Pourquoi Messi a failli
La déroute argentine apparaît forcément comme celle de son prodige. Analyse.
- Publié le 22-06-2018 à 19h21
La déroute argentine apparaît forcément comme celle de son prodige. Analyse. Jorge Sampaoli a beau avoir répété encore et encore "Je suis responsable" face à une presse argentine qui ne s’est pas privée de l’allumer, les regards convergent inexorablement sur Lionel Messi. Avec ce malentendu perpétuel : comment un joueur aussi brillant en club peut-il s’éteindre à ce point en sélection ? Le technicien a au moins le mérite de ne pas se défausser : "Je n’ai pas composé mon équipe de la bonne manière", a-t-il avoué, précisant ensuite : "La réalité de l’équipe argentine assombrit l’éclat de Messi. Il est limité car l’équipe ne prend pas forme avec lui comme elle le devrait."
Avec ses 13 compositions en autant de rencontres, Sampaoli a diffusé l’impression de jouer les apprentis sorciers sans jamais trouver la formule magique. Mais existe-t-elle justement ? Poser la question convient en partie à y répondre…
"Messi est un joueur incroyable mais il ne peut pas tout faire seul", l’a défendu Luka Modric. "Dans le football, vous devez avoir de l’aide." Sur ce point précis d’un collectif invisible, Cesc Fabregas, intime du crack, a vu en l’Argentine "une équipe détruite où les joueurs ne jouent pas pour l’autre mais contre l’autre".
"C’est difficile pour Messi", a souligné l’Espagnol sur la BBC. "Il y a un manque de qualités derrière lui, Ever Banega ou Giovani Lo Celso lui manquent. Il a besoin de quelqu’un qui l’aide à construire. Vous voulez que votre meilleur joueur touche le plus de ballons possible."
Ce qui a été tout le contraire contre la Croatie. À l’autopsie, les statistiques sont cruelles. Les chiffres confirment l’impression visuelle de dépit, ce sentiment "de résignation" pointé dans nos colonnes par Thomas Chatelle.
Avec 49 ballons touchés dont seulement deux dans la surface (contre 116 contre l’Islande), Messi a battu un record négatif en la matière dans son historique en Coupe du Monde. Ses 17 petits sprints et sa pointe de vitesse à 25 km/h renforcent un peu plus le trait pour l’attaquant qui a tiré 12 fois au but sans marquer, sachant que personne n’a fait pire durant le tournoi…
Cette nouvelle sortie manquée nourrit ce débat où la prise de position de Diego Simeone n’a pas fini de faire du bruit.
Dans un message audio destiné à son adjoint German Burgos mais qui a fuité sur Internet, l’entraîneur de l’Atlético Diego Simeone a lancé : "Messi est très bon mais il est très bon parce qu’il est entouré (au Barça) de joueurs extraordinaires. Mais si tu dois choisir entre Messi et Ronaldo pour une équipe normale, tu prends qui ?"
Derrière le sous-entendu se pose la question de la suite pour le joueur aux 64 buts en 126 sélections. "Je suis juste désolé pour lui, c’était sa dernière chance de gagner quelque chose aec l’Argentine et je ne serais pas surpris de le voir prendre sa retraite internationale. Il va être très déçu et le Qatar, ce n’est que dans 4 ans", a soupiré Pablo Zabaleta dans les médias anglais. Déjà très touché après son penalty manqué contre l’Islande au point d’avoir passé le lendemain du match l’essentiel de sa journée cloîtré dans sa chambre du complexe de Bronnitsy quand ses partenaires profitaient de la visite de leurs proches pour la fête des Pères (que lui avait fêté en mars en Espagne), le crack a pour l’instant garder le silence.
La veille du match face à la Croatie, un enregistrement audio de sa mère réalisé en amont avait dévoilé son rapport à la sélection. "Quand on disait qu’il n’était pas sensible à la sélection, c’est faux", y expliquait-elle. "On l’a vu souffrir, on l’a vu pleurer." Et l’Argentine n’a pas fini de sécher ses larmes. De déception et de rage.