16 novembre 1978: où es-tu Manureva?
Il y a 40 ans, le 16 novembre 1978, le navigateur français Alain Colas disparaissait en mer, marquant l’histoire de la première Route du Rhum, remportée sur le fil par Mike Birch
- Publié le 16-11-2018 à 14h44
- Mis à jour le 16-11-2018 à 14h45
Il y a 40 ans, le 16 novembre 1978, le navigateur français Alain Colas disparaissait en mer, marquant l’histoire de la première Route du Rhum, remportée sur le fil par Mike Birch
“Il n’y a plus de ciel, ce n’est que montagnes d’eau…”
La mer est un espace de rigueur et de liberté. À la lecture, peut-être, de ces mots de Victor Hugo, Michel Estevon, en 1978, publiciste et spécialiste du sponsoring des événements nautiques, aurait pu se dire, un an plus tôt, qu’ils noieraient le climat de guerre qui prévalait dans le petit monde de la course au large. Un monde, jusque-là, fermé comme une huître et qui s’entrouvre largement et vite. La majorité des courses, à l’instar de la Transat en solitaire, sont organisées par des entités anglaises mais les podiums sont français ! Las ! de cette hégémonie continentale, les sujets de sa Gracieuse Majesté modifient au gré des vents et des marées les instructions de course avant chaque nouvelle épreuve, réprimant l’innovation et limitant taille et type de voiliers engagés. Tabarly et Colas, notamment, en seront les victimes expiatoires.
Michel Estevon, qui se dit, au demeurant, complètement incompétent en voile, lance une course à contre-courant des idées de la Transat anglaise.Et on ne peut faire plus simple : départ de Saint-Malo, arrivée en Guadeloupe, ouvert aux monocoques et multicoques sans restriction de taille. Trente-huit engagés, amateurs et professionnels confondus.Le mardi 28 novembre 1978, vingt-trois jours et 7.000 kilomètres plus tard, Mike Birch l’emporte devant Michel Malinovski pour... 98 secondes.
Treize à l’arrivée
Treize marins seulement relieront Pointe-à-Pitre. Les tempêtes de 50 nœuds et les dépressions tropicales ont secoué les solitaires. Alain Colas, l’un des plus célèbres d’entre eux, ne touchera plus jamais terre.
Dans les Açores, alors que les vents terribles ont remplacé les embruns, Manureva, son vieux bateau, ne répond plus. Et pourtant, dans l’une de ses dernières liaisons radio avec le Vieux Continent, l’homme, ce féru de littérature, exprimait son contentement : “Le bateau marche à merveille. J’ai retrouvé le contact avec Manureva.”
Mais dans son message du 16 novembre, à la fine pointe de l’aube, à 4 h du mat, les mots sont nettement plus noirs, pesants, lourds de pessimisme : “Je suis dans l’œil du cyclone. Il n’y a plus de ciel, tout est amalgame d’éléments, il y a des montagnes d’eau autour de moi...”
À cet instant de la Route du Rhum, Alain Colas voguait en tête, mais la tempête qui balaie cette région du globe les jours suivants aura raison de ce marin d’exception. Contrairement aux multicoques classiques dont les matériaux de construction sont insubmersibles ou flottent entre deux eaux en cas d’accident sérieux (structure nid d’abeille, composites), Manureva était un multicoque submersible conçu en aluminium, ce qui ne permit pas de retrouver le moindre indice ou reste matériel du navire qui aurait pu dériver...
La légende Colas
Les gros titres des journaux témoignent du drame : “Inquiétudes pour Alain Colas”, “La Marine Nationale déclenche le plan de secours en mer”, “le Ministère de la défense annonce l’arrêt des recherches du voilier d’Alain Colas”...
Longtemps ses proches attendront au bout du quai de la Trinité-sur-Mer le retour du Manureva. Dix ans après, son père déclare que son fils s’est échoué, amnésique, sur une île déserte... Teura, sa femme, le sait mort : “Je ne lui reproche pas d’être mort dans sa passion, mais de nous avoir laissés dans ce monde.” Collision dramatique avec un cargo ? Vague fatidique qui l’emporte ? Nouvelle vie dans un coin reculé de la planète ? Aucune hypothèse n’a pu s’imposer. Et la légende Colas continue de parcourir les océans. Cet homme qui délaissa une brillante carrière universitaire avait su faire évoluer son sport grâce à son intelligence, en sachant utiliser les sponsors afin d’évoluer techniquement, et en écrivant de nombreux articles et de nombreux livres dont Un tour du monde pour une victoire et Cap Horn pour un homme seul.
