Neuville/Ogier: Duval, de Mevius, Thiry, Gaban et Loix s'expriment sur la battle royale en WRC
Les cinq derniers ambassadeurs mondiaux s'expriment sur le dernier rallye en Australie.
- Publié le 13-11-2018 à 07h49
- Mis à jour le 13-11-2018 à 07h55
Les cinq derniers ambassadeurs mondiaux s'expriment sur le dernier rallye en Australie.
Duval : "Je suis pour les Toyota"
Il a été le premier Belge à remporter une manche du championnat du monde. C’était ici en Australie, il y a déjà treize ans.
"J’aurais préféré gagner devant mon équipier Loeb, mais au lieu de cela, j’ai profité des erreurs des autres", se souvient le pilote de Cul-des-Sarts. "Cela fait partie du rallye. J’aurais pu m’imposer ailleurs mais je ne suis pas là pour critiquer et dire que Citroën m’a saboté. À l’époque, j’ai eu beaucoup de plaisir de me battre avec les meilleurs, les Kankkunen, Sainz, McRae, Makinen, des vraies stars. Mes jambes tremblaient rien que d’aller au restaurant avec eux tellement j’étais impressionné. J’aurais pu devenir champion du monde si j’étais resté chez Ford et si je n’avais pas 30 % de ma tête au garage. Mais je ne regrette rien, si ce n’est de ne plus rouler. J’aurais aimé disputer le Wallonie et le Condroz, mais je n’ai plus assez de temps. Et j’en ai marre d’aller pleurer partout pour trouver des sponsors. Aujourd’hui, mon rêve est d’acheter une Yaris WRC pour rouler en rallycross ou sur des petites épreuves comme mon père le faisait en partant le week-end avec sa Celica et sa remorque."
Petit exploit : François est au courant que Thierry Neuville va jouer le titre mondial ce week-end. "Je ne suis pas plus que cela le WRC et Neuville. Les journalistes ont trop voulu me comparer à lui à ses débuts et je n’ai pas apprécié. Je sais qu’ils sont trois à pouvoir briguer le titre, ce qui est rare et bien pour la discipline. Ce serait bien pour la Belgique et les nombreux fans de notre pays que ce soit Thierry qui l’emporte. Mais cela ne va rien changer à ma vie et surtout pas m’empêcher de dormir. Je ne vais pas me lever à 4 h du matin pour voir qui est champion. Je verrai cela dimanche au petit déjeuner."
Et son pronostic ? "Personnellement, vu que je vends des voitures de la marque, je suis pour les Toyota. Ott Tanak aurait déjà dû être champion depuis longtemps s’il n’avait pas cassé un radiateur en prenant trop fort un jump, tapé une pierre ou subi une crevaison. Si Toyota est sacré champion du monde des constructeurs, on fera une journée portes ouvertes au garage. On avait déjà dit cela en 2017 pour le Mans, mais il avait manqué un tour… Thierry a ses chances, bien sûr. À la régulière, cela doit se jouer entre Ogier et lui. Sébastien sera un peu dans la m… en ouvrant la route vendredi. C’est vraiment la catastrophe là-bas. Il faut des patins à glace. Même à pied tu te casses la figure. Par contre, le Français possède trois points d’avance et est plus constant. Il possède déjà cinq titres et aura moins de pression."
Magnifique et toujours tellement hors normes, notre François conclut : "Je n’ai peut-être qu’un rallye mondial à mon palmarès, mais j’ai accompli des belles choses. À l’époque Citroën, on les a tous taxés avec Loeb. Après sa récente victoire en Espagne, j’ai envoyé un message à Seb pour le féliciter en lui disant qu’on étaient vraiment forts. Il m’a répondu avec un smiley et un pouce levé."
