L'interview décalée de Mbo Mpenza: "Face au Brésil, on a montré qu’on pouvait créer un exploit"
- Publié le 28-05-2018 à 10h40
- Mis à jour le 28-05-2018 à 11h32
Mbo a décidé de rendre au football ce que celui-ci lui a apporté tout au long de sa brillante carrière Avec son frère Emile, Mbo Mpenza a mis le feu aux pelouses du championnat de Belgique lors de la saison 1996-97. Les deux frères font connaître le club de Mouscron, en assurant le spectacle, à tous les amateurs de foot. Une brillante mise en scène qui permettra à Mbo de passer, ensuite, par le Standard, Anderlecht et le Sporting Portugal. Une trajectoire faite de plus de hauts que de bas sur laquelle il revient en toute sincérité…
Allons-y droit au but : le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
"Il y en a eu tellement ! Mais je vais rester dans la famille et donc citer le nom de mon frère. Avec Emile, on a été équipiers depuis les préminimes jusqu’à l’équipe première et même en sélection nationale. En fait, il a toujours été mon modèle, car il a réussi partout où il est passé. Et c’était logique, puisqu’il avait tout dans son jeu. Le sens du but, la vitesse, l’explosivité, la technique et l’art du démarquage. Et quand celui qui détient tous ces atouts c’est votre frère, c’est quelque chose de plus particulier encore…"
Arrivait-il, parfois, encore à vous surprendre ?
"Souvent ! Car il était capable de sortir un geste venu de nulle part comme lui seul en avait le secret. J’ai ainsi le souvenir d’un de ses buts à Anderlecht, avec un ballon frappé du flanc gauche d’un angle impossible qui s’est logé dans la lucarne. Un des plus beaux buts qu’il m’a été de voir en étant sur un terrain de football…"
Le joueur le plus fort contre qui vous avez joué ?
"Laurent Blanc. Sans doute n’était-il pas super fort, mais il témoignait de qualités dans tous les secteurs du jeu. Son jeu de tête, ses passes, son positionnement, sa technique, son intelligence : il n’y avait aucune faille chez lui. J’ai rarement rencontré un joueur aussi complet et je n’ai donc pas été étonné qu’au sortir d’une grande carrière de joueur, il ait aussi bien réussi comme entraîneur."
Le joueur le plus dur que vous avez connu ?
"Il y en a eu pas mal, mais je ne citerai pas de noms, car ces joueurs, et c’est cela qui est paradoxal, en dehors du terrain, sont des gars très sympas. C’était surtout vrai en division 2, surtout qu’à l’époque il n’y avait pas, comme aujourd’hui, une multitude de caméras pour repérer les gestes fautifs. Donc, oui, des joueurs vicieux sur la pelouse mais charmants au bar, j’en ai croisé plus d’un…"
Le joueur le plus fêtard ?
"Jean-François Gillet ! Gros fêtard, grand déconneur, et je sais qu’il n’a pas changé. En fait, il est sur un terrain comme dans la vie : blagueur dans l’âme. Et c’est super qu’il soit comme cela, car il prouve ainsi qu’il a tout compris de la vraie vie…"
La plus grosse fête vécue à travers le football ?
"J’ai jamais été un sorteur. J’avais même horreur de cela. Une fois, néanmoins, après ma première victoire en finale de Coupe, mes équipiers anderlechtois m’ont carrément emprisonné pour m’amener avec eux au Carré, la boîte de nuit à la mode où sortaient les joueurs de foot. Je n’ai pas tenu une heure à l’intérieur et je me suis enfui. C’était ma plus grosse fête dans le foot !"
Et à Mouscron ? Ou au Standard ?
"Il y a eu plein de fêtes. Au niveau ambiance, il n’y a pas mieux que le Standard. Quant à Mouscron, tant cette ville est festive par elle-même, qu’une fête après une belle victoire fait quasiment partie des meubles. Donc j’ai traversé tout cela selon un principe bien établi : le lâcher prise ! Et croyez-moi, à Mouscron, c’était plus qu’une simple vérité…"
L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?
"Partout où je suis passé, tous les entraîneurs m’ont apporté quelque chose. Mais il y en a un que je sors du lot : Georges Leekens. C’est quelqu’un qui a été très important dans ma vie sportive, étant mon coach pour mes débuts en division 1 et en équipe nationale, mais également très important dans ma vie privée. Alors oui, s’il est sans doute vrai qu’il n’est pas le plus fin tacticien au monde, moi, il m’a apporté beaucoup. Hugo Broos et Robert Waseige m’ont aussi beaucoup aidé à m’épanouir, mais s’il faut en choisir un, je cite Georges…"
La décision tactique d’un entraîneur que vous n’avez pas comprise ?
"En fait, ce sentiment je l’ai rencontré avec tous mes entraîneurs ! Pour une raison bien simple : comme joueur tu as ta vision, tes idées, et tu ne comprends donc pas celles qu’un coach veut t’imposer. Ce phénomène se ressent évidemment plus quand on est jeune qu’en fin de carrière. Mais allez faire admettre à un attaquant, que c’est lui qui doit sortir du jeu quand son gardien s’est vu brandir un carton rouge ? Tactiquement, c’est logique, mais pour l’attaquant, c’est une profonde injustice !"
La plus grosse colère à laquelle vous avez assisté dans un vestiaire ?
