Preud’homme: "Nainggolan ? Je comprends Martinez"
De passage en Belgique, Michel Preud’homme se confie sur sa nouvelle vie, les Diables, le football belge… Entretien.
- Publié le 07-10-2017 à 08h04
- Mis à jour le 07-10-2017 à 08h06
De passage en Belgique, Michel Preud’homme se confie sur sa nouvelle vie, les Diables, le football belge… Entretien. Michel Preud’homme est de retour en Belgique. Vendredi, il était à Nivelles pour voir son fils, Guilian, prendre part à un tournoi de golf. Ce samedi, il sera devant sa télévision, à Knokke, pour regarder Bosnie-Belgique. Dans l’intervalle, MPH, qui est volontairement sans club actuellement, a accordé un entretien exclusif à Het Nieuwsblad.
Que faites-vous de vos journées désormais ?
"J’ai enfin l’occasion de faire des choses que je ne pouvais pas faire avant, par manque de temps. Je suis allé rendre visite à ma fille aux Pays-Bas, je suis maintenant venu voir mon fils à un tournoi de golf. J’ai invité ma maman à passer une semaine ici et on s’est promené dans Bordeaux. Des choses que je n’avais jamais faites. J’ai même pu travailler dans le jardin et passer les volets au kärcher. Le genre d’activités qui te prennent directement une demi-journée et qui ne sont pas faisables quand tu es entraîneur…"
Personne ne s’attendait à ce que vous teniez aussi longtemps sans football. Vous êtes-vous étonné vous-même ?
"Non. Pourquoi redevenir entraîneur après trois mois ? Dans ce cas-là, c’était autant continuer à Bruges. Mais j’étais vraiment trop fatigué. Et je le suis toujours. Parfois, je me sens de nouveau en top forme, mais à d’autres moments, je ressens de nouveau la fatigue de toutes ces années. Je travaille depuis que j’ai 18 ans. J’ai toujours été occupé. Comme gardien, comme entraîneur. À l’étranger, beaucoup ne savent pas que j’ai arrêté parce que j’étais fatigué. Je reçois encore beaucoup d’offres. Ou des appels et des mails de gens qui veulent me parler de différentes fonctions dans le football. Même pour devenir manager. Cela arrive au moins une fois par semaine. Je parle avec ces gens, du moins la plupart. Ils viennent du monde entier : d’Europe, du Moyen-Orient, surtout d’Arabie saoudite. Beaucoup de personnes veulent connaître mes idées sur le foot."
Nous aussi. Que pensez-vous de l’arrivée d’Hein Vanhaezebrouck à Anderlecht ?
"On ne peut pas dire que ce soit une surprise. Mais c’est surprenant de voir qu’il quitte une équipe en difficulté pour aller un cran plus haut. C’est pareil pour Yves Vanderhaeghe à Gand. C’est paradoxal mais je peux comprendre : ils ont gagné du crédit."
Anderlecht vous a contacté ? Aurait-ce été envisageable pour vous ?
"Non, je n’ai pas été contacté. Et non, je ne pense pas que je puisse un jour entraîner Anderlecht. Nous nous respectons mais je pense que nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre. Après le Standard, Gand et Bruges, entraîner Anderlecht serait très compliqué. D’ailleurs, je suis encore sous contrat à Bruges. Pour deux ans. Ils ne me paient pas car j’avais une clause qui me permettait d’arrêter quand je voulais. Mais si je devais recommencer à entraîner quelque part, le club ou le pays devrait négocier avec Bruges. Il y a une clause de départ à payer."
Tout le monde vous voit à la tête des Diables l’année prochaine.
"Ah oui ? Il n’y a jamais eu de discussions. Tant de choses peuvent arriver. Par exemple : vais-je redevenir entraîneur un jour ? J’ai 58 ans. Je me sens bien. Je peux peut-être revenir dans le foot mais pas comme entraîneur. Ces autres fonctions dans le foot dont on me parle sont aussi intéressantes."
Sérieusement : qu’est-ce qui pourrait vous empêcher de devenir sélectionneur des Diables ? Vous êtes belge et vous faites l’unanimité. Et il y a cette génération en or en plus.
"Je fais parfois des choix surprenants. J’ai été champion avec le Standard et je suis parti à Gand. La logique des autres n’est pas toujours la même que la mienne. Peut-être que dans trois mois j’aurai l’opportunité de faire quelque chose dont j’ai vraiment envie. Je fonctionne au feeling, je ne calcule pas. Je suis structuré dans mon travail mais quand je dois en changer, je suis beaucoup moins rationnel. Et puis, la fédération va-t-elle seulement me solliciter ? Martinez va-t-il rester ? Serai-je libre le moment venu ? Je n’ai aucune réponse à ces questions."
