Quand les coaches étaient joueurs (3/8) : Yves Vanderhaeghe, L’homme qui a failli ne jouer que 8 minutes en D1
Yves Vanderhaeghe (46 ans) a marqué l’histoire du football belge en tant que joueur. La preuve au travers des anecdotes qui racontent le parcours atypique de l’actuel coach d’Ostende.
- Publié le 30-03-2017 à 10h35
- Mis à jour le 30-03-2017 à 10h43
Yves Vanderhaeghe (46 ans) a marqué l’histoire du football belge en tant que joueur. La preuve au travers des anecdotes qui racontent le parcours atypique de l’actuel coach d’Ostende.
"Avec son kodak lors du 0-3 à Sclessin"
Il est parti après deux saisons, sans contrat pro.
Vanderhaeghe a 17 ans quand il joue son premier match en D1, au Cercle Bruges. À ce moment-là, il appartient au FC Roulers, club de D3 qui deviendra le Club Roulers (P2) en 2000.
Lors de sa première saison à Bruges, Vanderhaeghe a Georges Leekens comme coach. Yves, qui figure parmi les juniors UEFA, ne joue pas la moindre minute en équipe A. Pourtant, Leekens l’adorera tant à Mouscron qu’en équipe nationale.
La saison suivante, le nouveau coach du Cercle, Roland Rotty, le fait monter au jeu en équipe première, au Standard. Il joue 8 minutes - il remplace un certain Jerolimov - et le Cercle gagne 0-3. Pourtant, le Standard avait l’équipe suivante : Bodart, Luyckx, Aussems, Renquin, Wintacq, Delangre, Hellers, Bojovic, Vandersmissen, M’Buyu et Czerniatynski. Les meilleurs joueurs du Cercle étaient Feys, Kooiman, Kalusha, Sanders et Geert Broeckaert, qui deviendra coach à Mouscron et Mons.
"Ce que je n’oublierai jamais, c’est que Vanderhaeghe avait pris son kodak à Sclessin pour immortaliser ce moment unique dans sa carrière", dit Broeckaert. "On parle de 1987, quand les GSM et les appareils digitaux n’existaient pas encore. C’était donc un fameux appareil. Non, on ne s’est pas vraiment moqué de lui. Il était tout fier de pouvoir jouer avec les grands, on ne voulait pas gâcher son moment de gloire. On aurait dit un petit qui faisait sa communion."
La montée au jeu de VDH ne doit pas avoir été très convaincante puisqu’il retourne à Roulers à la fin de la saison. "Le Cercle ne croyait pas en ses jeunes", dit Yves Vanderhaeghe à ce sujet. "Je pouvais bel et bien rester, mais je ne recevais pas de contrat pro. Et mon père voulait absolument que je poursuive mes études de professeur d’éducation physique."
"Mon avis de décès est paru dans le journal"
À 18 ans, le speaker de son club a annoncé sa mort, mais il s’en est sorti.
De retour au FC Roulers, Yves Vanderhaeghe vit l’événement le plus effrayant de sa carrière : une méningite qui a failli lui coûter la vie. Voici le récit qu’il a déjà fait quelques fois.
"Au mois de juillet 1988, je ne me sentais déjà pas bien. J’avais des maux de tête. Après un match amical à Torhout, mon père s’inquiétait vraiment pour moi. Je perdais l’équilibre, je tirais parfois à côté du ballon, je sentais des coups de marteau dans le crâne, je zigzaguais parfois sur le terrain. Je ne savais même plus appuyer sur les touches d’un téléphone. ‘Une otite’, était le premier diagnostic du docteur. ‘À cause du stress, parce que tu dois regagner ta place à Roulers."
Mi-août, Vanderhaeghe n’en peut plus. Sa vue et son énergie disparaissent, les médecins sont confrontés à un mystère. "Deux semaines à l’hôpital de Roulers n’ont pas suffi pour trouver la solution. À Louvain, un scanner montrait une petite tâche noire sur mon tronc cérébral. Les chirurgiens pensaient que c’était une tumeur, mais elle se situait à un endroit où je ne pouvais pas être opéré. Puis, j’ai subi six ponctions très douloureuses de moelle osseuse, mais personne ne savait exactement ce que j’avais. En trois semaines, j’avais perdu 15 kg et je ne pouvais plus bouger. J’avais les pires cauchemars. Parfois, je me réveillais en pensant que mes parents m’avaient balancé du 50e étage."
Les parents de Vanderhaeghe s’apprêtent au pire. "Quand l’un tenait la garde à mon lit d’hôpital, l’autre allait prier à l’église ou faisait un pèlerinage alors qu’ils n’avaient jamais été des chrétiens pratiquants. Ma tante organisait tous les jours une messe dans son village, spécialement pour moi."