Alain Colas n’abandonnait jamais même s’il nous abandonna, à 35 ans seulement…
De Pen Duick III à Manureva
Vingt ans après Alain Colas, le 12 juin 1998, Eric Tabarly, sur son premier Pen Duick, le seul, le vrai, disparaissait en mer au large du pays de Galles. Destins liés et croisés. Ironie du sort. Le Manureva, c’est l’ancien bateau d’Eric Tabarly. Le Pen Duick IV. Et contrairement aux multicoques actuels qui sont insubmersibles, Manureva était construit en aluminium, plus lourd que l’eau, ce qui ne permit pas de retrouver le moindre élément du trimaran.
En 1967, Alain Colas avait rencontré Eric Tabarly, en course sur la Sydney-Hobart. Ce dernier lui propose d’embarquer à bord de Pen Duick III. Ce prof d’Université à l’avenir tout tracé largue les amarres pour répondre à l’appel du large et rejoint, l’année suivante à Lorient, Éric Tabarly qui prépare, pour la transat en solitaire, un multicoque expérimental aux allures démesurées. C’est la naissance de Pen Duick IV. Les deux hommes deviennent inséparables. Alain Colas apprend le métier. En 1970, il rachète à Tabarly, vendeur pour se mettre en ordre avec le fisc, le Pen Duick IV.
Il prend ses distances et s’engage seul sur la Sydney-Hobart pour initier son bateau aux courses au large. Le 17 juin 1972, il prend le départ de la 4e Transat anglaise en solitaire. Coup de maître, il s’impose et pulvérise le record de l’épreuve. La France a un nouveau héros et Alain Colas, à l’instar d’Eric Tabarly, générera des générations de marins exceptionnels. Colas vise dès lors le premier tour du monde en solitaire en multicoque avec Pen Duick IV rebaptisé Manureva, l’oiseau du voyage en tahitien. Il bat, le 28 mars 1974, de 32 jours le record du monde détenu par Sir Francis Chichester et devient le premier à réussir ce pari. Une gageure accomplie en même temps que la Whitbread, une course autour du monde en équipage en monocoques. On lui a reproché de bénéficier de la couverture médiatique alors que Tabarly, sur Pen Duick VI, était contraint à l’abandon et devait faire face à la polémique à propos du lest en uranium appauvri de ce bateau. L’image de Tabarly ternie, le public se tourna vers Alain Colas. Ce fut la naissance d’une rancune tenace de Tabarly envers son ancien équipier, qui mit fin à l’amitié qui les liait. En 1978, Alain Colas participe à sa dernière course. Il prend le départ de la première Route du Rhum à bord de Manurera, ex-Pen Duick IV avec le destin que l’on connaît...
Où es-tu Manu Manu Manureva ?
Sorti le 15 septembre 1979, Manureva, c’est le titre le plus connu d’Alain Chamfort, celui qui a aussi relancé sa carrière après son départ de Flèche Productions. Rien qu’en France, il s’en est vendu plus de 700.000 exemplaires selon les estimations les plus pessimistes.
Alain Chamfort est à Los Angeles lorsqu’il compose la musique de la chanson avec Jean-Noël Chaléat en prévision de son album Poses. Immédiatement, il perçoit le potentiel de la mélodie. Il demande à des auteurs de lui écrire des textes et fait notamment appel à Serge Gainsbourg, avec qui il a collaboré sur son disque précédent, Rock’n rose, au succès mitigé. De toutes les propositions qu’il reçoit, celle de Gainsbourg est “la moins mauvaise”, explique-t-il dans un entretien accordé à la Sacem (l’équivalent français de la Sabam). À contrecœur, il enregistre le titre, Adieu California, qui fait immédiatement mouche chez CBS, sa maison de disques. Mais le chanteur n’est pas convaincu : “Quelque chose me gênait. On parlait de Marilyn Monroe, de Santa Monica, thèmes que je trouvais un peu démodés. J’étais embarrassé. Comme l’auteur était Serge Gainsbourg, tout le monde trouvait ça formidable.” Chamfort insiste auprès de Gainsbourg, convaincu qu’il est capable de mieux. En déjeunant le lendemain chez Eugène Riguidel qui doit participer à la prochaine Transat, le fumeur de Havane a le déclic. Quelques jours plus tard, le Grand Serge lui téléphone et susurre Manureva, le nom du bateau d’Alain Colas disparu en mer peu avant. La suite, vous la connaissez…