Mardi, si on met la "pâtée" aux Bleus, ma bière aura le goût du meilleur champagne
Mardi, si on met la “pâtée” aux Bleus, ma bière aura le goût du meilleur champagne On a tous quelque chose en nous de Français
- Publié le 09-07-2018 à 15h53
- Mis à jour le 09-07-2018 à 16h39
Un commentaire de Jean-Claude Matgen
Il n’y a pas l’ombre d’un début de doute, l’esquisse d’une hésitation. Mardi soir, je ferai partie des supporters des Diables Rouges. Mais lorsqu’ils auront écarté les Français (car, c’est ce qui arrivera n’est-ce pas...), j’aurai quand même un petit pincement au cœur.
Quand on est né d’un papa arlonais et d’une maman messine, quand tous vos oncles, tantes, cousins et cousines vivent “outre-Quiévrain”, vous avez beau avoir une carte d’identité belge en poche, vous vous sentez inévitablement un peu français.
Et il ne faut pas être l’enfant d’un couple “mixte” pour éprouver ce sentiment. Réfléchissez deux secondes à la manière dont se déroulent nos journées. Le matin combien d’entre nous voguent de Matin Première, sur la RTBF, à la “Revue de presque” de Nicolas Canteloup, sur Europe 1 ?
Le soir, regardez-vous le JT de la RTL-TVI ou celui de France 2 ? Les deux sans doute. Et lorsque vous déposez un CD sur votre lecteur, écoutez-vous Cabrel ou Maurane, Ferré ou Brel ? Tous évidemment et vous ne vous posez même plus la question de leur nationalité.
Vous avez grandi en lisant Victor Hugo et Jules Verne, Stendhal, Maupassant, Sartre et Camus. Et les débats politiques à l’approche de l’élection présidentielle vous passionnent autant et même davantage que “Questions à la Une”.
Depardieu et Noiret font partie de votre patrimoine autant que Poelvoorde ou Damiens et vous vous fichez bien de savoir si Cécile de France est née en Belgique et Vanessa Paradis en France ou le contraire. Que Johnny Hallyday fût belge ou hexagonal n’a qu’une importance relative pour vous.
Quand vous arrivez à Perros-Guirec, au milieu de l’été, c’est comme si vous débarquiez chez votre ami de Floriffoux et les soirées entre copains à Sainte-Maxime sont de la même douce saveur que celles de Woluwe, à quelques degrés centigrades près.
La baguette a (désormais) le même goût à Liège qu’à Paris et les dîners en amoureux le même cachet romantique à Namur qu’à Arcachon. Il vous est pareillement indifférent de suivre une messe à Saint-Hubert ou à Orléans, d’acheter l’Equipe à Charleroi ou à Hardelot ou de vous promener dans le Bois de la Cambre ou dans celui de Boulogne.
Pourtant, quand il s’agit de sport, un curieux phénomène se produit chez les Belges. Nombre d’entre eux, pour d’obscures raisons, n’aiment guère qu’un Français décroche une médaille d’or aux JO, remporte la Coupe Davis, gagne un Grand Prix de Formule Un, passe en tête la ligne d’arrivée d’une grande classique cycliste.
Il y a peut-être des explications freudiennes à donner à ce réflexe. Complexe d’infériorité ? Envie de clouer le bec à des commentateurs sportifs qui ont un peu trop tendance à la ramener? Réminiscences de l’époque où Coluche se fichait (gentiment) de nous ?
J’essaie pour ma part d’échapper à ce comportement qui, il faut bien l’avouer, n’est pas très glorieux.
Mais mardi, si on met la “pâtée” aux Bleus, cela ne sera pas de refus que je boirai une bonne bière à la santé de nos voisins et elle aura le goût de leur meilleur champagne.