Pourquoi le synthétique de Saint-Trond fait-il si mal aux clubs de D1A ?
Plusieurs paramètres expliquent la bonne tenue des Canaris à domicile.
- Publié le 07-12-2018 à 06h27
- Mis à jour le 07-12-2018 à 11h10
Plusieurs paramètres expliquent la bonne tenue des Canaris à domicile. Quelle est l’équipe ayant pris le plus grand pourcentage de ses points à domicile sur les trois dernières saisons de Jupiler Pro League ? Quelle est la seule formation invaincue sur ses terres depuis l’entame de cette saison ? Si vous avez répondu Saint-Trond à ces deux questions, bravo !
La dernière défaite des Trudonnaires à domicile, hors matchs amicaux, remonte au 21 avril, face aux Eupenois, en PO2 ! Pointant actuellement à la 5e place, les Trudonnaires, guidés par l’excellent travail d’un Marc Brys arrivé au début de cette campagne, bénéficient malgré tout d’un petit avantage lorsqu’ils évoluent à domicile : leur terrain synthétique.
Cela joue sans aucun doute, sans vouloir remettre en cause le talent d’une équipe ayant tout de même forcé quelques beaux résultats à l’extérieur (nul à Anderlecht et à Genk et victoire à Gand). C’est en 2011 que le STVV a opté, sous Roland Duchâtelet, pour une surface synthétique.
Aujourd’hui, bien que remplacée en 2016, l’aire de jeu limbourgeoise n’est plus très fringante ni très fraîche. On pourrait même aller jusqu’à dire qu’elle devient obsolète. Car si la durée de vie d’un synthétique devant servir à l’utilisation d’un club de foot professionnel tourne allègrement autour de la décennie, celle-ci se réduit considérablement en fonction de certains éléments. C’est le cas en Hesbaye !
En plus des millions de coups de crampons, la surface a déjà subi quelques graves traumatismes, notamment en février 2017, lorsque les supporters genkois avaient incendié un gros carré de synthétique à l’aide de fumigènes, entraînant un remplacement partiel du tapis. Il y a aussi la météo venteuse du Limbourg qui balaie sans cesse un Stayen ouvert aux quatre coins. Bien plus qu’une anecdote pouvant faire sourire dans ce cas car la météo joue ici un rôle prépondérant dans la dispersion aléatoire des milliards de petites billes en caoutchouc disposées sur le terrain et qui aident, normalement, les joueurs à garder un meilleur équilibre.
La répétition des matchs, et pas uniquement ceux de l’équipe A, empêche souvent les employés du stade de mettre en place la machine censée corriger cette répartition inégale. Avec pour conséquence des impressions de taches sur le terrain, comme contre Zulte ou Bruges, simple résultante d’une plus grosse concentration de ces petites billes.
Les matchs de jeunes et de l’équipe première, quelques écarts de supporters et la météo font donc déjà très mal à cette pelouse… qui accueille en plus, occasionnellement, des événements en tout genre. La société Stayen, à laquelle le STVV loue le stade pour ses rencontres, met en effet les infrastructures à disposition de quiconque souhaiterait organiser une soirée, un congrès ou un team-building. "Soyez créatif et utilisez le terrain, les tribunes et les espaces du stade pour créer un événement mémorable", peut-on ainsi lire sur le site internet.
Il est même envisageable de louer le terrain une heure ou deux pour un entraînement ou un match amical entre potes ! On comprend mieux, dès lors, l’état de ce terrain… Notons quand même que le club trudonnaire autorise chaque équipe devant défier les Canaris à venir s’entraîner sur ce terrain le vendredi précédant le match. Ce sera le cas des Standardmen, qui prendront donc la direction du Stayen, ce vendredi après-midi.
Alex Teklak est contre les terrains synthétiques:La nature du foot change"
Alex Teklak, notre consultant, évoque les différences entre une surface naturelle et synthétique.
