Arber Qerimi découvre le monde du handball pro: "On est parfois trop humbles en Belgique"
- Publié le 27-10-2017 à 11h41
- Mis à jour le 27-10-2017 à 11h42
Arber Qerimi a passé le cap du monde professionnel en France. Avec succès. De retour parmi les Red Wolves cette semaine pour les pré-qualifications du Mondial 2019, le capitaine Arber Qerimi a ramené une valise bien plus épaisse, conséquence de son passage à Cesson-Rennes, en D1 française où, à 26 ans, il a découvert le monde professionnel comme Ooms, Nathan Bolaers ou encore Debeule cette année, rejoignant les Lettens, Thomas Bolaers ou encore Cauwenberghs, qui avaient franchi le pas avant en France. Le petit demi-centre d’1,80 m, qui avait tant charmé Claude Onesta contre la France en novembre 2016 , s’est en tout cas fondu dans la masse même s’il est passé de quatre entraînements par semaine à deux séances quotidiennes. "J’ai été bien intégré. Mes équipiers ont tout fait pour rapidement me comprendre et faire en sorte que je trouve ma place."
Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné ?
"L’engagement physique durant les matchs. C’est une grosse différence par rapport à ce que je vivais avant. Il n’y a pas de demi-mesure, on est toujours à fond."
Cet aspect physique ne vous a pas posé de soucis ?
"Non parce que je m’étais bien préparé pendant les vacances, sachant que j’allais avoir une charge d’entraînements plus lourde. En D1 française, tous les joueurs sont costauds. Même si je suis encore dans cette démarche de découverte car nous n’avons pas encore joué toutes les équipes. Je serai encore plus performant au 2e tour."
Vu votre petit gabarit, comment arrivez-vous à faire la différence ?
"Je compense avec ma vision, ma vitesse, ma capacité à organiser pour surprendre avec des tirs à la hanche ou au travers. C’est d’ailleurs important de ne pas miser que sur le physique. Il faut avoir un truc en plus."
Après seulement deux mois, sentez-vous une évolution ?
"Je pense que je suis un peu meilleur. D’ailleurs, rien que physiquement, j’ai pris 2-3 kg et je travaille pour en prendre encore. J’ai pu constater que j’avais un peu progressé en arrivant en équipe nationale. Il y a des choses que maintenant je fais directement et auxquelles je ne pensais pas forcément avant même si mon jeu n’a pas changé. Disons que je l’adapte et qu’il s’améliore."
Comment les Français vous voient-ils ?
"Pour eux, il n’y a pas de petits Belges . Ils nous analysent comme tous les autres. Et puis, ils ont tous vu ce fameux match à Liège. Maintenant, ils se disent surtout : ‘Ah oui, ils savent jouer en Belgique.’ Le respect est mutuel."
Vu votre rapide intégration, n’avez-vous pas de regrets d’avoir attendu vos 26 ans pour tenter votre chance ?
"Le regret, c’est de ne pas avoir terminé mes études de comptabilité plus tôt. Avec mon père (NdlR: Bujar, ancien joueur pro et entraineur) , on avait fait le pacte que je terminais d’abord mes études. N’ayant jamais vraiment eu d’appel du pied pour l’étranger, je n’ai donc jamais reçu de coups de pied au cul pour terminer rapidement. La vie d’étudiant est si agréable et puis j’avais une rentrée d’argent avec Tongres. En fait, je ne me suis jamais dit : ‘ Plus vite tu termineras, plus vite tu iras en France’ . Ma réflexion, c’était plutôt : ‘ Plus vite tu termines, plus vite, tu devras travailler.’ Avec le recul, évidemment, j’aurais peut-être dû penser différemment même si aujourd’hui je suis arrivé en France avec de la maturité."
Cela prouve que les jeunes Belges ne nourrissent pas ce genre d’ambitions ?
"En fait, on est trop belge. C’est-à-dire trop respectueux, trop humble. On minimise beaucoup trop nos qualités. On se dit plutôt : ‘Je suis bon mais pas assez. Je ne pourrai pas y arriver.’ Mais au final, si on bosse, on peut y arriver. Moi, par exemple, on m’avait dit que vu ma taille, je ne pourrais pas y arriver. Mais il faut pouvoir travailler ses qualités, les perfectionner et travailler ses défauts. Le tout est d’y croire. Si les Français, à qui on reproche souvent d’être hautains, sont si bons, c’est parce qu’ils ont confiance en eux, ils savent qu’ils sont les meilleurs et ils mettent les moyens pour y arriver. Leur motivation pour y arriver est énorme. Chez nous, on pense d’abord à la sécurité des études avant de penser à, pourquoi pas, réussir dans son sport."
Votre vie a donc complètement changé.
"Avant, j’étais comptable et le handball, c’était juste à côté. C’était ma passion. Maintenant, quand on me demande ce que je fais dans la vie, je peux dire que mon métier, c’est le handball. Au début, c’était un peu bizarre. Ma passion est devenue mon métier. Tous les matins, on se dit : ‘ Chouette, on va s’entraîner.’ "
Vous fixez-vous des objectifs pour la suite de votre carrière ?
"Non. Je sais que j’ai signé à Cesson pour trois ans et j’espère qu’un peu avant, je saurai de quoi mon avenir sera fait. Je ne me fixe pas de deadline pour passer une autre étape même si évidemment, maintenant que je suis pro en France, je veux aller encore plus haut et ainsi de suite."
"Un salaire de débutant"
Même s’il peut se targuer d’être capitaine des Red Wolves et d’un petit beau palmarès en Belgique, Arber Qerimi est arrivé en toute humilité, et son salaire également, loin des stars du PSG. "En fait, quand on arrive en France, c’est comme si on débutait notre carrière. Donc, le salaire est celui d’un débutant. Évidemment si, maintenant, mes prestations explosent, il sera certainement réévalué. Cela aurait été différent si j’avais déjà connu la D1 allemande", commente Arber qui dispose d’un appartement payé par le club et ne veut pas s’épancher sur son salaire. "Je ne veux surtout pas créer de malaise."
"Visé a tout pour réussir"
L’équipe nationale de handball a la particularité d’avoir des joueurs provenant des trois communautés : néerlandophones, francophones et germanophones. Tous ceux issus du sud du pays sont tous Liégeois et ils étaient d’ailleurs neuf sur la feuille de match mercredi en Turquie. A contrario, le championnat belge est dominé par les clubs flamands, seul Visé arrivant à suivre le rythme en Beneleague. On est donc loin de la domination liégeoise d’antan.
"Je crois qu’à un moment, les clubs n’ont pas réussi à conserver leurs meilleurs jeunes en raison des moyens financiers", soupire Arber. "Et comme chaque année, les clubs flamands jouent le titre, en tant que compétiteur, tu te dois d’aller là-bas. En outre, Hasselt ou Tongres, ce n’est pas vraiment loin de chez nous." Pour le Herstalien qui est arrivé à Tongres à 18 ans après avoir transité par Herstal et Beyne, les Mosans ont une belle carte à jouer. "Ils ont tout pour y arriver. Peut-être leur manquent-ils des infrastructures. C’est en tout cas bien ce qu’ils font. Ils pourraient avoir l’objectif de ramener tous les Liégeois et de retrouver une ambiance à la liégeoise. Mais, j’insiste, il faut pouvoir disposer d’une meilleure salle."