Grégoire de Mevius : "Exceptionnel pour la Belgique"
Les jeunes générations ne l’ont pas vécu, mais le papa de Ghislain et Guillaume de Mevius a été deux fois sacré champion du monde en Production, la division 2 du Mondial, en 1991 et 1992, d’abord au volant d’une Mazda 323 4WD puis d’une Nissan GT-R. "Mon second sacre s’est joué dans un contexte très stressant face à Gustavo Trelles", se souvient Grégoire. "Mon équipier de l’époque, Willy Lux, était très ému à l’arrivée du RAC car il avait commis une bourde en Argentine où l’on n’avait pas pu prendre le départ. Il s’était trompé au niveau de l’heure d’entrée de la voiture au parc de départ. En Grèce, le rallye d’avant, c’était dix minutes avant de monter sur le podium. Mais là c’était une heure. Et lorsque nous nous sommes présentés, il était trop tard. On a tenté de négocier. La majorité de nos concurrents était d’accord de nous laisser partir avec 5’ de pénalité, mais un seul a refusé. Carlos Menem Junior, le fils du président de l’époque. Heureusement, cette mésaventure ne nous a pas coûté le titre. Mais je ne vous raconte pas comme j’étais dans mes petits souliers quand j’ai dû prévenir Nissan Belgique que l’on n’avait même pas pris le départ. Cela a été chaud au téléphone…"
Aujourd’hui, le Rhisnois ouvre encore régulièrement pour ses fils. Il a gardé la passion du rallye, surtout sur terre, et s’apprête à passer lui aussi les nuits de la fin de semaine devant ses écrans : "Sur le rallye d’Australie, je pense que Thierry est favori. Il aime ce terrain où il a gagné l’an dernier et aura l’avantage de partir deuxième derrière Ogier. Entre eux deux, le titre mondial risque de se jouer dans la Power Stage. C’est un truc de fou ! Je vais suivre cela attentivement sur Internet. Après 14 titres pour les Français, ce serait vraiment exceptionnel qu’un Belge soit pour la première fois sacré champion du monde. Et ce serait mérité pour notre pays où les épreuves routières sont plus populaires que dans l’Hexagone."
Un Belge candidat au titre mondial, Grégoire de Mevius aurait-il pu imaginer cela ? "À mon niveau, j’ai rêvé d’intégrer une usine, ce que j’ai eu l’occasion de faire seulement deux fois avec Mazda. Dans la génération suivante, je dirais que dans un autre contexte, François Duval aurait pu le devenir. Il avait le talent pour. Mais il n’aimait pas voyager... Aujourd’hui, Thierry est un pilote plus complet. On croise les doigts pour dimanche."
Thiry : "Les calculettes vont chauffer"
Ancien ambassadeur belge en Mondial, héros malheureux du Tour de Corse 1995 qu’il aurait dû remporter, Bruno Thiry est depuis six ans devenu l’ouvreur de Thierry Neuville et Nicolas Gilsoul sur les manches asphalte du championnat du monde.
Il n’est donc pas du voyage en Australie. Mais il est de tout cœur bien sûr avec nos compatriotes dont il va suivre l’évolution, de nuit, depuis son lieu de travail, en déplacement en France, avec Goodyear.
"J’ai un bon pressentiment", confie Moustic. "Je le vois bien champion. Après trois titres de vice, ce serait mérité. L’an dernier, il a remporté 14 spéciales sur 19 en Australie en s’élançant deuxième sur la route derrière Ogier. Cela se présente donc bien."
Mais, il y a un mais… "Je me tracasse un peu car les Toyota vont venir jouer les trouble-fête. Depuis quelques courses, il semble qu’elles aient fait un bond en avant, tandis que la Hyundai et la Ford n’ont plus évolué. La i20 WRC a pris un coup de vieux en quelques mois. Désormais, Ott Tanak est un ton au-dessus. À la régulière, j’imagine bien Thierry devancer Seb Ogier. Mais sera-ce suffisant pour combler le déficit de trois points ?"
Vu qu’en cas d’égalité, le Français serait couronné grâce à son plus grand nombre de victoires (4 à 3), Thierry devra donc marquer 4 unités de plus que son rival. Or il y en a trois de différence entre une 2e et une 3e places ou entre une 3e et une 4e places. "Tout pourrait donc se jouer dans la Power Stage. Les calculettes vont chauffer en fin de course. C’est dommage que Thierry n’ait pas pu jusqu’ici vraiment compter sur ses équipiers."
