Le 50-50 de Geoffrey Mujangi Bia: "J'ai refusé la Chine. Je n'ai pas besoin du jackpot pour être heureux"
Nous nous sommes rendus en Suisse pour prendre des nouvelles de l'ex-Zèbre et ex-Rouche Geoffrey Mujangi Bia. Il fait le point sur sa situation à Sion et ses ambitions à venir, nous parle des clubs belges dans lesquels il a évolué et évoque les Diables rouges ainsi que son ami Anthony Vanden Borre.
- Publié le 10-03-2017 à 13h39
- Mis à jour le 10-03-2017 à 15h06
Geoffrey Mujangi Bia suit encore d'un oeil attentif la Jupiler Pro League. "Manquer les Playoffs 1 deux saisons d'affilée, pour le Standard, c'est un scandale!"
Le mois de février coïncide avec le retour en forme de Geoffrey Mujangi Bia. Celui-ci vient en effet d'être fraîchement désigné joueur du mois à Sion. Il faut dire que le Belgo-Congolais - avec un doublé en Coupe ainsi que 3 buts et un assist en championnat - a soigné ses stats ces dernières semaines. Après une blessure qui l'a écarté plusieurs mois des terrains durant l'automne, Bia a réalisé un bon stage hivernal avec l'équipe et semble retrouver ses sensations.
De passage en Suisse, nous avons assisté au derby Lausanne - Sion (0-1) le dimanche 26 février dernier. Un derby qui n'en a que le nom tant l'ambiance dans les stades de Super League, la D1 locale, est tristounette. Monté au jeu à la pause, Geoffrey Mujangi Bia n'a cette fois pas trouvé la faille (malgré deux belles opportunités) mais s'est démené pour que son équipe, réduite à 10, résiste jusqu'au coup de sifflet final. Deux jours plus tard, nous avons pu rencontrer le joueur au Complexe sportif de Martigny, lieu d'entraînement du club de Sion.
Installés dans les fauteuils de l'accueil du secrétariat de l'Académie, nous avons pu échanger pendant plus d'une trentaine de minutes avec le joueur, sans même croiser l'attaché de presse avec qui le rendez-vous avait été organisé (chose qui serait rare dans un club du top belge). Décontracté et fort disponible, l'ancien Carolo et Standarman a fait le point pour nous sur sa situation à Sion et évoqué son avenir. L'occasion était belle de revenir avec lui sur les résultats respectifs et opposés des deux clubs wallons. Mujangi Bia a également donné son avis sur notre équipe nationale et abordé des points chauds de l'actualité, comme notamment le transfert de Witsel en Chine ou encore les choix de carrière de son ami Anthony Vanden Borre. Entretien.
1 | Geoffrey, on vient aux nouvelles. Comment te sens-tu ici au sein du club de Sion ?
"Je me sens bien, vraiment."
2 | Comment juges-tu le niveau par rapport à celui qu’on connaît dans le championnat belge ?
"Il y a moins d’équipes, donc forcément moins de bonnes équipes. En Belgique, tu as quand même 6 équipes de qualité. Ici, tu en comptes peut-être 4."
3 | En Suisse, vous êtes donc 10 équipes et vous vous affrontez 4 fois. Tu préfères un système de Playoffs comme on a en Belgique ?
"Quand tu joues les Playoffs, finalement tu joues aussi 4 fois contre les mêmes équipes. Mais en Belgique, ce qui est bien dans les PO1, c’est le fait de jouer contre les 6 premiers, les 6 meilleures équipes. Après voilà, quand tu es premier et qu’on te divise les points par deux, c’est toujours difficile à accepter car tu peux tout perdre durant les Playoffs. Mais en tant que joueur, personnellement, Playoffs ou pas Playoffs, on veut tout simplement jouer."
4 | En ce qui concerne les entraînements, c’est moins professionnel en Suisse ?
" Il y a une différence avec la Belgique, c’est clair. Les infrastructures au plat pays sont plus développées. Ça se voit directement. Quand tu prends l’exemple du Standard, ici tu ne trouves rien de comparable."
5 | Tu es content de ta saison actuellement ?
"Personnellement, non je ne suis pas content de ma saison. J’avais bien commencé puis j’ai eu une blessure qui m’a mis au placard pendant un bon petit temps."
6 | Tu viens d’enchaîner pourtant quelques buts ici au mois de février...
"Ici ça revient, oui, car j’ai fait la préparation. En fait, le seul souci que j’ai eu, c’est cette blessure sinon quand j’étais apte, ça s’est bien passé."
