Championnat 100% féminin : Bien une idée d'hommes...

La nouvelle série exclusivement pour les femmes loin de faire l'unanimité.

La dernière participation d'une femme à un GP de F1 date de 1976. A cette époque, l'Italienne Lella Lombardi, deuxième femme seulement de l'histoire à accéder à la F1, avait réussi l'exploit d'inscrire un demi point dans un GP qui n'était pas allé jusqu'au bout de la distance.

Moins rapides certes que les monoplaces actuelles, les F1 des années 70 étaient de véritables monstres certainement plus difficiles à dompter que les F1 pleines d'aides au pilotage actuelles. Voilà qui répond déjà à la première question que beaucoup se posent. Une représentante de la gent féminine a-t-elle les capacités physiques de piloter une F1 ? Oui bien sûr, comme les femmes peuvent d'ailleurs courir le 100m, le marathon, sauter en hauteur, jouer au football, au basket ou faire une descente à ski.

Dans la plupart des sports, tout le monde trouve normal que filles et garçons ne soient pas directement opposés mais concourent dans des catégories différentes. Cela n'a jamais été le cas dans les sports mécaniques qui ont toujours été mixtes. Pourquoi ? Sans doute à la base car, dès le karting, le nombre de licenciées est trop faible pour prévoir une classe à part. Il n'y a pas une femme pour 1000 garçons courant sur deux ou quatre roues. Voilà sans doute une des principales causes de l'absence de femmes en F1. Le monde des GP réunis les 20 meilleurs pilotes au monde. S'il y avait 5% de pilotes féminines, peut-être que les chances seraient plus grandes que les femmes y arrivent. C'est tout simplement statistique. S'il y avait autant d'hommes que de femmes pratiquant le sport automobile, il y aurait forcément quelques femmes en F1.

Depuis les dernières tentatives (à l'époque il fallait se qualifier parmi les 24 ou 26 meilleurs) de Giovanna Amati chez Brabham début des années 1990, on n'a plus vu de femmes au départ d'une séance de qualifs en F1. Certes, plusieurs ont été nommées « pilotes d'essais ». Mais plus pour des raisons de pur marketing. Cela a été le cas de la regrettée Maria de Villota chez Manor (elle est décédée un an après avoir perdu un oeil dans un stupide accident en essais où elle avait heurté le coffre d'un camion), de Carmen Jorda chez Lotus (elle a été plus prise pour ses atouts physiques que son talent), de Suzie Stoddart (alias Madame Wolff, cela aide) chez Williams ou encore de Tatiana Calderon aujourd'hui chez Sauber. Mais personne n'a jamais réellement envisagé de les faire rouler en GP.

La seule qui aurait pu disputer une saison lors de la dernière décennie est l'Américaine Danica Patrick qui a réussi une très belle carrière aux Etats Unis, en Indy Car et en Nascar, grâce à son talent mais aussi à un look de Top Model. Mais elle a refusé toutes les offres, préférant continuer à gagner des millions aux States plutôt que de risquer de perdre son crédit en F1 où elle savait le niveau plus élevé. Pas question d'aller jouer la potiche sur les grilles de GP.

Depuis qu'elle a décidé de bannir les Grid Girls, la FIA s'est mise en tête de ramener une fille au départ faisant revivre le vieux fantasme de Bernie Ecclestone. Pas vraiment pour l'égalité des sexes mais plutôt un côté glamour. Une femme en F1 cela ferait assurément le buzz.

Il a donc été décidé, pour favoriser l'ascension de jeunes pilotes, de créer la W Series (pour Women) qui se disputera en 2019 sur 6 courses de 30 minutes en Europe avec des F3. Vingt filles seront sélectionnées non pas sur base de leur sponsoring, mais uniquement de leur aptitudes et leur motivation. Dans le jury, on retrouvera... quatre hommes, dont le « play-boy » David Coulthard et son ex-ingénieur à l'époque de Red Bull Adrian Newey. Les vingt meilleures auront le droit de rouler gratuitement et une dotation d'un million et demi de dollars devrait permettre à la championne d'accéder à l'échelon supérieur, soit en F3 internationale, soit en F2.

« L'objectif est d'aider les filles ayant le plus de talent à percer, » indiquent les créateurs de la W Series.

Une initiative loin de faire l'unanimité et faisant l'objet de nombreuses critiques, surtout parmi les femmes pilotes : «On s'est battu pour avoir les mêmes droits que les hommes. C'est revenir quarante ans en arrière, ce n'est pas une évolution positive, » estime Pipa Mann.

« Ce que l'on veut c'est battre les mecs. Je n'ai jamais été intéressée par une Coupe des Dames, terminer première fille, » explique notre compatriote Sarah Bovy, pilote Lamborghini en GT. «En plus, j'ai entendu qu'ils voulaient rendre les monoplaces plus faciles à piloter pour les nanas. Ce n'est pas comme cela qu'ils vont les aider à monter en F1. »

La W Series ne changera rien au problème. Et le manque d'argent n'est pas responsable de l'absence de femme en F1. A talent égal, une fille aura toujours plus de chance de percer qu'un homme. Car elle bénéficie de plus de retombées et donc de plus d'intérêt des sponsors. Le problème n'est donc pas du tout qu'elles ne trouvent pas de financement. La Colombienne Tatiana Calderon est nantie. En plus de son rôle bidon de réserviste chez Sauber, elle dispute le championnat GP3 Series dont elle occupe une modeste 16e position. Voilà le vrai problème. Carmen Jorda écumait les queues de peloton en GP3. La Néerlandaise Betske Visser avait été intégrée dans la filière Red Bull dont elle a vite été évincée car pas assez rapide.

Un autre exemple criant est celui de Marta Garcia. Championne CIK FIA de karting à 15 ans, l'Espagnole a bénéficié d'un incroyable lobbying pour intégrer la filière Renault F1 et a même reçu l'aide de la FIA et de Jean Todt pour accéder l'an dernier à la F4 Espagnole. Tout était financé. Mais alors que son petit copain de l'époque, Christian Lundgaard, a survolé le championnat, elle fut loin d'y briller et est du coup retournée aujourd'hui dans l'anonymat du karting. Pas assez douée, voila tout.

Au final, le seul point positif de cette W Series sera peut-être de susciter des vocations parmi les jeunes spectatrices. Si d'ici quelques années on multipliait par dix ou par cent le nombre de jeunes filles pratiquant le karting ou la monoplace, alors la probabilité d'en voir une accéder au sommet sera plus grande.

En attendant, même si elle est trop jeune pour participer à la première édition de la W Series, la plus grande chance de voir une fille en F1 s'appelle peut-être Juju Noda, fille de l'ex-coureur de F1. Roulant régulièrement en F4 à l'entraînement, elle a déjà eu l'occasion de piloter une F3 à l'âge de... 11 ans ! Le Japon attend depuis quelques années un nouveau pilote en GP. Et pourquoi pas une Japonaise ? La précoce Juju a encore quelques saisons pour confirmer son talent. Et peut-être devenir la première femme en F1 depuis Lombardi il y a presque 43 ans.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...