Wilfried Meert préface le Mémorial Van Damme: "Du jamais-vu à la perche !"
Wilfried Meert s’attend à une 42e édition de son Mémorial très spectaculaire.
- Publié le 30-08-2018 à 14h23
- Mis à jour le 03-09-2018 à 12h43
Wilfried Meert s’attend à une 42e édition de son Mémorial très spectaculaire.
Derrière une simple table, dans l’une des salles mises à la disposition du Mémorial Van Damme par l’hôtel Crowne Plaza, Wilfried Meert a posé sa célèbre mallette brune et son ordinateur, sur l’écran duquel les emails affluent des quatre coins du monde. À ses côtés, un journaliste néerlandophone et un statisticien… australien s’affairent encore à préparer le programme de cette 42e édition. S’il ne dirige plus, WM conseille.
Entrant et sortant sans cesse, Cédric Van Branteghem a l’oreille collée à son téléphone portable. "Je pense avoir terminé en beauté avec la 40e édition du Mémorial !" lance Wilfried. "J’aurais pu continuer, mais à quoi bon ? Une 41e, une 42e ? Non, j’ai préféré passer la main. Cédric était mon successeur désigné. Il connaît le milieu, parle cinq langues. Il avait tous les atouts pour reprendre mon rôle. Et j’ai entière confiance en lui parce que je le connais depuis très longtemps. Il avait, en effet, 18 ans à peine quand ses parents m’ont appelé pour que je m’occupe de sa carrière. Ce n’est donc plus moi qui prends les décisions. Je me contente de donner mon avis."
Après quarante ans à la tête du Mémorial Van Damme, Wilfried Meert est le manager le plus estimé de la planète athlétisme. Discuter avec lui est vraiment un privilège qui se gagne en gérant le on et le off…
Wilfried, comment se présente cette 42e édition ?
"Quand je vois la liste des engagés, elle s’annonce spectaculaire. Et je pense qu’il y en aura pour tous les goûts. Sur 100 m masculin, par exemple, nous avons huit sprinters avec un record personnel sous les dix secondes. Si la météo le permet, ce sera un feu d’artifice. Jusqu’ici, on annonce un temps sec, mais un peu froid pour les épreuves de sprint. Sans quoi j’évoquerais aussi le 200 m féminin…"
Comment s’est portée la billetterie en l’absence d’une superstar comme Usain Bolt ?
"Avec ou sans Bolt, la prévente a très mal débuté. Les mois d’avril, mai et juin furent très calmes en raison de la Coupe du Monde de football. Mais, après les championnats d’Europe, à Berlin, le téléphone n’a pas arrêté de sonner et je pense que nous atteindrons les 40.000 spectateurs ce vendredi, ce qui, en soi, est un succès."
L’effet Thiam et Borlée ?
"En partie… Avec Nafi, la Belgique a la chance de compter une star internationale et le public vient pour la voir à l’œuvre. Mais je me demande si les médailles d’argent et de bronze des Borlée n’ont pas plus marqué les gens, d’autant que, dans la foulée, le relais était sacré. Il y a un aspect belgo-belge. Mais les gens ont aussi été frappés par la performance du Suédois Armand Duplantis à la perche. Au téléphone, ils demandaient : ‘Il vient le jeune Duplantis ? Parce que j’ai envie de le voir en vrai…’ Croyez-moi, il n’y a pas beaucoup d’athlètes qui peuvent se targuer d’avoir amené le public comme ça. Il y a Carl Lewis, Serguei Bubka, Michael Johnson et, bien sûr, Usain Bolt. Mais il n’est pas judicieux de n’avoir qu’une tête d’affiche, si énorme soit-elle. Regardez Oslo. Pendant dix ans, ils n’ont juré que par Bolt et, aujourd’hui, ils ne parviennent plus à remplir le Bislett, dont la capacité est de 15.000 places."
La perche avec, entre autres, Duplantis et Lavillenie, sera donc une épreuve phare…
"Pour moi, ce sera le clou de la soirée. Avec sept gars à plus de six mètres, ce sera du jamais-vu ! Même aux Jeux… Et puis, il y aura le phénomène Armand Duplantis. Qui sait ce qu’il nous réserve ? La perche, les gens l’apprécient parce que, tout en étant rivaux, les athlètes s’entraident. Et la finale des championnats d’Europe en est le plus bel exemple. Alors, oui, il y aura du spectacle de ce côté-là !"
"La Suède a Duplantis et la Belgique a Sacoor"
Le manager est tombé sous le charme de ces deux jeunes prodiges
À quoi peut-on s’attendre sur le plan belge lors de ce Mémorial ?
"Écoutez, la Suède a Armand Duplantis et la Belgique a Jonathan Sacoor. Quand on voit courir ce gamin de 18 ans (NdlR : il en aura 19, le lendemain du Mémorial…) , on ne peut que dire : ‘Wow !’ Moi le premier. Ce Sacoor, c’est un diamant ! Il a tout, la tête et les jambes. J’ai discuté avec lui le lundi matin, à l’aéroport de Berlin. Il me demandait mon avis quant à sa participation au Van Damme. Jacques (Borlée) n’était pas chaud. Il ne veut pas le brûler et il a raison. Mais je ne pense pas qu’une course de plus cette année lui cause le moindre tort. Surtout au Mémorial, dont il rêve depuis qu’il est petit. Il a dû insister pour pouvoir s’aligner et Jacques a fini par craquer en lui disant : ‘Je ne peux quand même pas te l’interdire…’ Pour ma part, je me suis, alors, attelé à la distribution des couloirs, le 3, le 5 et le 7."
Et Nafi ?
"J’ai appris qu’elle était rentrée, ce mercredi, de vacances aux États-Unis. J’espère qu’elle ne souffrira pas du décalage horaire et qu’elle retrouvera rapidement ses marques à la hauteur."
Il y a longtemps qu’on n’avait plus retrouvé une vingtaine de Belges sur les start-lists du Mémorial…
"C’est la preuve que notre athlétisme se porte bien ! Personnellement, j’attends beaucoup d’un Arnaud Art ou d’une Eline Berings. Je pense qu’ils sont l’un et l’autre capables de battre le record de Belgique. Arnaud n’en était pas loin à Anvers et Eline a joué de malchance à Birmingham…"
À propos d’Anvers, que pensez-vous du concept de l’athlétisme en ville comme le poids sur la Grand-Place de Bruxelles et la perche dans la gare de Zurich ?
"Il faut y reconnaître le côté spectaculaire. L’idée est de partir à la rencontre des gens pour les inciter à découvrir notre sport. Berlin a également innové en organisant les cérémonies en ville."
En revanche, l’idée d’avoir deux meetings, Zurich et Bruxelles, en deux jours est loin d’être géniale, non ?
"C’était une volonté de l’IAAF. J’en ai discuté avec Seb (Sebastian Coe) à Berlin et nous sommes d’accord pour dire que c’était une erreur. À corriger à l’avenir…"
Un dernier mot : le dernier record du monde date déjà de 2012 avec l’Américain Aries Merritt sur 110 m haies. Une chance cette année ?
"La Kenyane Béatrice Chepkoech prétend qu’elle est capable de courir le 3.000 m steeple sous les neuf minutes, mais de là à approcher son record du monde (8.44.32) datant de juillet, à Monaco, il y a un pas, sinon un fossé qu’elle ne franchit pas… Et moi non plus ! Ceci dit, la beauté du Mémorial Van Damme ne dépend pas des records du monde…"