Le nouveau Lukebakio: "Je ne veux pas commencer sur le banc parce que je ne défends pas"
Critiqué pour son manque d’assiduité dans le repli, Dodi raconte sa mue.
- Publié le 15-11-2018 à 12h05
Critiqué pour son manque d’assiduité dans le repli, Dodi raconte sa mue. Chez lui, les sourires sont des ponctuations. Les rires communicatifs. Et le discours empreint de maturité ; de recul sur son évolution. Dans la carrière de Dodi Lukebakio revenait jusqu’ici une réserve entourant son manque de travail défensif. Le verbe se conjugue désormais au passé, l’ailier l’a prouvé en Suède où il a défendu comme rarement, tout en marquant. Conscient de cette évolution, le gaucher s’est longuement confié sur le sujet.
Dodi, est-ce que vous avez revu votre match contre la Suède ?
"Oui. Et j’en ai pensé quoi ? J’ai quand même défendu hein ! (Il explose de rire.) Il y a des matchs où il faut défendre. Je suis un joueur de côté, ce qui demande beaucoup d’efforts. Il y a certainement des matchs où il faut plus défendre qu’attaquer, ce qui ne me pose pas de problèmes aujourd’hui. Cela fait partie de l’apprentissage. Je n’ai plus de problèmes avec cela, j’avais des difficultés avant. Quand vous êtes jeune, cela ne demande pas les mêmes exigences qu’en pro. Aujourd’hui, j’ai appris et cela ne me pose aucun problème et je l’ai fait avec plaisir parce que je savais que cela allait bénéficier à toute l’équipe pour la qualification."
Beaucoup défendre ne vous a pas empêché de marquer, là-bas.
"Oui (rires). Sérieusement, plus vous jouez, plus vous gagnez en expérience. Et plus vous savez que, si vous défendez tant de minutes, il y aura plus d’espace à la fin. C’est comme cela que vous apprenez. Au fur et à mesure, j’apprends. Je lis mieux le jeu, je fais moins de courses inutiles."
Si Felice Mazzù a regardé le match, il n’a pas dû vous reconnaître, en tout cas…
"Oui (rires). Mais attention, défendre, je le fais aussi à Düsseldorf, je n’ai pas le choix. Si je veux jouer, je suis obligé de le faire. Mon passage à Charleroi m’a appris, même si ce n’était pas facile. Je suis un ailier, ce qui demande dans le football moderne beaucoup d’efforts. Je n’ai pas le choix, si j’ai envie de franchir un cap, je dois faire ces efforts. Je les accepte maintenant."
Pourquoi les acceptez-vous maintenant et pas avant ?
"Je l’ai toujours accepté, sauf que ce n’était pas dans mes habitudes. Ce n’est pas que je ne voulais pas, mais il faut passer outre cette barrière. Quand vous n’avez pas l’habitude de faire quelque chose, cela prend du temps de changer vos habitudes. Ce n’est pas facile pour un joueur qui aime beaucoup le ballon comme moi de devoir défendre. Il faut un déclic."
De quand date-t-il ?
"Je ne sais pas comment l’expliquer. Plus vous jouez, plus vous apprenez. Ce n’est pas sur un claquement de doigts. C’est un processus au fur et à mesure. Plus vous jouez, plus vous vous rendez compte de l’importance des tâches, défensives comme offensives."
Parce que, aussi, vos entraîneurs à Charleroi, Watford et Düsseldorf ont dû vous le répéter…
"Oui, exactement. C’est sûr. Et puis tu te rends compte que si tu ne le fais pas, il y a une forte possibilité pour que tu ne joues pas. Et donc tu te dis : je ne veux pas commencer sur le banc parce que je ne défends pas. Du coup, tu dois t’adapter, et c’est ce que j’essaie de faire."
Au point de prendre du plaisir en défendant ?
"On ne va pas se mentir, ce n’est pas le rôle qui me fait le plus plaisir. Mais quand c’est pour l’équipe, je n’ai pas le choix, on doit se donner les uns pour les autres, et je le fais sans arrière-pensée. Cela fait partie de mon poste et je dois l’accepter."
Comment faites-vous pour trouver un volume de jeu défensif en restant lucide offensivement ? Comment trouver le juste milieu ?
"Cela a été le plus difficile pour moi. À Charleroi, j’avais pas mal de difficultés avec cela. C’est comme s’il y avait quelque chose qui faisait que je n’étais pas à l’aise. Je n’étais pas le même joueur en défendant et, quand j’arrivais dans les zones de vérité, je n’étais plus moi-même tellement la fatigue prenait le dessus. Mais c’était normal car je sortais d’une saison presque blanche et je n’avais pas assez de rythme. Je me disais que cela allait être difficile pour moi physiquement avec les courses défensives. Après, j’ai franchi ce cap au fur et à mesure. En enchaînant les matchs. J’ai gagné en maturité, je suis devenu quelqu’un d’autre. Tu fais les courses défensives ou offensives différemment, de manière plus intelligente. La différence est là par rapport à mes débuts. Partout où je suis passé, j’ai appris. Dans le foot, même si tu ne joues pas, tu apprends, tu ne perds jamais rien."