S’il n’a jamais évolué sur la pelouse synthétique du Stayen, notre consultant, Alex Teklak, n’envie pas les pensionnaires de Pro League. "Je n’aimais pas ce genre de surface, comme la majorité des joueurs à mon époque. Aujourd’hui encore, si vous posez la question aux jeunes, ils diront qu’ils préfèrent une surface en herbe", précise-t-il.
Alors que la plupart des centres de formation en sont désormais pourvus, l’ancien professionnel n’est donc pas favorable à la pratique du foot sur terrain synthétique. "Cela change fondamentalement la nature du foot", fait remarquer Alex Teklak. "Je ne dirais pas que c’est un autre sport sur synthétique mais, par exemple, on y développe moins de puissance. Avec les jeunes qui alternent entre pelouse naturelle et synthétique, on reconnaît vite ceux à qui cela correspond."
Techniquement, tout change sur un terrain synthétique. "L’appréhension du rebond y est différente. La préparation du contrôle n’est également pas la même. Sur synthétique, on ne se préoccupe que de la trajectoire. Ensuite, quand on repasse à une surface naturelle, il faut s’y adapter de nouveau."
Enfin, Alex Teklak évoque l’aspect des blessures. "On en parle peu mais je suis persuadé que les synthétiques ont un impact sur les blessures. À terme, ce n’est pas bon pour les articulations, les tendons et le dos. Faites l’expérience : jouer sur un terrain en herbe et ensuite, sur une surface synthétique. Vous sentirez la différence le lendemain."
Hamdi Harbaoui est contre les terrains synthétiques: "On dirait du béton"
Hamdi Harbaoui ne le cache pas, il n’est pas fan du terrain synthétique des Trudonnaires.
Zulte Waregem est l’une des dernières victimes des Trudonnaires. Voici quelques semaines, Hamdi Harbaoui et ses équipiers s’inclinaient 2-1 dans le Limbourg. "Je comprends tout à fait ces critiques envers le terrain de Saint-Trond", nous précise l’avant-centre. "Moi-même je n’aime pas jouer là-bas. Le terrain est dur, on a peur de tomber, de tackler ou même, pour certains, de placer une accélération car on perd facilement ses appuis. J’ai joué là-bas à plusieurs reprises, avec différentes équipes, et je peux vous assurer que je n’ai jamais entendu quelqu’un dire qu’il aimait jouer là-dessus. On a tous disputé des rencontres sur du synthétique dans notre vie. Mais pas comme ça… On dirait du béton ! Après un match à Saint-Trond, tu te retrouves souvent avec des coupures, des petites brûlures, des douleurs aux articulations…"
Selon Hamdi Harbaoui, le raccourci entre les résultats et la surface de jeu est rapidement fait. "C’est regrettable pour les joueurs car ils forment une belle petite équipe, la preuve avec les résultats récents, mais beaucoup d’observateurs ou supporters utilisent le raccourci du terrain pour expliquer leur classement, ce qui n’est pas uniquement le cas."
Selim Amallah est pour les terrains synthétiques: "Les joueurs techniques sont avantagés"
Joueur créatif qu’on ne présente plus dans notre championnat, le Mouscronnois Selim Amallah ne s’en cache pas : le synthétique, il aime ça. "Personnellement, j’aime bien jouer sur un synthétique. Les joueurs plus techniques sont toujours avantagés sur une telle surface. J’ai beaucoup joué sur des terrains synthétiques chez les jeunes à Tubize. Tu peux plus facilement effacer un adversaire, tes contrôles sont plus assurés." Selim Amallah ne voit pas véritablement de problème à Saint-Trond. "Le synthétique de Saint-Trond est assez particulier. On peut jouer en vissé dessus. Par contre, je n’ai pas trop remarqué qu’il était aussi abîmé qu’on le dit. Évidemment, il y a un risque de blessure car les appuis sont différents. Mais moi, cela ne me fait pas peur car, comme je l’ai dit, j’ai eu l’habitude. Par contre, Saint-Trond est clairement avantagé. Nous, on joue une vingtaine de matchs sur herbe avant d’aller jouer sur leur synthétique. Je sais que certains joueurs peuvent être chamboulés par ce changement."