Opération Mains Propres: le foot belge entre hypocrisie et repentance
Quelles conséquences aura vraiment le scandale de fraude et de matches truqués ? Malgré les belles promesses, de nombreuses questions demeurent. Analyse
- Publié le 15-10-2018 à 07h14
- Mis à jour le 15-10-2018 à 12h54
Quelles conséquences aura vraiment le scandale de fraude et de matches truqués ? Malgré les belles promesses, de nombreuses questions demeurent. Analyse Deux matches suspectés truqués, neuf personnes en cellule, 19 inculpés : l’opération Mains Propres a frappé fort. Maintenant que la tempête médiatique s’est (un peu) apaisée - il fallait bien parler un peu des élections - comment analyser à froid les discours des dirigeants du football belge ? Quelles conséquences aura ce gigantesque coup de balai ?
1. PARANOÏA ET AMALGAMES
Il fallait s’y attendre : très vite, on a vu revenir le refrain bien connu : "Tous pourris dans le foot !" C’est un raccourci ridicule. Il ne faut surtout pas mettre tout le monde dans le même sac. Ni même tous les agents. Certains d’entre eux font très bien leur boulot. Ils n’ont pas à payer pour les magouilles des autres.
Face à une affaire si grave, il convient de ne surtout pas faire d’amalgame, ou de voir le mal partout. C’est ce qu’a fait Roland Duchâtelet en sous-entendant qu’Anderlecht avait acquis son titre de 2014 de façon malhonnête. Ce sont des accusations graves, lancées sans preuve. Alimenter la paranoïa n’aidera pas le foot belge à relever la tête.
2. LA FIN DES INTOUCHABLES ?
Pendant des années, des agents surpuissants se sentaient intouchables. Au-dessus des lois.
Ce qui est déjà sûr et certain, c’est que désormais, tout agent ou dirigeant tenté de détourner de l’argent saura ce qu’il risque. Les temps de l’impunité généralisée pourraient être révolus, grâce au remarquable travail des enquêteurs.
3. LE BAL DES HYPOCRITES
La plupart des dirigeants du football belge ont tenu le même discours : ils veulent réagir en établissant des règles bien plus strictes pour les agents. L’intention est louable. Mais pourquoi n’ont-ils jamais eu l’idée plus tôt ?
Il ne faut pas se leurrer : qu’ils y participent ou pas, la plupart des dirigeants connaissaient très bien le système de rétro-commissions.
Faut-il rappeler que cinq clubs de Pro League, dont trois grands, sont soupçonnés par le parquet fédéral d’avoir été complices du système mis en place par Veljkovic ?
Chris Van Puyvelde, ex-directeur technique de l’ UB en partance pour la Chine, a eu le mérite d’être franc au micro de Sporza : "Je n’ai pas du tout été surpris par ce qui s’est passé. Il y a tellement d’argent en jeu. Quand j’entendais ce que me racontaient certains responsables de jeunes…"
Mais alors - désolé pour la répétition - pourquoi l’Union belge ne s’est-elle pas attaquée plus tôt à cette problématique ? "J’avais fait des propositions, notamment pour imiter le système français de régulation des agents. J’espère que tout ça va permettre d’accélérer les choses…", se justifie Van Puyvelde. Dommage d’avoir attendu.
4. VERTENTEN-DELFERIÈRE : AVIDES OU STUPIDES ?
Le plus aberrant, dans cette histoire, c’est sans aucun doute ce qui arrive à Bart Vertenten et Sébastien Delferière, deux des meilleurs arbitres du pays. Le premier est inculpé d’organisation criminelle et corruption privée. Idem pour le second, en y ajoutant le chef d’inculpation de blanchiment.
Qu’est-ce qui a bien pu leur passer par la tête ? Coupables ou pas, ils ont développé des liens avec le sulfureux agent Dejan Veljkovic. Comment un arbitre a-t-il pu aller acheter une voiture côte à côte avec un agent sans comprendre ce qu’il risquait ? Comment ce médecin et cet employé de l’aile francophone de… l’Union belge ont-ils pu à ce point jouer avec le feu ? Pour l’argent ? Pas sûr : les arbitres semi-pros belges sont bien payés, à hauteur d’un fixe de 2.050 euros, auxquels s’ajoutent 1.900 euros bruts par match. Peut-être était-ce davantage une question de pouvoir et d’ego ? Dans un cas comme dans l’autre, on a bien du mal à comprendre.
5. L’ARBITRAGE BELGE VA EN SOUFFRIR
L’Union belge avait déjà bien des difficultés à trouver des arbitres, à tous les niveaux. Après un tel scandale, cela risque de s’aggraver.
Bart Vertenten et Sébastien Delferière auraient pu devenir des arbitres évoluant à un haut niveau international, auxquels les jeunes arbitres auraient pu s’identifier. Aujourd’hui, c’est tout le contraire : ils n’ont plus aucune chance de siffler à un haut niveau et plus personne ne voudrait les imiter.
Les arbitres ont désormais ce point commun avec les agents : à cause de ces pommes pourries, c’est l’image de toute une profession qui est touchée. Après, ça, pas simple de laver son image. Et de se relever.