La disparition des héritiers de Senna
- Publié le 10-11-2017 à 12h13
- Mis à jour le 10-11-2017 à 12h16
Adieux définitifs pour Massa, plus de relève brésilienne à l’horizon... Ce dimanche à Interlagos, pour la deuxième fois en un an, Felipe Massa fera ses adieux, sans doute toujours aussi émouvants, à son public. À 36 ans, ce devrait ce coup-ci être définitif. Dix mois après l’avoir rappelé pour pallier le départ inattendu de Valtteri Bottas (suite à l’opportunité créée par la retraite surprise de Nico Rosberg), Williams a de nouveau remercié l’homme aux 267 GP. On ignore encore qui le remplacera en 2018 aux côtés de son jeune élève Lance Stroll. Mais ce qui est certain, c’est que le Professeur disputera à Abu Dhabi, dans deux semaines, son dernier GP de F1.
Cela signifie qu’après 48 ans de présence continue, il n’y aura plus un seul Brésilien sur la grille de départ en 2018.
Chico Landi fut un pionnier pour son pays en 1951. Les succès du quintuple champion du monde argentin Juan-Manuel Fangio participèrent au développement des pilotes de F1 sud-américains.
Sacré à deux reprises en 1972 et 1974, Emerson Fittipaldi fut le premier héros de la F1 au pays de Pellé. C’est de cette époque que date le premier GP du Brésil, en 1973 à Interlagos. Il sera rebaptisé en 1985 du nom de José Carlos Pace, un pilote de Sao Paulo, disciple de Fittipaldi décédé dans un accident d’avion en 1977.
Avec son grand frère Wilson qui s’essaya également durant quelques saisons à la F1, Emerson créa même une écurie nationale, Copersucar, le nom d’une coopérative sucrière.
Puis vint l’ère Nelson Piquet, champion du monde à trois reprises en 1981, 1983 et 1987. Lui succèdera la plus grande légende du sport auto au Brésil et dans le monde, Ayrton Senna, couronné trois fois lui aussi en 1988, 1990 et 1991 avant de disparaître tragiquement en course le 1er mai 1994 à Imola. Un véritable dieu, surtout après sa mort, qui suscitera des vocations pour toute une génération rêvant de lui ressembler et de lui succéder. En vain.
Dans les années 90 début 2000, la F1 est un sport aussi populaire au Brésil que le football. En 2001 et 2004, on compte non moins de cinq pilotes brésiliens sur les grilles avec Barrichello et Massa mais aussi les sans-grade Bernoldi, Burti, Marquès, Pizzonia, da Matta ou Zonta.
Hormis les trois champions précités, seuls trois Brésiliens ont remporté des GP : un pour Carlos Pace et onze pour Rubens Barrichello, le petit frère de cœur d’Ayrton, et Felipe Massa, son successeur chez Ferrari.
Au total, 30 Brésiliens ont disputé au moins une course en F1 signant un total de 101 victoires, 126 poles et 293 podiums. Mais personne n’a jamais remplacé Ayrton et aujourd’hui, plus de 23 ans après son décès, son héritage a disparu. Les jeunes de la nouvelle génération ne l’ont jamais connu ni vu courir. Le nom Senna, réapparu durant trois saisons grâce à son neveu Bruno, ne les fait plus rêver. Le Brésil est encore plus pauvre, il n’y a pas de grand sponsor local, la mondialisation et la diminution du nombre de monoplaces ont rendu la F1 encore plus inaccessible.
Felipe Massa s’en va et, sans réelle relève, va donc laisser un grand vide en F1 pour toute une nation qui, avec huit titres mondiaux, aura marqué l’histoire de la F1 puisque seules l’Angleterre (17 titres) et l’Allemagne (12) possèdent un plus beau palmarès.
Un troisième Fittipaldi ou Piquet ?
La relève brésilienne n’existe pas vraiment. On attendait beaucoup de Sergio Sette Camara, intégré dans la filière Red Bull et qui eut même l’occasion d’effectuer un test en F1 l’an dernier avec Toro Rosso avant de se faire jeter comme beaucoup d’autres, faute de résultats probants.
Cette saison, on a revu ce jeune de 19 ans, classé 12e du championnat de F2 avec une première victoire lors de la course courte du dimanche à Francorchamps. Pas assez pour déchaîner les passions et faire renaître l’espoir. On peut en dire autant de Bruno Baptista, modeste 19e des GP3 Series à déjà 20 ans.
Grâce à leur patronyme et l’aide de papa ou papy, on voit monter sans trop de succès Pedro Piquet, le demi-petit frère de Nelsinho, 14e pour sa deuxième année en F3 Euroseries à 19 ans lui aussi. Ou encore Enzo Fittipaldi, le petit-fils d’Emerson, 11e de la F4 en Italie (deux places devant son compatriote Felipe Drugovich) et déjà intégré à 16 ans - normal avec un prénom pareil ! - à la Ferrari Driver Academy que rêvent sans doute de rejoindre un jour Eduardo et Fernando Barrichello, les deux jeunes fils de l’ex-équipier de Schumitentant de se faire - difficilement - un prénom en karting. N’est pas Ayrton Senna qui veut…