"Moi, j’entendais tout, mais je ne parlais plus. Je ne pensais pas à la mort. Mon seul souci, c’est que je ne jouerais plus au foot. J’écrivais sur une ardoise : ‘Je pourrai encore jouer au foot ?’ Vu que les médecins ne savaient pas me garantir que je pourrais rejouer au foot, je suis devenu agressif. J’ai arraché tous les câbles et les tuyaux auxquels j’étais attaché. Oui, j’ai songé à mettre fin à mes jours. À un certain moment, les médecins ont dit à mes parents que j’avais… 5 % de chances de survie."
En octobre, Vanderhaeghe perd conscience. Il est dans le coma et cliniquement mort. La nouvelle atteint Roulers et est quelque peu déformée. Dans le stade du FC Roulers, le speaker annonce le décès du jeune Yves Vanderhaeghe. Le lendemain, le journal Het Volk reprend l’information erronée. "J’ai mon avis de décès dans un tiroir à la maison", sourit Vanderhaeghe."Trois jours plus tard, Het Volk a publié un rectificatif."
Finalement, le mystère se résout. Vanderhaeghe souffre d’une méningite et doit prendre d’énormes doses de cortisone, qui le sauvent. Après avoir passé cinq mois à l’hôpital, il entame sa rééducation à partir du mois de novembre. En décembre il rejoue déjà. "J’entendais des gens chuchoter : ‘Ça, c’est le mort."
Finalement, il reste encore trois ans et demi à Roulers, dont une saison en Promotion (l’ancienne D).
Deux passages à Mouscron et… Diable
Vanderhaeghe a joué quatre saisons à Mouscron. D’abord, sous André Van Maldeghem en D2, puis, sous Georges Leekens, avec lequel il termine deux fois dans le Top 5. C’est à l’Excel qu’il est devenu le récupérateur aux trois poumons que tout le monde a connu par la suite. En 1993-1994, il inscrit même huit buts.
En 2000, il est élu Homme de la Saison à l’Excel et il devient Diable Rouge à 29 ans. En match amical contre l’Italie, il réalise le match parfait. Et, entre-temps, il botte et transforme les pénaltys à Mouscron. Les rumeurs de transfert se succèdent, mais Yves Vanderhaeghe les relativise. "Moi, je veux bien rester à Mouscron."
Buteur à l’AS Rome avec Totti
De retour en D1, il apprend à gagner, mais aussi à faire la fête.
En 1994, Vanderhaeghe déménage à l’Eendracht Alost avec Jan Ceulemans comme entraîneur. "On venait de monter en D1 via le tour final et Mouscron avait loupé de justesse la montée", se souvient le Caje. "Yves voulait absolument jouer en D1 et a signé chez nous. On avait une bonne équipe, avec De Bilde comme buteur."
Vanderhaeghe s’amuse comme un fou dans la ville du carnaval. Ceulemans : "Il était le premier à bosser quand il le fallait, mais il aimait bien faire la fête, comme tout le monde à Alost. De toute façon, même ceux qui ne voulaient pas fêter, n’avaient pas le choix : la direction les obligeait à boire des chopes."
Le plus grand moment de l’histoire de l’Eendracht est le double match européen contre l’AS Rome. Le 4-0 à Rome ne gâche pas la fête. C’est dans ce match-là que Totti marque son premier but européen.
Tout comme Vanderhaeghe, qui dévie un ballon… dans son propre but.
Koen De Vleesschouwer, meilleur ami de Vanderhaeghe, se souvient d’une belle anecdote. "J’avais reçu de nouvelles chaussures de foot pour ce match. Mais j’avais incroyablement mal aux pieds. Quand j’en ai parlé à Yves, il a enlevé les siennes et me les a données. Et lui, il a poursuivi le match avec les miennes. On avait environ la même pointure. Mais est-ce que vous vous rendez compte de notre amateurisme ?"
"Stoica devait le freiner"
Il est resté cinq saisons et demie au RSCA et a terminé sa carrière au KSV Roulers.
En 2000, Anderlecht achète Vanderhaeghe de Mouscron. Son prix : 1,85 millions.
Il est déjà Diable Rouge et quelques clubs étrangers - dont Tottenham - l’avaient dans le viseur. Il était en balance avec Besnik Hasi, le médian défensif de Genk. Finalement, Constant Vanden Stock décide de les prendre tous les deux.
Vanderhaeghe participe à tous les matchs de la fameuse campagne de Ligue des Champions 2000-2001 et ne loupe pas une minute de la Coupe du Monde au Japon.
Walter Baseggio jouait avec Vanderhaeghe dans l’entrejeu au Sporting. "C’était un plaisir, parce qu’il faisait le sale travail", dit Baseggio. "Qu’est-ce qu’il récupérait des ballons ! À l’entraînement, il voulait aussi tout gagner. Et donc, il taclait comme en match. Surtout Stoica lui lançait souvent (Il imite le Français du Roumain) : ‘Yves, tu vas te calmer ? Fais gaffe à mes chevilles !"
Vanderhaeghe reste cinq saisons et demie au Sporting et termine sa carrière à 38 ans à l’autre Roulers, le KSV.