7 | Quel est ton objectif personnel d’ici la fin de saison ?
"Tout simplement d’avoir le maximum de temps de jeu possible et d’inscrire le plus de buts possibles."
8 | Et d’un point de vue collectif ?
"L’objectif est d’aller chercher cette deuxième place qui permettrait de jouer les barrages de la Ligue des Champions [le club est actuellement 3e à 7 points de la 2e place détenue par les Young Boys de Berne] et aussi de gagner la Coupe de Suisse [Sion est qualifié pour les demi-finales]. Remporter la Coupe permettrait en plus d’obtenir directement un ticket européen."
9 | Bâle survole actuellement la compétition, avec 15 points d’avance. Ils sont intouchables ?
"Oui, le classement le prouve. Les raisons de ce succès ? Je ne connais pas bien les rapports de budget ici dans le championnat suisse mais Bâle a sans aucun doute investi plus d’argent. C’est une grande ville, ils ont aussi beaucoup de supporters et ils ont un grand stade. Cela génère des rentrées. Et directement tu peux acheter de meilleurs joueurs et donner de meilleurs salaires."
"Pour un jeune, c’est difficile de venir s’installer en Suisse"
10 | Et par rapport à la vie en Suisse, tu t’es bien adapté ?
"En fait, c’est un pays de touristes. Pour le tourisme, par exemple venir passer une semaine ici en Suisse, c’est génial. Mais s’installer, pour un jeune, c’est plus difficile. Heureusement, j’ai ma femme et mes enfants avec moi."
11 | Quand tu dis que c’est difficile, que veux-tu dire ?
"C’est vraiment une routine. Je passe beaucoup de temps à la maison car ici tout ferme tôt. C’est fort casanier. A 18h30, par exemple, tu ne peux déjà plus faire tes courses."
12 | Et à part passer du temps avec tes proches, tu as trouvé d’autres occupations en dehors du foot ?
"C’est un peu difficile. Les enfants sont à l’école, à 18h on mange et puis il est déjà temps d’aller dormir. Quant au ski, que je pourrais pratiquer dans les montagnes à proximité, on nous l’interdit pour ne pas se blesser…"
13 | L'engouement médiatique autour du foot doit être moindre qu’en Belgique...
"En effet, le fossé est énorme. Si je prends l’exemple de quand j’étais au Standard, tu sentais la pression médiatique, même aux entraînements. Il y a en Belgique beaucoup plus d’engouement autour des clubs, ça vit plus. Même sur les réseaux sociaux, en Belgique il y avait une activité importante. Ici, c’est un autre monde."
14 | Mais du coup, n’est-ce pas plus dur pour le joueur que tu es de te motiver ?
"Aujourd’hui, non. Mais c’est clair qu’au début c’était un peu difficile. Quand j’étais au Standard, tu sentais une pression positive. Sur les réseaux sociaux par exemple, je recevais des messages de motivation. Puis tu avais aussi l’affluence au stade. Ici, on est loin de l’enfer de Sclessin. Maintenant voilà, après un an, tu t’y habitues. Au final, on est tous professionnels et les matches sont diffusés comme partout."
15 | Ton cousin Pelé Mboyo vient de quitter le club de Sion en janvier, prêté au Cercle de Bruges. Pas trop déçu ?
"Non car il va revenir fin de saison. Puis on a chacun notre carrière. Pour l’instant ça se passe bien pour lui et j’en suis très content."
"Manquer les PO1 deux saisons d’affilée, pour le Standard, c’est un scandale"
16 | Tu suis encore la Jupiler Pro League d’un œil attentif ?
"Oui je regarde. Bien sûr."
17 | C’est la deuxième saison consécutive que le Standard va manquer les Playoffs 1. Considères-tu encore ton ex-équipe rouche comme un grand club ?
"Evidemment, ça reste un grand club. En tout cas un grand nom. Après c’est clair que ne pas se qualifier pour les PO1 deux saisons d’affilée, c’est un scandale. Il faut dire la vérité."
18 | A qui la faute ?
"Je n’en sais rien. De toute façon, ça ne sert à rien de rejeter la faute sur qui que ce soit. Que ce soient les joueurs, les dirigeants, les supporters… Moi je ne suis plus dans le club donc je ne peux pas juger. J’observe les faits de l’extérieur et me contente de regarder les résultats. Et pour un club comme le Standard, c’est clair que les résultats ne sont pas bons."
