : environ 5 milliards d’euros pour la période 2019-2022. Il n’y a donc pas d’augmentation significative des enchères. Un peu comme si on avait atteint un plafond. Il reste quelques lots à distribuer. Amazon pourrait se mêler à la lutte. Mais je ne m’attends pas à une révolution."
Quel est l’intérêt pour les grands réseaux sociaux de s’attaquer au marché du sport?
"Élargir leur offre et, forcément, gagner de l’argent. Amazon a récemment lancé une plateforme payante, Prime, qui propose à ses clients la livraison gratuite et l’accès à un catalogue de séries. L’ajout de retransmissions sportives pourraient donc avoir du sens. Mais, je le répète, l’entreprise a peut-être d’autres priorités."
Peut-on regarder le sport sur son smartphone ou sur une tablette?
"La nouvelle génération est dans cette dynamique. Et, en plus, il est facile désormais de projeter sur un grand écran les images du web."
Comment voyez-vous l’évolution des droits sportifs dans les prochaines années?
"Il est difficile de tirer des plans sur la comète. Tout change très vite. Jadis, durant de longues années, les chaînes de télé publiques se partageaient tous les gâteaux. Les télés privées ont, dans les années 80, bouleversé le paysage. Puis, les télés à péage se sont invitées dans la danse, à l’image de Canal + en France ou de Sky en Grande-Bretagne. Un peu plus tard, pour promouvoir leurs packages, c’était au tour des opérateurs télécoms de faire monter les enchères des droits sportifs. Il est possible que la prochaine escalade soit liée aux Gafa. Elles ont la technologie et les moyens. Elles peuvent, au choix, proposer du gratuit ou du pay per view. Mais, personnellement, je ne suis pas sûr qu’elles soient hyperdemandeuses pour le moment."
La Belgique semble toujours être une exception. Les Jeux Olympiques, la Coupe du Monde de foot, les courses cyclistes et les GP de Formule 1 sont toujours diffusés en clair…
"Oui, la Belgique est un petit marché, assez atypique, plutôt raisonnable et qui évolue à son rythme. En plus, pour l’heure, les grands événements d’intérêt national - comme les matches des Diables Rouges - doivent, par décret, être retransmis en clair."
Amazon est déjà monté au filet
Amazon est le premier membre des Gafa à avoir réellement bougé ses pions sur le grand échiquier des droits de retransmissions sportives. Le mastodonte de l’e-commerce, valorisé à plus de 700 milliards de dollars à Wall Street, a déjà tâté le terrain sur le marché américain, notamment dans le championnat NFL. Il vient aussi de s’offrir les principales retransmissions de l’ATP Tour de tennis pour le territoire anglais. Pour suivre le prochain US Open de Flushing Meadow, le téléspectateur britannique sera donc obligé de s’abonner à la plateforme Prime d’Amazon et de payer 7,99 Livres par mois. Clairement, il s‘agit de bouées d’essai. Mais elles ne sont sûrement pas innocentes.
Pour l’heure, Facebook est un peu en retrait. Le réseau social s’est intéressé à la Premier League i ndienne de cricket mais n’a pas remporté les enchères. Mais d’autres acteurs de la nouvelle économie sont également à l’affût. Cette année, Twitter retransmettra ainsi gratuitement plus de 70 heures de tournois du PGA Tour de golf. L’arrivée d’un oiseau bleu sur les greens n’est sûrement pas le fruit du hasard…
"Jusqu’à 150.000 vues pour David Goffin"
Lors de l’ATP 250 de Montpellier, David Goffin avait réservé une belle surprise à ses fans. Un de ses partenaires - AA Drink - avait acheté les droits de ses matches pour les diffuser gratuitement à ses fans présents sur le territoire belge uniquement.
"Les matches ont eu beaucoup de vues", se réjouit Karine Molinari. "Je suis très enthousiaste. Le projet a plu à ses fans."
Son agent cherche à renouveler cette expérience. L’argent reste le nerf de la guerre. "À la base, les partenaires ne connaissaient pas un tel projet qui était tout nouveau dans le monde du tennis. J’étais à l’origine du concept. Nous affichons la volonté de poursuivre cette initiative. Les premiers enseignements sont fructueux."
À Montpellier, le 7e joueur mondial a rassemblé jusqu’à 150.000 personnes devant son match. "Nous avons remarqué une évolution au fil du tournoi. Les horaires de bureaux ont eu un impact aussi. Sur les 150.000 vues, il s’agit de personnes qui ont regardé un bout de match."
Le sport est à la croisée des chemins. "Oui, cette expérience constitue un grand tournant. D’autres sports le font déjà. En tennis, c’était une première. Nous avons débriefé avec David. Il a vu que le projet tournait bien."
L’expérience est également possible sur des ATP 500. Sur les Masters 1.000, Telenet, qui est partenaire de David, a acheté les droits. "Sur les ATP 500 et 250, il est possible d’acheter les droits. Les montants sont encore raisonnables. Notre volonté est de permettre aux Belges de voir les matches de David car, jusqu’ici, ils ne les voyaient pas