Rencontre avec Silvio Proto en Grèce: "Avec Onyekuru, Anderlecht serait même déjà champion"

Quel est votre sentiment après votre toute première saison à l’étranger ?

"C’est très paradoxal : personnellement, j’ai fait une très bonne saison, mais, collectivement, on a raté nos objectifs. C’était une année compliquée avec quatre coaches."

Votre président, Evangelos Marinakis, a été très dur avec l’équipe. Il a notamment infligé une amende collective de 400.000€ et a dit il y a quelques jours que ce groupe ne valait pas mieux que le papier toilette du centre d’entraînement…

"Chaque président a son style. C’est sûr qu’il est différent de Roger Vanden Stock (sourire) . Mais Marc Coucke a encore un autre style. Chacun a son approche."

Vous avez payé la fameuse amende ?

"Oui, obligé… C’était la deuxième amende de ma carrière. La première fois, c’était pour un retard. J’avais dû payer… 20€. C’est clairement autre chose cette fois."

Il y a quelques jours, les supporters de l’Olympiacos ont sorti une banderole en disant que tous les Belges du club devaient partir sauf vous.

"Oui, ça fait plaisir de voir le soutien des supporters. Cette saison à l’Olympiacos, c’est l’une des plus belles réussites de ma carrière. Je suis arrivé comme deuxième gardien derrière un international grec. Je lui ai pris sa place et j’ai réalisé une très bonne saison. Tout ça alors que je restais sur des mois difficiles à Ostende et une grave blessure qui pousse beaucoup de footballeurs à la retraite."

En vous voyant débarquer comme doublure en Grèce, on s’était dit que vous étiez presque en pension.

"Je vais être honnête : je l’ai pensé aussi. Puis on m’a lancé lors du match de Ligue des Champions à la Juventus et j’ai sorti une grosse prestation. Trois semaines après, les supporters avaient déjà un chant pour moi. Personnellement, il n’y a que du positif. Mentalement et physiquement, je suis plus fort qu’il y a trois ou quatre ans."

Vous aurez 35 ans dans quelques jours. Comment voyez-vous la suite de votre carrière ?

"J’ai encore une année de contrat ici mais je peux partir gratuitement pour services rendus. J’ai un rendez-vous avec la direction dans dix jours pour discuter de mon avenir. Il est possible que je reste mais je sais qu’il y a de l’intérêt pour moi. Je sais aussi que le budget va être diminué à l’Olympiacos la saison prochaine. Donc, je n’exclus rien. La situation familiale est évidemment la plus importante dans ce choix."

Les autres Belges de l’Olympiacos n’ont pas vécu une aussi belle saison. La plus grosse surprise, c’est Kevin Mirallas qui n’a pas réussi son grand retour au club.

"Kevin sortait d’une saison où il avait eu très peu de temps de jeu à Everton. Il manquait de rythme à son arrivée mais c’est revenu petit à petit. Si la saison avait encore duré trois mois, il aurait cartonné."

"Avec Onyekuru, Anderlecht serait même déjà champion"

Depuis la Grèce, Silvio Proto est un spectateur attentif des playoffs et voit son Sporting émerger dans la course au titre.

Les clichés ont parfois la vie dure : en congé depuis lundi après la fin du championnat grec, Silvio Proto a dû annuler une partie de golf à cause d’un énorme orage sur Athènes. "Et il paraît qu’il fait magnifique en Belgique, c’est fou quand même", rigole-t-il.

Tant mieux pour nous, l’ancien capitaine du RSCA a plus de temps à nous consacrer. Dimanche, il a suivi le Topper sur son ordinateur. "Mais je n’ai eu qu’un streaming tout pourri et je n’ai pas vu les dix dernières minutes. Enfin, cela m’a quand même permis de voir l’essentiel du match."

Comment avez-vous trouvé Anderlecht ?

"C’était un bon match du Sporting. L’équipe était bien organisée avec un super Trebel au milieu."

C’est le meilleur Anderlechtois actuellement ?

"Oui, clairement. S’il y a bien un joueur qu’il ne faut pas laisser partir cet été, c’est lui. Marc Coucke doit tout faire pour le garder. C’était déjà une très bonne idée de l’avoir conservé cet hiver malgré l’intérêt en France."

Et voilà Anderlecht de retour dans la course au titre.

"Je suis supporter d’Anderlecht mais je vais dire quelque chose de manière totalement objective : si Onyekuru avait été présent toute la saison, Anderlecht aurait survolé la saison et serait déjà champion. C’est un superbe attaquant."

Et sans lui, le RSCA est-il capable de sortir vainqueur du sprint final dans ces playoffs ?

"Oui. Il y a de bons joueurs. Markovic est intéressant et Teo marque de nouveau. Ce sont déjà de bons arguments. Et il y a Oli évidemment !"

Le retour en forme de Deschacht après plusieurs semaines passées dans le noyau B vous surprend-il ?

"Pas du tout. Oli a beaucoup d’expérience et toutes les équipes ont besoin d’un gars comme lui. Tu ne deviens pas champion avec vingt vieux mais tu ne seras jamais champion non plus avec vingt gamins."

