Fernando Alonso: "Mon objectif n’est plus uniquement de gagner Le Mans"
Le pilote McLaren F1 découvre ce week-end à Francorchamps un monde parallèle. Et il aime cela !
- Publié le 04-05-2018 à 06h55
- Mis à jour le 04-05-2018 à 06h56
Le pilote McLaren F1 découvre ce week-end à Francorchamps un monde parallèle. Et il aime cela ! Ne cherchez pas ailleurs la grande star du WEC et des 24 H du Mans 2018-2019. Ce n’est plus Patrick Dempsey, non, mais bien Fernando Alonso. Moins apprécié des mamans peut-être, mais tout aussi mondialement connu. Un selfie avec Fernando, cela le fait. Et profitez en car, en endurance, le paddock est plus ouvert qu’en F1. Et l’Espagnol devrait être de meilleure humeur ce week-end avec Toyota que fin août avec sa McLaren…
Depuis quelques saisons, les ex-pilotes de F1 sont de plus en plus nombreux en Championnat du monde d’endurance et au Mans. Côté ancien champion, on avait déjà eu Jacques Villeneuve, pas très probant voici quelques années avec Peugeot. On se souvient de la victoire de Nico Hulkenberg dès son coup d’essai dans la Sarthe en 2015 avec Porsche. Et bien sûr du titre mondial de l’ex-vice-champion du monde Mark Webber. Mais avec la participation, pour l’ensemble de la Super Saison, du double champion Fernando Alonso, toujours actif en F1, on entre dans une autre dimension.
Fernando, pourquoi avoir décidé de disputer cette saison en WEC en parallèle des GP F1 ?
"Cela fait des années que je voulais participer aux 24 H du Mans, une des plus grandes courses au monde, très suivie aussi en Espagne. À l’époque où je pilotais pour Ferrari déjà, j’avais été à deux doigts de disputer cette épreuve, mais les dirigeants de la Scuderia de l’époque n’étaient pas très chauds. En 2015, j’ai donné le départ et j’ai pas mal discuté avec Nico (Hulkenberg) . J’ai découvert cette ambiance magique et je me suis dit que je voulais absolument y revenir derrière un volant."
Mais plutôt qu’un simple engagement au Mans, là vous êtes parti pour deux saisons en une avec deux fois les 24 Heures.
"Oui, ce n’était pas prévu à la base. Mon idée était juste Le Mans, comme j’ai disputé les 500 Miles l’an dernier. J’ai testé la Toyota à Bahreïn l’an dernier et cela m’a bien plu. Le problème est que l’usine ne comptait plus aligner de troisième voiture. Et il était difficile de prendre la place d’un pilote disputant tout le championnat juste pour Le Mans. Puis la Super Saison s’est concrétisée. Avec cinq courses en 2018 et trois en 2019, c’était déjà plus jouable. On m’a proposé de faire tout le championnat. C’est ce qui intéressait le plus Toyota et j’ai saisi l’opportunité. Désormais mon objectif n’est plus uniquement de gagner Le Mans. Je veux aussi décrocher le titre en endurance."
Entre maintenant et fin octobre, vous allez être fort occupé…
"C’est clair. Vous ne voyez que les 26 courses, 27 week-ends avec les essais préliminaires du Mans. Mais cela ce n’est rien. À côté, il y a les opérations de marketing, les interviews, les voyages. J’ai composé mon programme moi-même pour être sûr que c’était jouable. Je connais mon emploi du temps quotidien pour les six prochains mois. Je connais tous mes vols. Je sais exactement quel jour je pourrai faire du vélo avec mes amis et quel jour j’irai dire bonjour à la famille. Tout a été planifié à l’heure près. Et je vais devoir respecter le plan. Pas question de dépenser de l’énergie à autre chose. Il faut de la rigueur et de l’organisation sinon ma batterie interne sera plate avant la fin de saison."
"J’adore l’esprit de l’endurance"
Fernando aime partager le volant de sa Toyota LMP1 accélérant plus fort qu’une F1.
