Guillaume, 19 ans, a frôlé la catastrophe au saut à la perche: "La prochaine fois, je serai casqué"
L'athlète sérésien, qui participait à un concours de perche en ville aux Pays-Bas, s'en est sorti avec des fractures et une commotion
- Publié le 13-09-2018 à 14h58
Tout le monde en conviendra : le saut à la perche est une belle discipline, technique, très spectaculaire et qui requiert des qualités de vitesse, de force, d’agilité et de souplesse. Des ingrédients qui font de cette épreuve l’une des plus belles du premier sport olympique. Réputés pour leur côté casse-cou, les athlètes qui la pratiquent savent, par ailleurs, qu’elle comporte des risques et que les chutes font partie du métier.
Guillaume Gobin, 19 ans, l’a appris à ses dépens le week-end dernier à Apeldoorn, aux Pays-Bas. L’athlète de Seraing, champion francophone des épreuves combinées, s’apprêtait à disputer la dernière manche d’un triptyque de concours de perche en ville lorsqu’il fut victime d’une chute impressionnante à l’échauffement. Catapulté vers l’arrière, le jeune homme est retombé lourdement sur le pavé, sa tête et son épaule droite encaissant un sacré choc. Sur la vidéo, on peut d’ailleurs voir aux réactions des membres de l’organisation – dont le décathlonien Eelco Sintnicolaas – que la situation était très inquiétante.
“Je suis resté inconscient pendant une dizaine de minutes", indique Guillaume, auquel nous avons rendu visite ce mercredi chez lui, à Seraing, où il est rentré lundi, en voiture, après une nuit d’hospitalisation et une série d’examens passés sur place. “Le service médical est heureusement intervenu très rapidement. Quand je me suis réveillé, j’ai directement vérifié si je sentais encore mes jambes. Dans mon malheur, j’ai eu de la chance. Les conséquences auraient pu être pires.”
Le bilan médical n’en reste pas moins lourd : le jeune athlète souffre d’une fracture de la clavicule (pour laquelle il se fera opérer ce vendredi), d’une commotion cérébrale, d’une fissure au niveau d’un os du crâne (derrière l’oreille) et d’une perte d’audition momentanée à droite. Et s’il ne se souvient plus des moments “après avoir vu le sol se rapprocher”, il a encore en mémoire les circonstances précédant son accident.
“Je venais de réussir un saut magnifique, l’un de mes meilleurs sauts du week-end. J’étais en confiance. Sauf que j’ai très bien couru, sur un élan assez long, et que je suis arrivé beaucoup plus près, beaucoup trop près, avec une vitesse assez importante. J’ai présenté un peu tard, me retrouvant au-dessous de la perche au lieu d’être derrière elle. Du coup, ce n’est pas moi qui l’ai utilisée, c’est elle qui m’a envoyé valser sur le côté.”
Quelles erreurs estime-t-il donc avoir commises ? “D’abord, je n’ai pas reculé mes marques alors que le sautoir était rapide, je n’ai pas pris toutes les précautions et ensuite je me suis borné à y aller absolument. J’aurai dû lâcher la perche et continuer à courir sur le matelas. Mais voilà, ce n’est que ma troisième année de saut à la perche et c’est le genre d’erreur qu’on fait encore. Mais là, je pense que je ne la ferai plus…”
Son avenir, Guillaume Gobin le voit toujours sur les pistes d’athlétisme, lui dont le record est de 4,50 m. Et il entend bien revenir à Apeldoorn pour conjurer le sort.
"Mon objectif, c’est de revenir le plus vite possible, c’est-à-dire quand mon corps le permettra. Et dès que ma tête voudra bien me laisser sauter ! Je ne me rends pas encore bien compte mais je pense que lors de mon premier entraînement de perche, quand je serai en bout de sautoir, je vais me poser plein de questions. Heureusement, avec Fanny Smets, qui est une athlète d’expérience, je suis bien encadré. Je reviendrai petit à petit.”
Avec des précautions particulières ? “J’ai déjà vu des perchistes avec des casques et, vu que ma tête a été fragilisée, j’essaierai. Surtout si je refais des concours de perche en ville…”
À l’entraînement pour réconforter son ami
Guillaume Gobin a toujours été bien conscient des risques inhérents à la perche, son épreuve préférée au décathlon.
“J’ai déjà vu beaucoup d’accidents, encore récemment au Mémorial Van Damme, donc j’ai toujours eu conscience du danger. Mais ça fait partie de l’excitation, de l’adrénaline quand on saute, parce qu’on sait que tous les aspects du saut doivent être parfaits.”
Réconforté par de nombreuses marques de sympathie, Guillaume a aussi lui-même apporté son soutien à son pote Diego Secci, qui était engagé dans la même compétition que lui. “Il a assisté à une scène que personne n’aimerait voir et il était très choqué. Raison pour laquelle j’ai tenu à aller le voir à l’entraînement dès mardi, pour le soutenir comme lui m’a soutenu dans ces moments difficiles.”
Fanny Smets, sa coach: "Limiter les risques au maximum"
La détentrice du record de Belgique évoque un manque d'expérience.
À la tête d’un groupe de perchistes à Seraing, Fanny Smets, la détentrice du record de Belgique seniors dames (4,46 m), entraîne Guillaume Gobin. Le jour de l’accident, elle était retenue par une autre compétition. “Je suis restée en contact permanent avec les organisateurs, que je connais très bien, et j’ai été vite rassurée sur l’état de santé de Guillaume, explique-t-elle. Dans ces cas-là, on pense à la moelle épinière, à un possible hématome cérébral, mais j’ai appris rapidement que Guillaume pouvait bouger les bras et les jambes, j’ai su que ça allait à ce niveau-là.”
Après avoir vu les images, l’athlète estime qu’il s’agit clairement d’un “accident dû à un manque d’expérience”.
“D’habitude, quand on sent qu’on est trop proche dans sa course d’élan, on ne prend pas son impulsion, on arrête son effort. Ici, Guillaume a bel et bien piqué dans le butoir mais en étant beaucoup trop près et il a été catapulté en arrière."
Pour Fanny Smets, cet accident souligne “l’importance de tenter de limiter les risques au maximum quand on pratique le saut à la perche. Ce qui nécessite parfois des investissements importants, afin de disposer de sautoirs aux dimensions correctes (ce qui n’est pas le cas partout en Belgique) et de travailler avec du bon matériel, des perches récentes et bien entretenues, parce qu’un bris de perche est vite arrivé.”
Notre interlocutrice ne compte plus les mésaventures du genre qui lui sont arrivées. “Cela arrive fréquemment, mais à des degrés divers”, dit-elle. “En 2017, cela a dû m’arriver cinq fois, ce qui ne m’a pas empêchée de faire ma meilleure saison. Et si vous vous souvenez bien, après avoir battu le record du monde (6,16 m) à Donetsk, Renaud Lavillenie s’était blessé au pied sérieusement. Mais cela ne l’a pas affecté plus que cela…”
Connaissant mieux que quiconque les risques du métier, Fanny Smets tente de faire comprendre une chose essentielle à ses athlètes : “C’est qu’une bonne maîtrise technique leur permettra d’effectuer des sauts cohérents et réguliers, et donc de limiter les risques. Je n’ai pas envie d’en parler davantage à l’entraînement et de créer une peur qui n’est pas nécessaire. Dans le cas de Guillaume, il faut tirer les enseignements de ce qui s’est passé et vite tourner la page. Quand il sera rétabli, on va travailler à nouveau les bases, recommencer à des hauteurs relativement basses et monter progressivement. Je sais qu’il est motivé…”