"Je regrette de ne pas lui avoir demandé son maillot"
- Publié le 19-05-2018 à 21h19
Alors qu’il va disputer son dernier match avec le Barça, Andres Iniesta avait effectué ses débuts en 2002 lors d’une victoire au Club Bruges (0-1) avec, face à lui, Gaëtan Englebert "J’ai eu le privilège de mener une belle carrière, le bonheur de vivre des moments magiques. Mais il est une date que je n’ai jamais oubliée, un stade qui reste gravé dans ma mémoire. Car c’est ce soir-là que mon rêve est devenu réalité…"
Dans la salle de presse comble de la Ciutat Esportiva, le complexe d’entraînement du CF Barcelone, les gorges se sont serrées : une icône catalane va tirer sa révérence. La voix d’Andres Iniesta a chevroté, ses yeux se sont embués : l’émotion a submergé ce géant d’1 m71 qui annonce qu’au terme de la saison il se dépouillera d’un habit de lumière qu’il a fait scintiller pendant seize saisons. L’enceinte à laquelle il a fait référence est le stade Breydel de Bruges. La date qu’il a toujours retenue est celle du 29 octobre 2002, celle de ses grands débuts au plus haut niveau.
Ce soir-là, le Barça était venu défier le Club Bruges dans le match retour de la phase des poules de la Ligue des Champions. L’équipe catalane étant déjà qualifiée, le match était dénué de réel enjeu. Louis van Gaal, son entraîneur, avait laissé souffler quelques-unes de ses stars et titularisé plusieurs éléments du Barça B. Frank De Boer, Cocu, Kluivert et Overmars, notamment, avaient glissé sur le banc ou étaient restés en Catalogne. L’Argentin Juan Riquelme, qui avait débarqué à Barcelone un peu contre son gré, pour renflouer les caisses du Boca Juniors, allait inscrire l’unique but d’une victoire qui n’ajouta rien à la gloire du Barça.
Le stade Breydel ignorait à l’époque qu’il avait vécu un authentique événement : l’éclosion, à 18 ans, d’une future star mondiale du ballon rond. Gaëtan Englebert, un des acteurs de la rencontre, déplore de ne avoir eu une prémonition. "Le hasard a voulu que je fusse l’adversaire direct d’Iniesta. Je regrette aujourd’hui de ne pas lui avoir proposé d’échanger nos maillots. Nous étions plus soucieux d’acquérir ceux des vedettes confirmées. Avec le Club Bruges, j’ai affronté le Barça à quatre reprises. Ma collection de maillots s’est enrichie de ceux de Riquelme, de Javier Saviola et de Philipp Cocu. J’échangerais volontiers ces trois-là contre celui qu’avait enfilé Andres Iniesta ce soir-là."
Le médian liégeois du Club Bruges avait 26 ans. Les qualités innées de son tout jeune adversaire l’avaient déjà impressionné. "Iniesta disputait son tout premier match mais il s’était déjà hissé à un certain niveau. Sa maîtrise technique et sa conduite du ballon paraissaient naturelles. Elles se révélaient déjà supérieures à celles de certains de ses partenaires. Ce qui fait la différence entre un bon et un grand joueur est la faculté dont jouissent certains de débloquer n’importe quelle situation par une action individuelle, pas forcément spectaculaire. Iniesta exprimait déjà ce talent-là. On m’a assuré qu’il avait passé une partie du match à courir à ma poursuite. Moi, à certains moments, je me serais volontiers arrêté de jouer pour le regarder évoluer. Il portait déjà en germes les qualités qu’on a longtemps admirées chez lui et qui l’ont érigé en un des meilleurs médians offensifs que le football offensif ait révélés. Il se déplaçait comme il l’a toujours fait dans la suite de sa carrière : la tête levée et le ballon collé à ses pieds. Rares étaient les Brugeois capables de lui lui arracher quand il amorçait une action. En se comportant de la sorte, Iniesta offrait à ses partenaires de belles possibilités d’animer davantage encore les offensives des siens. Par son positionnement, par ses déplacements permanents, il recelait déjà l’art de débloquer n’importe quelle situation. La manière dont il sentait le foot était exceptionnelle."
Gaëtan Englebert voue toujours une énorme admiration à Andres Iniesta. "Il restera comme l’un des plus grands médians offensifs de l’histoire. Il n’a certes jamais inscrit une quinzaine de buts par saison mais, année après année, il s’est directement impliqué dans plus de 70 % des réussites du Barça."
Michel Dubois
Club Bruges : Verlinden; Maertens, Simons, Clément (68e Spilar), Lesnjak (80e Saeternes); De Cock, Stoica, Englebert, Van der Heyden (68e Ristic); Martens, Verheyen.
FC Barcelone : Enke; Navarro, Puyol, Tortolero; Gabri (89e David Sanchez), Gérard, Rochemback, Geovanni (62e Sergio Garcia); Iniesta, Riquelme; Dani.
Arbitre : M. Poll (Éco).
Avertissements : Van der Heyden, Gabri, Geovanni, Dani, Navarro.
Le but : 64e Riquelme (0-1).