Vous savez qui a dit : "L’Allemagne, c’est une autre réalité. À lui de trouver le temps de jeu qu’il n’avait pas à Watford, mais il a progressé. C’est un autre Dodi, ce n’est plus le Dodi de Charleroi. Il a évolué mentalement, il s’entraîne mieux" ?
"Non, je ne sais pas."
Johan Walem…
"Non, sérieux ? Répétez un peu s’il vous plaît ! (Rires.) Cela fait plaisir d’entendre cela. Eh bien, évidemment, que je suis d’accord avec lui…"
"Watford ne voulait pas me prêter en Belgique"
Le Diablotin s’épanouit au Fortuna Düsseldorf.
Lié à Watford jusqu’en 2022, l’ailier a trouvé du temps de jeu au Fortuna Düsseldorf avec un bilan plus qu’intéressant de six buts et d’une passe décisive en onze apparitions, lui qui est décisif toutes les 85 minutes.
Dodi, en deux ans, vous avez connu Toulouse, Anderlecht, Charleroi, Watford et désormais Düsseldorf. N’avez pas peur de passer pour un joueur instable ?
"Ce fut compliqué pour moi. Je n’aime pas aller de gauche à droite, mais c’est la vie. Je ne peux pas faire autrement, je dois penser à mon temps de jeu. La stabilité viendra après."
Quand avez-vous pris la décision d’être prêté ?
"Je savais qu’en allant à Watford ce serait difficile. L’Angleterre, c’est compliqué, encore plus quand on est jeune. Je le savais. Mais j’étais prêt mentalement. Je n’ai jamais eu peur de la concurrence, j’aime la concurrence. Cela me booste de voir deux ou trois joueurs devant moi. Cela m’a rendu plus fort. Après, il y a les choix du coach, il faut une part de chance. En sortant de là, avec tout ce que j’ai appris, je devais appliquer sur le terrain ce que j’ai appris et montrer mes qualités."
Pourquoi avoir opté pour Düsseldorf alors que beaucoup de clubs vous courtisaient ?
"Le Fortuna me suivait et me voulait depuis longtemps. J’avais joué contre eux à Charleroi, ils ont insisté pour que je vienne et c’est pour cela que j’y suis allé. Tout ce qui m’intéressait, c’était de jouer."
Revenir en Belgique n’était pas une option ?
"Watford ne voulait pas. Ils voulaient que j’aille dans un championnat qui ressemblait à l’Angleterre. Et celui qui correspondait le plus, c’était l’Allemagne."
Que votre prêt ne comporte pas d’option d’achat prouve que Watford compte sur vous…
"Oui. Déjà, à la base, Watford ne voulait pas me prêter. Mais ce n’était pas possible à mes yeux, je voulais jouer."
"Cette étiquette m'a fait mal"
Ses débuts, il y a plus de trois ans, en octobre 2015, lors d’un Topper contre Bruges, ont tendance à faire oublier la jeunesse de Dodi Lukebakio, 21 ans depuis le 24 septembre. La situation l’amuse. "C’est vrai que les gens ont tendance à oublier que je suis jeune. Je me dis la même chose. J’ai l’impression d’être vieux parfois", lâche-t-il en riant avant de reprendre, plus sérieusement : "Quand vous avez montré un peu votre talent, vous avez tendance à être suivi et à être plus vite critiqué. Il faut faire avec, ce n’est pas une question d’âge. Je fais avec. Mais cela me fait mal. Cette étiquette m’a fait mal. Tout le monde peut arriver en retard. Mais, faire de quelqu’un qui arrive en retard un enfant terrible, non. C’était difficile. Pour moi, pour mes parents, mes proches. Cela m’a fait de la peine. Mais, aujourd’hui, je prouve aux gens que l’image qu’on avait de moi n’était pas la bonne. Mes proches savent que je ne suis pas comme cela."
"Ne pas se contenter de la qualification"
Le forfait de Landry Dimata, touché au genou, l’a rendu un peu orphelin. Mais Dodi Lukebakio a retrouvé un autre complice dans sa chambre, Orel Mangala, et surtout tout un groupe encore porté par l’euphorie née de la qualification historique à l’Euro. "Cela fait bizarre parce qu’on se retrouve en se disant qu’on a accompli quelque chose de grand ensemble. Nos relations sont encore plus fortes qu’avant. On a hâte d’être au plus vite à l’Euro", explique-t-il, avec un sourire plein d’envie : "Je sais qu’avant les grandes vacances, il y aura l’Euro, cela nous booste encore plus." Et stimule aussi une vraie ambition : "On a fait quelque chose de très dur mais ce n’est pas que de participer qui nous intéresse mais d’aller le plus loin possible. On ne se contente pas de cette qualification. On ne peut pas. On a les qualités, on l’a prouvé. On est capable, j’y crois et j’espère, d’aller le plus loin possible."