19 | Tu te verrais bien un jour reporter le maillot rouche ?
"On ne sait jamais dans le foot."
20 | Avant d’évoluer au Standard, tu as fait tes preuves à Charleroi. Et justement, le club carolo grandit de saison en saison. Contrairement aux Rouches, les Zèbres ont toutes les cartes en main pour se qualifier pour les Playoffs 1. Ça te surprend ?
"Non, je ne suis pas étonné. Ils ont déjà participé aux PO1 [lors de la saison 2014-2015]. Puis lors de ma première saison là-bas, en 2006-2007, nous avions terminé à une très belle 5e place."
21 | Et les raisons du succès carolo selon toi ?
"Il y a des gens comme Medhi Bayat qui sont là depuis des années et qui ont appris énormément. Chaque année, on voit que Charleroi fait un pas en avant. Que ce soit au niveau de la structure ou des résultats."
22 | Mais finalement, Charleroi n’est-il pas en passe de devenir un plus grand club que le Standard ?
"Je m’attendais à cette question (rires). Je pense que l’actualité fait souvent oublier le passé dans le football. Après le Standard reste le Standard. L’année passée, ils ont quand même gagné la Coupe. Cette année, ils ont joué l’Europa League. Du côté de Charleroi, ils vont se qualifier pour les Playoffs mais n’ont encore rien gagné."
23 | Tu as gardé des contacts avec tes anciens équipiers rouches?
"Bien sûr. Il y en a avec qui j’avais une relation moins privilégiée mais je les suis encore sur les réseaux sociaux. Par contre, il y a des gens comme Medhi [Carcela], Michy [Batshuayi], Polo [Mpoku] que je connaissais déjà bien avant d’arriver au Standard et avec qui je parle tout le temps."
"Avec les joueurs qu’elle a, la Belgique se doit de gagner quelque chose"
24 | J’imagine que tu as suivi le parcours des Diables lors du dernier Euro en France. Pas trop déçu ?
"C’est clair que quand tu joues le pays de Galles en quart de finale avec les joueurs que tu as, tu devais te qualifier. Après ça reste le football, tout est possible."
25 | Ton avis sur ce groupe ?
"Je pense que c’est vraiment une génération dorée qui a un bel avenir devant elle."
26 | Une génération dorée qui va enfin parvenir à décrocher un trophée ?
"A mon avis, en Russie en 2018, ce sera encore un peu tôt. Mais après, oui. Car avec les joueurs qu’elle a, la Belgique se doit de gagner quelque chose."
27 | Dans le coin de ta tête, tu gardes encore un petit espoir d’un jour porter le maillot des Diables ?
"Je suis un joueur de foot, je connais mes qualités et je sais ce que je peux faire. Après il y a aussi la réalité du football. Et la réalité d’un jour n’est pas celle du lendemain. Mais aujourd’hui, par rapport à ma situation, il faut être clair et réaliste : ce n’est pas possible. C’est aussi simple que cela. Maintenant voilà, on ne sait jamais. Il y a des joueurs qui sur le tard profitent d’un bon transfert pour retrouver le devant de la scène. Seul l’avenir le dira."
28 | Tu parlais de tes qualités. Par rapport à la période où l’on te connaissait au Standard, en quoi as-tu évolué ?
"Ici, je dirais que j’ai un peu progressé au niveau du travail sans ballon. Pour le reste, voilà (rires)..."
29 | Et des domaines où tu as régressé ?
"Régresser, je ne dirais pas. Après le jeu ici est différent. Ce n’est pas le même football qu’en Belgique."
"Anthony Vanden Borre est un grand garçon qui sait ce qu’il fait"
30 | Tu es un ami proche d’Anthony Vanden Borre. Il a annoncé la fin de sa carrière avant de finalement rejoindre le TP Mazembe au Congo. Il t’en avait parlé ?
"Non pas vraiment. En fait, ce ne sont pas des sujets dont on parle. On est des joueurs de foot mais quand on se voit, on essaie de discuter d’autre chose. Donc non, je n’en ai pas parlé avec lui ou très vaguement."
31 | Et que penses-tu de ses choix ?
"Anthony est un grand garçon. Il sait ce qu’il fait. S’il est heureux avec ses choix, c’est le principal"
"Je pourrais toujours opter pour la sélection congolaise. J’y pense"
32 | Tu as la double nationalité belgo-congolaise. Tu as dû suivre de près la dernière Coupe d’Afrique des Nations...