Il arrive en fin de contrat et…

" (Il nous coupe) Il faut le prolonger d’un an ! Il a montré qu’il avait encore le niveau. Je lui avais téléphoné quand il était dans le noyau B. Il m’avait dit qu’il avait fait une erreur et qu’il acceptait la sanction. Mais il avait aussi ajouté qu’il croyait encore dans un retour. Et il l’a fait. Respect ! Même si le coach n’a besoin de lui que pour cinq matches la saison prochaine, il sortira cinq bons matches."

Comment les Brugeois vont-ils réagir après cette défaite ?

"Cela va être dur pour eux. Les playoffs, c’est avant tout mental. Ils étaient largement devant pendant toute la saison, profitant notamment de la Coupe d’Europe qui faisait perdre des points aux autres. Et puis quand Anderlecht gagne à Bruges, il est champion (sourire) ."

Référence à la saison 2013-2014 quand Anderlecht revient de loin sous les ordres de Besnik Hasi.

"Oui, il y a pas mal de similitudes entre ces deux saisons. C’est évidemment le cœur de supporter qui parle mais je vois Anderlecht remporter le titre cette année."

Pour être champion, on dit souvent qu’un bon gardien est nécessaire. N’est-ce pas le souci à Bruges quand on voit la prestation de Gabulov dimanche ?

"Je ne vais pas tirer sur Gabulov. Une erreur, cela arrive. C’est peut-être la direction brugeoise qui est fautive dans l’histoire. Quand tu décides en début de saison de faire confiance à un jeune gardien comme Horvath, il faut accepter quelques erreurs et le soutenir. Là, il a été remplacé par un autre gardien puis encore par un autre. Et, pas de chance pour Bruges, Vermeer s’est blessé alors qu’il commençait à faire de bons matches."

Anderlecht va mieux, Bruges est dans le doute mais il y a aussi un troisième larron dans cette course au titre : le Standard qui vient de sortir un 16/21 en playoffs.

"Oui, c’est impressionnant. J’ai suivi plusieurs matches du Standard depuis que Mehdi (Carcela) est arrivé. Ce n’est pas la même équipe avec lui."

En Belgique, tout le monde se demande pourquoi un si bon joueur a échoué à l’Olympiacos.

"Chez nous, Mehdi ne se sentait pas bien. Il n’avait pas de bonnes relations avec les entraîneurs. Mehdi a besoin de recevoir de la confiance pour être performant. On l’oublie trop souvent mais le foot, c’est à 80 % dans la tête que ça se joue. Un Mehdi en pleine possession de ses moyens aurait évidemment réussi à l’Olympiacos, même si le championnat grec est un peu plus fort que le championnat belge."

Vraiment ?

"Je pense. Si l’AEK Athènes, le PAOK Salonique ou l’Olympiacos avaient joué en Belgique cette saison, ils auraient été champions. Même l’Atromitos aurait pu embêter les meilleurs cette saison."

"Il faudrait mettre 4 VAR"

Proto est un fervent supporter de l’arbitrage vidéo mais propose un changement dans la manière de procéder.

Le VAR est loin de faire l’unanimité chez nous mais Silvio Proto a beaucoup apprécié les interventions de l’arbitrage vidéo dans le Topper de dimanche.

"Et je ne dis pas ça parce que cela a plutôt aidé Anderlecht", précise-t-il. "À long terme, je suis certain que le VAR deviendra la meilleure invention de l’histoire du football. Cela stoppera toutes les tricheries qui polluent ce sport. Si le VAR existait en Grèce, l’Olympiacos aurait été champion avec 10 points d’avance. On a eu plein de décisions contre nous des arbitres cette saison."

Mais il y a quand même encore des erreurs d’arbitrage avec le VAR.

"Je me demande comment on peut encore se tromper avec le VAR."

C’est souvent une question de zone grise dans le règlement.

"J’ai eu une idée pour cela : tu ne mets pas un mais quatre VAR autour d’un match. Quatre arbitres qui regardent chacun sur leur écran. Sur une phase litigieuse, s’il n’y a pas une majorité d’avis dans un sens, l’arbitre de terrain reste sur sa décision. Si trois ou quatre arbitres vidéo sont d’accord, alors l’arbitre doit les écouter. Et une autre modification : mettre de vrais beaux écrans aux arbitres. Là, t’as l’impression qu’ils regardent la phase sur leur smartphone…"

Et les longs arrêts de jeu avec le VAR ne vous dérangent pas ?

"Non, je trouve que cela apporte un superbe suspense. Tu as tout le stade qui attend la décision de l’arbitre, c’est top, je trouve. Il faudrait par contre enclencher clairement un chrono pour pouvoir rajouter le temps exact dans les arrêts de jeu. J’adore la NFL et toutes les décisions litigieuses sont analysées par la vidéo."

Bart Verhaeghe, président du Club Bruges et vice-président de l’Union belge, a tout de même sévèrement critiqué le VAR.

"Il a dit ça parce qu’il était très déçu et je suis convaincu qu’il va s’excuser pour ses déclarations. Il faudrait un peu plus de respect pour les arbitres."