L’Espagnol décrypte les différences entre F1 et Endurance.
Que pensez-vous de ces prototypes LMP1 ?
"Il faut s’habituer, c’est tout de même fort différent d’une F1. L’accélération par exemple, avec les quatre roues motrices, est phénoménale. Il y a aussi le fuel cut , le fait de devoir lâcher le pied de l’accélérateur plus tôt lors des freinages pour économiser du carburant. C’est frustrant. D’un côté, la technologie est très sophistiquée, de l’autre, elle est beaucoup plus limitée par le règlement qu’en F1. La philosophie est différente. Mais pour moi, la plus grande différence, ce sont les pneus. En GP, si tu attaques plus que six tours, tu détruis tes gommes. Ici, tu peux rouler à fond d’un bout à l’autre d’un relais de 40 ou 45 minutes et elles restent constantes. Le plus dur pour moi va être de passer de l’un à l’autre. Ici, avec les quatre roues motrices et l’appui aérodynamique, tu peux vraiment entrer très vite dans les virages et rester soudé sur l’accélérateur. Mais il faut avoir confiance dans la technologie. Cela va prendre un peu de temps. Mon challenge est de réduire au maximum ce temps d’adaptation."
Que voyez-vous encore comme autres différences ?
"Le trafic. En WEC, tu n’as pas deux tours identiques. Un tour tu dépasses sept voitures, le suivant trois puis une fois aucune. Tu passes parfois par la droite, par la gauche, il faut plus improviser. Et puis il y a le pilotage de nuit. OK, j’ai déjà roulé de nuit à Singapour ou à Bahrein, mais c’est éclairé comme en plein jour. On ne roule pas à la lueur des phares. Même à Daytona, c’était fort illuminé la nuit. Tandis que j’ai testé dans le simulateur pour le Mans et là il fait vraiment très noir."
Il y a aussi le fait de partager son volant avec des équipiers.
"Oui et c’est plutôt quelque chose qui me plaît. Vous apprenez beaucoup en discutant avec vos équipiers. Franchement, l’ambiance est très bonne entre nous. On a créé un petit groupe Whatsapp et on s’envoie régulièrement des messages. C’est très ouvert, un de mes meilleurs teams sur ce plan-là. J’aime bien cet esprit de l’endurance, l’esprit d’équipe. On peut voyager et manger le soir entre équipiers. Cela n’arrive pas en F1. Mais cela ne pourrait pas fonctionner ainsi en GP. Ce sont deux mondes différents."
Qu’est-ce qui vous a surpris le plus en endurance ?
"La rapidité pour réparer ces autos après un crash. En F1, quand tu as un crash, c’est terminé. Ici, tu fais tout pour ramener l’auto au stand, il la répare en un temps record et elle reprend la piste."
Cela ne va pas vous faire bizarre de voir passer votre voiture derrière le mur et de devoir attendre avant de monter dedans ?
"Non, si vous saviez le temps que j’ai déjà dû attendre ma voiture dans le stand ces trois dernières années…"
On dit que vous voulez égaler la triple couronne de Graham Hill en gagnant Monaco, le Mans et Indianapolis, les trois plus grandes courses du monde. Cela signifie que si vous vous imposez dans la Sarthe cette année ou la suivante vous retournerez à Indy ?
"On n’en est pas encore là. Il faut d’abord que je gagne Le Mans. Mais je sais en effet que j’’aurai encore l’opportunité dans le futur de rouler à Indianapolis et de tenter de m’y imposer."
Vous sentez-vous prêt pour vos grands débuts en WEC ce week-end ?
"Je me sens nettement mieux préparé que je ne l’étais à Indianapolis l’an dernier. J’ai déjà disputé des courses de 24h de kart puis Daytona pour m’habituer à la gestion du trafic, au pilotage de nuit. Cela va aller. J’ai encore des choses à apprendre bien sûr, mais je me sens de plus en plus confortable dans cette auto. Je suis prêt à attaquer Spa et l’Eau rouge à fond."