"En effet, j’ai bien suivi la compétition. Après c’est mal fait car juste avant tu as les affiches du Boxing Day en Angleterre. Les autres grands championnats jouent aussi donc finalement on ne sait pas trop quoi regarder. Bref c’est mal organisé d’autant plus que certains joueurs doivent choisir entre leur sélection ou leur club."
33 | Ne regrettes-tu pas d’avoir choisi les Diables plutôt que la RDC ?
"En fait, je n’ai joué que des amicaux avec la Belgique donc je pourrais toujours opter pour la sélection congolaise."
34 | Et ça ne te trotte pas dans la tête ?
"J’y pense parfois, je le reconnais. Après il ne faut pas faire des choix par défaut... sans négliger le Congo où il y a également beaucoup de joueurs de qualité."
"J'ai refusé la Chine. Je n'ai pas besoin du jackpot pour être heureux"
35 | Ton avenir, tu le vois comment ? Tu te vois prolonger pour une 3e année en Super League ?
"Je vais arrêter ma carrière (rires). Non sérieusement, je me vois encore jouer pendant 5 ans. Si je serai toujours à Sion en juin prochain ? Franchement, c’est une question que je ne me suis pas encore posée car j’ai signé un contrat de trois ans ici. Je n’ai pas spécialement des envies d’ailleurs. Je finis ma saison puis on verra s’il y a des opportunités."
36 | Et au dernier mercato hivernal, tu as eu des coups de téléphone ?
"Oui j’ai eu des appels mais rien qui ne m’intéressait."
37 | Le transfert de Witsel en Chine a fait beaucoup de bruit. Tu te verrais bien rejoindre toi aussi un championnat exotique comme la MLS, la Chine ou la Russie ?
"Franchement, la MLS a un côté attirant pour moi. C’est quand même le rêve américain. Après la Chine, c’est différent. A ma sortie du Standard, en 2015, j’ai reçu une proposition de Chine mais ça ne m’a pas intéressé. A ce moment-là, j’avais estimé que je n’avais pas besoin de ce jackpot pour être heureux. Le plus important pour moi, c’était de rester auprès de ma famille. Ici, en Suisse, si je le veux, je suis rapidement en Belgique pour revoir proches et amis."
38 | Et le choix de Witsel alors ?
"C’est un choix personnel. Tu ne peux pas le critiquer. Même si le joueur est bourré de qualités, il reste un être humain libre de faire ses propres choix."
"Un peu dégoûté par le milieu du foot"
39 | Si tu le permets, voici quelques questions décalées... Trois clubs viennent se proposer au prochain mercato : Charleroi, le Standard et Anderlecht. Avec des conditions équivalentes... tu choisis lequel ?
"C’est difficile (Rires). Je dirais joker."
40 | Plutôt frites ou plutôt fondue ?
"Frites !"
41. Plutôt accent liégeois ou accent suisse ?
"Liégeois !"
42 | En Suisse, c’est la Raffeisen Super League, en lien avec la banque. En Belgique, on a la Jupiler Pro League. Un peu cliché non ?
"Oh oui (rires)"
43 | Ton meilleur souvenir sur un terrain de foot ?
"Il y en a eu plusieurs… Difficile d’en ressortir un."
44 | Et le pire souvenir alors ?
"Je pense que c’était lors d’un match Standard – Zulte. On avait perdu et les supporters étaient montés sur le terrain. Le coach Guy Luzon avait dû partir juste après ça."
45 | Un adversaire qui t’a plus impressionné ?
"Hulk !"
46 | Un Diable rouge qui te marque ?
"Romelu Lukaku! Il est incroyable. C'est fou ce qu'il fait en Premier League, le nombre de buts qu'il inscrit. Et il a encore une grosse marge de progression vu son jeune âge."
47 | Un point que tu aimerais améliorer dans ton jeu ?
"La répétition des efforts à haute intensité. Si je pouvais accélérer tout le temps, ce serait top (rires)"
48. Ta principale qualité sur un terrain ?
"Je sens le jeu."
49. Des hobbies en dehors du foot ?
"Les voitures."
50 | Après ta carrière, tu te vois plutôt entraîneur, agent ou bien complètement sortir du milieu du foot ?
"Je suis un peu dégoûté par le milieu du foot. Après je crois que dans tout ce qui est professionnel et où il y a de l’argent, tout le monde est comme ça et pense à ses intérêts. Pour ma part, plus tard, je me verrais bien gérer un petit business puis pourquoi pas à côté garder un pied dans le foot quand même en étant agent ou en encadrant des jeunes."