Vous n’avez pas encore envie de revenir. Cela viendra peut-être en février. Il ne restera que quelques mois à attendre avant de devenir sélectionneur…
"Vous n’êtes pas le seul à dire cela. Ils croient tous que j’ai pris une année sabbatique pour débarquer ensuite en équipe nationale. On dirait que je suis le seul à ne pas encore en être convaincu. Il se pourrait que j’occupe une autre fonction dans le foot, qui me permettrait d’encore profiter de temps en temps de ma nouvelle vie."
C’est le cas quand on est sélectionneur.
"C’est vrai. Je peux aussi tout simplement arrêter définitivement. Mais personne n’y croit."
Votre avis sur l’affaire Nainggolan ?
"Je vois cela de l’extérieur. Pour moi, la discipline est primordiale. En tant qu’entraîneur, tu fixes les règles et tu les expliques. Quand tu es nouveau, tu ne sanctionnes pas directement le premier écart. Tu réexpliques. Mais si tu vois qu’on continue à jouer avec tes pieds et qu’on te manque de respect, tu n’as pas d’autre choix que de sévir."
Mais le sélectionneur dit justement que cela n’a rien à voir avec la discipline, que c’est un choix sportif.
"Premièrement, l’équipe nationale ne dépend pas de Nainggolan. Il y a d’autres joueurs, plus importants. Si Nainggolan n’était pas dans une génération si brillante ou s’il était le meilleur joueur belge, le sélectionneur le prendrait. Il n’y a pas un coach sur terre qui affaiblit volontairement son équipe. Mais la situation est différente : Nainggolan est un bon joueur mais il y a aussi Witsel, Fellaini, De Bruyne, Tielemans, Dendoncker… qui peuvent aussi jouer à cette place. Quand tu as deux, trois joueurs de même qualité pour un poste, tu choisis ceux qui sont les plus disciplinés. C’est humain. Tielemans respecte les règles et est aussi très fort. Je vois cela de l’extérieur, mais je peux m’imaginer le raisonnement de Martinez et je le comprends."
Les Diables sont-ils sur la bonne voie ?
"Je trouve que oui. Sans avoir l’occasion de souvent s’entraîner, ils ont réussi à changer de système. Du 4-3-3 au 3-4-3. Cela démontre que ce groupe est intelligent. D’expérience, je sais que certains joueurs comprennent directement mais que d’autres ont besoin qu’on leur explique plusieurs fois. Ici, le groupe évolue bien. L’entraîneur rend les choses simples et la qualité des joueurs est là. La seule chose qui me manque à certains moments, c’est la grinta . Il y a énormément d’ingrédients dans cette équipe, mais à la Coupe du Monde, ce petit plus sera nécessaire."
"On a créé un ADN brugeois"
MPH trouve que trop de clubs s’adaptent à leur coach : "Cela doit être l’inverse".
Michel Preud’homme le dit : il est toujours sous contrat à Bruges. Et donc, forcément, il suit encore ses Blauw en Zwart.
"Le noyau n’a pas tellement changé. Izquierdo est parti mais il a été remplacé par Dennis. Le système a changé, ils jouent maintenant à trois derrière et avec deux attaquants, mais l’animation est restée. Vous savez pourquoi ? Parce qu’il y a maintenant un ADN Club Bruges . Bart Verhaeghe et Vincent Mannaert ont instauré une culture de club avant mon arrivée et je l’ai développée pour y apporter les dernières touches. Dans l’organisation du club et dans le jeu. Leko poursuit le travail. Il y aura toujours des touches de l’entraîneur, mais l’ADN est important."
MPH ne voit que trois clubs belges avec leur ADN propre.
"Bruges, Charleroi et Zulte Waregem sont les seuls qui ont une vraie culture de club. C’est pour cela qu’ils sont en avance sur les autres. Charleroi est une équipe qui est très physique et qui a une mentalité exceptionnelle. Il faut aussi tenir compte de Zulte Waregem avec sa politique de joueurs prêtés. Dans ces trois équipes, c’est Bruges qui a les plus grands moyens financiers et qui est donc devant."
Anderlecht, lui, a changé de style-maison durant la période Weiler.
"C’est arrivé suite aux deux années sans titre et à l’obligation d’être champion la saison dernière. Beaucoup de clubs ont la philosophie de leur coach alors que cela devrait être l’inverse : les entraîneurs doivent s’adapter au style du club."