Et au bout d’un incroyable suspense, on pourrait avoir le premier champion du monde WRC belge. "Ce n’est pas tous les jours que l’on peut vivre cela. J’espère que la presse généraliste va se rendre compte de l’ampleur de l’événement. Même si je crains que non. Je ne dis pas que ce sera une seconde fête nationale s’il est champion dimanche, mais je peux vous assurer que notre ville de Saint-Vith (Thierry et Bruno sont originaires du même endroit) sera trop petite le jour de son retour. Je me souviens avoir déjà été l’accueillir à l’aéroport il y a cinq ans lorsqu’il avait terminé deuxième en Finlande sur la Fiesta. C’était un résultat exceptionnel. On était allé à Zaventem pour le féliciter à son retour. On avait bu des bières et mangé des saucisses. L’ambiance entre supporters était terrible."
Et Bruno Thiry de conclure : "Je rêve de revivre un moment pareil. J’ai confiance en Thierry et Nicolas. Ils peuvent le faire. Ils vont le faire..."
Gaban : "Je vais tchouler ou râler"
Il a en quelque sorte ouvert la voie. Il y a trente ans déjà, Pascal Gaban était sacré champion du monde des rallyes dans la catégorie Production aux commandes de sa Mazda 323 4WD.
"Le plus grand moment de ma carrière", se souvient avec émotion ce garagiste bruxellois de 53 ans. "J’étais en tête du championnat avant la finale du RAC. J’avais quelques points d’avance sur le pilote Lancia, Jorge Recalde. Tout se passait bien en début de course, mais malheureusement je suis volé dehors et je suis resté embourbé. J’ai dû sortir le ballon de secours que l’on gonflait avec l’échappement pour me tirer de ce mauvais pas. Je pensais que tout était perdu. Il fallait remonter. Heureusement, Grégoire de Mevius nous a bien aidés en remportant le Groupe N et j’ai finalement été titré pour deux points. J’ai fondu en larmes à l’arrivée tellement j’étais heureux et stressé."
Trois décennies plus tard, celui que l’on surnommait gentiment ‘mon Chichi’ va suivre le week-end prochain la course pour le titre suprême de Thierry Neuville. "Je crois à 100 % dans le sacre de Thierry même si j’aurais préféré qu’il ouvre la route et soit toujours en tête du championnat. Dans sa situation, s’il abandonne, c’est terminé. Depuis trois ou quatre épreuves, la tension monte. Je suis les chronos intermédiaires sur Internet. Ce n’est pas tous les jours qu’un Belge peut viser un titre mondial. Je suis prêt à passer une nuit blanche samedi si le sacre est toujours en jeu. J’espère sincèrement qu’il va l’avoir car s’il n’est pas champion cette année, j’ai bien peur qu’il ne le sera jamais. Car la Toyota est là et Ogier est retourné chez Citroën. Déjà l’an dernier, il est passé à côté de la montre en or. Cette fois, il ne peut plus le louper."
Et que fera l’ex-champion du monde dimanche sur le coup de 4 h du matin si Thierry et Nico sont couronnés ? "Je vais tchouler; c’est certain."
Et en cas de défaite ? "J’irai me recoucher en râlant."
Loix : "C’est 50/50"
Avec Bruno Thiry et François Duval, Freddy Loix fait partie de nos anciens ambassadeurs en championnat du monde. Successivement pilote d’usine pour Toyota, Mitsubishi et Hyundai, le Limbourgeois a connu une très belle carrière. Sans succès hélas, mais avec quelques très beaux résultats comme cette 2e place au Portugal au volant de sa Celica. "Oui, mais mon meilleur souvenir reste le Sanremo avec la Corolla WRC. Colin McRae et Tommi Makinen se battaient pour la victoire. J’avais perdu du temps mais je signais des scratchs au plus fort de leur bataille."
Aujourd’hui conseillé pour Skoda Belgique, il suit la carrière du jeune Sébastien Bédoret. "Et je prends autant de plaisir à le voir évoluer que lorsque j’étais moi-même derrière le volant."
Toujours autant passionné de rallye, il suivra bien sûr les résultats du rallye d’Australie en direct, la nuit. "C’est magnifique d’avoir un Belge en lice pour le titre lors de la dernière course. C’est déjà une première."
Et son pronostic ? "Pour moi, c’est du cinquante-cinquante. Thierry a l’avantage de la position sur la route le vendredi, mais Sébastien possède trois points d’avance. Je ne pense pas que l’un ou l’autre soit en mesure de s’imposer. Je vois plutôt une Toyota conclure en beauté. Vu le faible écart entre eux, la Power Stage qui n’existait pas à mon époque va avoir une importance capitale."