Le coach du Panama dégaine avant le match contre la Belgique: "Au pays, on nous prend pour le Brésil"
Interview avec Hernan Dario Gomez, alias La Matraque, le coach colombien contesté du Panama qui déteste le foot moderne.
- Publié le 18-06-2018 à 06h43
- Mis à jour le 18-06-2018 à 08h22
Interview avec Hernan Dario Gomez, alias La Matraque, le coach colombien contesté du Panama qui déteste le foot moderne Question pour un champion: qu’est-ce que Bora Milutinovic, Carlos Alberto Parreira, Henri Michel et Hernan Dario Gomez ont en commun? Ils ont qualifié plusieurs pays pour une Coupe du Monde.
Le Colombien Hernan Dario Gomez en est à son troisième Mondial. En 1998, il n’était pas parvenu à qualifier son pays natal pour le second tour et il avait échoué avec l’Equateur en 2002. Il faudrait déjà un miracle pour qu’il termine dans les deux premiers du groupe de la Belgique. Mais l’homme qu’on surnomme El Bolillo, La Matraque, ne s’avoue pas vaincu à l’avance. Voici son interview.
Quel a été votre secret pour qualifier le Panama pour son premier Mondial?
"Il faut être un bon leader. Et c’est ce que je suis, grâce à mes parents et grâce à l’école. En tant que joueur (il était médian défensif à Medellin et Atletico Nacional, en Colombie) , j’étais déjà un patron sur le terrain. En plus de cela, je m’y connais un peu en tactique et je motive bien mes joueurs. Je les soutiendrai toujours. De plus, je tiens compte de tout: de leur condition physique, de leur nourriture, même de leurs vêtements."
À vos entraînements, vous organisez des matches sur toute la surface du terrain. C’est rare dans le football moderne.
"Toutes ces approches modernes, je les trouves exagérées et elles m’énervent. C’est devenu n’importe quoi. Depuis des années, un ballon est resté un ballon et on joue encore à onze contre onze. Ce qui a changé, c’est l’aspect physique. Les joueurs courent plus et doivent vivre plus sainement."
Quelle est votre ambition à cette Coupe du Monde ?
"Nous n’avons pas les meilleurs joueurs de ce Mondial, mais on veut jouer des matches dignes, mettre en valeur notre style de jeu et arriver le plus loin possible. C’est notre premier Mondial. On n’a pas d’histoire. La Belgique pourrait être une des surprises à ce tournoi; on sait qu’elle sera très motivée. Elle a d’excellents joueurs et un excellent coach. J’ai parlé avec Martinez. Ce n’est pas facile de gérer toutes les vedettes de la Belgique, mais il y parvient."
Vous avez une équipe très expérimentée.
"Merci de ne pas l’appeler une vieille équipe. Pour moi, il n’y a pas de joueurs jeunes et vieux, mais il y a des joueurs bons et mauvais. Je laisse parler les gens. On a un bon équilibre dans notre équipe. Et une entente qu’on ne voit nulle part, grâce à leur âge. Ils sont si matures qu’ils sont tactiquement forts. Ils prennent leurs responsabilités pour la patrie."
Vous marquez difficilement: un but en cinq matches, contre Trinité et Tobago.
"J’avoue que c’est un problème. On y travaille. On veut attaquer avec plus de - comment s’appelle le mot ? - volume, voilà. On veut avoir plus de joueurs dans le rectangle adverse. Mais on n’a pas encore trouvé la solution. Voilà pourquoi je préfère fermer la boutique derrière."
Vous n’êtes pas trop modeste ?
"Je connais nos qualités. On va éprouver du mal contre des pays européens parce qu’ils jouent plus vite que nous. Au Panama, il y en a qui pensent qu’on vaut le Brésil, l’Argentine, l’Espagne ou l’Allemagne. Voilà pourquoi je suis en guerre avec les journalistes du Panama."
Il paraît que vous allez redevenir coach fédéral de l’Equateur après le Mondial?
"Je ne sais pas encore. J’ai plusieurs belles propositions et la plus belle est en effet de l’Equateur. Je dois encore prendre ma décision."
"Le Gantois Rodriguez ? Parce qu’il est... moderne"
La surprise dans le noyau du Panama est la présence d’un Belgicain : le jeune José Luis Rodriguez (21 ans), qui n’est même pas dans le noyau A de Gand. "Parce qu’il a de l’expérience en Europe", dit Gomez. "Il m’a beaucoup plu pendant la préparation; il a une énorme personnalité. Il est rapide, a une bonne condition physique et fait les bons choix et est polyvalent. C’est un joueur… moderne (rires). J’ai laissé certains autres bons joueurs chez eux parce qu’ils n’ont pas le profil qu’il me faut."
Victime d’un attentat par l’ex-président de l’Équateur
La Matraque a connu une vie très agitée.
Son surnom, il la doit à une anecdote qui date de sa carrière de joueur. Ayant toujours eu des longs cheveux, il s’est présenté à l’entraînement avec une boule à zéro. Son entraîneur avait dit : "Tu ressembles à une matraque."
Mais en tant qu’entraîneur, il a mis son surnom en valeur en étant impliqué dans deux graves incidents.
En 2001, il refuse de sélectionner le fils de l’ex-président de l’Équateur en équipe nationale U21. Tout à coup, il se retrouve face à une bande d’hommes armés. Il s’en sort avec un nez cassé et une balle dans la jambe. Un an plus tard, un de ses agresseurs est assassiné.
En 2011, en tant que coach fédéral de la Colombie, il frappe une jeune femme à l’entrée d’une discothèque. Il lui aurait donné quatre coups.
Gomez s’excuse en public, mais cela ne suffit pas pour des associations qui plaident pour les droits des femmes. Elles réclament et obtiennent le licenciement de Gomez de son poste de coach fédéral.
En tant que coach fédéral du Panama, il est tout aussi contesté, malgré la qualification inattendue pour le Mondial. Le dernier reproche dans les médias est qu’il ait nommé son fils Daniel comme analyste vidéo de l’équipe nationale, alors qu’il n’a pas ces compétences. "Les journalistes se mêlent de quoi?" est la réaction de Gomez. "La Fifa a autorisé le fait de prendre un homme de confiance à la Coupe du Monde. Pour moi, c’est mon fils. Et Daniel n’est pas n’importe qui. C’est un bon ami de James Rodriguez, du Bayern. Il a travaillé avec lui au Real Madrid. Et d’ailleurs : c’est moi qui le paie. Où est le problème ? Les journalistes cherchent toujours quelque chose."