"À Anderlecht il y en a eu pas mal. Avec Jestrovic, Zetterberg ou même Kompany, il arrivait que cela pète, à l’entraînement ou à la théorie le lendemain d’un match perdu. Sinon, dans le genre colère contrôlée, mais enrobée d’une épaisse couche de causticité, Robert Waseige était un modèle…"
La défaite qui vous a fait le plus mal ?
"Sans doute aucun, notre élimination, face au Brésil, au Mondial 2002. Déjà parce que cette rencontre, dans la hiérarchie d’un joueur, se situe au sommet. C’est la Coupe du Monde, c’est le Brésil en face, difficile en effet de faire mieux. Alors, quand à l’issue d’un tel match on se dit qu’on pouvait passer, cela fait encore plus mal. Ajoutez-y l’aspect injustice, pour nous, qui colle à ce duel, vous imaginez pourquoi cette défaite, aujourd’hui encore, me fait et nous fait mal !"
Serait-ce le match que vous aimeriez rejouer ?
"Non. Je préférerais rejouer la finale de Coupe perdue face à Porto quand j’évoluais au Sporting Portugal. Il faut savoir que j’étais parti au Portugal avec des pieds de plomb et qu’à l’arrivée j’y ai connu mes plus belles années. Ce fut aussi, pour moi, le temps des premières. Premier transfert à l’étranger, premier sacre de champion, donc j’aurais voulu y joindre une première victoire en Coupe du Portugal. En plus, on a eu les opportunités pour s’imposer, mais sans les saisir. Voilà pourquoi j’aimerais rejouer ce match-là…"
Le match avec les Diables Rouges où vous avez été le meilleur ?
"Contre le Brésil. Ce match a d’ailleurs été longtemps mon match de référence car en face ce n’était pas n’importe qui. Or nous, petits Belges, collectivement, on a montré qu’on pouvait créer un exploit."
Quelle serait votre plus grande réussite ?
"Par rapport à ma carrière, c’est de pouvoir rendre aux gens, donc au foot amateur, ce qu’ils m’ont donné pendant tant d’années. C’est la motivation prioritaire du Challenge que j’ai mis sur pied. Le foot pro ne serait effectivement rien sans le foot amateur et à travers mon Challenge, je ferme la boucle de ma trajectoire personnelle. Et cela constitue, pour moi, une grande fierté."
Vous estimez devoir beaucoup au football ?
"Énormément. Le foot permet, dans la vie, de voir si tu peux être un leader, un créatif, un courageux ou pas, quelqu’un qui a l’esprit collectif ou pas. Le foot m’a apporté tout cela en plus de me permettre d’être reconnu comme homme, d’être intégré dans un pays qui n’est pas celui de mes origines."
Quel serait alors votre plus grand regret ?
"Sincèrement, je n’en ai pas. Je suis en bonne santé, j’ai une famille et je suis investi dans ma passion du ballon rond. Et puis, c’est quoi avoir des regrets ? De ne pas avoir joué, par exemple, à Manchester United ? J’aurais pu aussi ne jouer qu’en provinciale ! J’ai fait ce que je devais faire, avec des hauts et des bas, mais dans la finalité j’ai été stable, et c’est ce que j’essaye toujours de faire aujourd’hui."
Le transfert qui a failli se faire ?
"Je pouvais aller à Southampton quand je jouais à Anderlecht. Tout était réglé via Jelle Van Damme, mais à l’époque le principe de la location n’existait pas et l’affaire n’a pas abouti. Dommage, car j’aurais beaucoup aimé évoluer dans le championnat d’Angleterre."
Le stade où vous préfériez jouer ?
"En Belgique à Sclessin et à l’étranger c’était l’ancien stade de Galatasaray où l’ambiance était impressionnante."
La meilleure équipe dans laquelle vous avez joué ?
"Le Sporting Portugal avec lequel j’ai été champion alors que ce club attendait cela depuis 18 ans. Il y avait André Cruz, Conceiçao, Sa Pinto et Schmeichel, plus des internationaux brésiliens. Encore aujourd’hui, au niveau de l’affectif, c’est le club qui me tient le plus au cœur."
Et en Belgique ?
"Mouscron. Il n’y avait pas de stars, car la star c’était l’équipe. Ma première année là, c’était quelque chose d’irréel. On venait de rien et en une fois on jouait la tête. Un vrai rêve…"
L’équipier que vous aimeriez revoir ?
"Ricardo Quaresma. C’était mon pote au Sporting Portugal. On était tout le temps ensemble."
Le plus beau but que vous avez marqué ?
"Mon premier avec l’équipe nationale contre la Grèce. Une volée des vingt mètres. Un petit bijou…"
L’anecdote que vous n’avez jamais osé raconter ?
"La scène est cocasse. À l’issue d’un match Pologne-Belgique, on est dans le vestiaire, et Robert Waseige se recoiffe pour se rendre à la conférence de presse. Bob Peeters entre dans la douche, toute proche du miroir, met l’eau en marche et en une fois il y a un jet qui gicle sur le visage de Waseige. Ce dernier est furibard et comme il savait le faire, il "casse" littéralement Peeters devant tout le monde, le traitant de "gros veau". Un véritable assassinat verbal dont Peeters fut la victime. Seule certitude, par la suite, sous l’ère Waseige, plus jamais Peeters n’a été sélectionné pour rejoindre les Diables !"