L’épopée selon Virgil van Dijk
Le défenseur le plus cher du monde mène la défense des Reds, la plus imprenable d’Angleterre cette saison.
- Publié le 19-10-2018 à 18h10
- Mis à jour le 21-12-2018 à 19h31
Le défenseur le plus cher du monde mène la défense des Reds, la plus imprenable d’Angleterre cette saison.
Il porte le prénom de l’auteur de l’une des plus grandes aventures qui soit. Mais c’est sa propre histoire que Virgil van Dijk (né le 8 juillet 1991 à Breda) conte depuis mai 2011, et son premier match sous le maillot du FC Groningen.
Comme dans toutes les bonnes histoires, les rebondissements sont nombreux. Pour van Dijk, le premier prend la forme d’une croissance lente, qui pousse les formateurs de Willem II à évoquer une mise à l’écart d’un ado jugé trop petit pour le poste. "On me faisait jouer au back droit", se souvient Virgil pour le journal Daily Record. "J’avais seize ans à l’époque. C’était vraiment dangereux pour moi, car ils pensaient vraiment à me mettre dehors. J’étais l’un des pires joueurs de l’équipe : lent, petit. Je n’étais pas bon."
Le miracle se produit lorsqu’il prend soudainement vingt centimètres en quelques mois, lui permettant d’atteindre un très respectable mètre 93.
"Ils m’ont accordé une deuxième chance, que j’ai saisie à deux mains : je suis devenu le capitaine de l’équipe", explique-t-il.
Malgré ce regain d’intérêt du club de Tilburg, Virgil van Dijk file à Groningen, dans le nord des Pays-Bas.
La peur au ventre
Nouveau rebondissement. C’est encore une fois son corps qui le trahit. Mais c’est nettement plus grave qu’une croissance qui tarde à se terminer.
"Je souffrais d’un abcès dans l’abdomen", relate le défenseur, toujours au Daily Record. "On pensait que c’était juste un mal de ventre. Sauf que deux jours plus tard, j’ai vomi un machin vert. Les médecins ne trouvaient rien. Je suis allé à l’hôpital, car je n’en pouvais plus de cette douleur et on m’a annoncé que je devais être opéré. J’étais sérieusement malade."
Plus tout à fait un gamin, mais pas encore un adulte, van Dijk encaisse et passe donc sur le billard.
"J’ai perdu quinze kilos, j’avais un poison dans mon organisme. L’abcès a failli exploser. Je suis resté hospitalisé durant douze jours."
Ce gros pépin de santé freine son début de carrière. Opéré en avril 2010, il n’est pas du tout prêt à entamer une pré-saison avec un club de l’élite néerlandaise. Il lui faudra donc attendre la fin du championnat pour être officiellement un joueur pro.
Il est lancé. Enfin. Très vite, il impose sa taille au cœur de la défense groningoise, avec une jolie 7e place acquise en 2013. Si le club encaisse beaucoup (on parle bien d’une défense d’Eredivisie), le jeune homme de 21 ans brille à la fois pour son jeu de tête, mais aussi pour sa relance élégante, dans le plus pur style batave.
Explosion écossaise
Grâce à ses qualités, il tape dans l’œil du Celtic, qui le recrute cet été-là pour 3 petits millions d’euros. Une somme certes dérisoire, mais pas totalement illogique, sachant que Van Dijk est toujours à l’époque un illustre inconnu.
Une seule personne n’en croit pas ses yeux : Neil Lennon, le futur coach du Néerlandais à Glasgow.
"À Groningen, il était capable de sortir une balle de sa défense, d’effectuer une transversale de 35,45 mètres qui arrive pile-poil dans les pieds de son ailier. Je me suis dit que des clubs anglais devaient être là pour lui. Et à la fin, on l’a eu pour 3 millions d’euros. Je ne pouvais pas croire la chance que je venais d’avoir", se rappelle-t-il, dans les colonnes du Herald Scotland.
Comme s’il en avait assez d’attendre, Virgil van Dijk s’installe directement dans la charnière centrale des Bhoys. Avec eux, il rafle deux titres de champion (cela reste presque anecdotique en raison du manque criant de concurrence face au Celtic). Surtout, il dirige une défense qui ne se mangera que 25 et 17 buts en deux championnats. Solide…
"Il est énorme physiquement, est super rapide, bon balle au pied et puissant dans le jeu aérien", dit de lui Ronny Deila, son coach lors de sa dernière année en Écosse. Lennon le qualifie même de "Rolls Royce". Tout ce qui constitue le grand défenseur moderne semble donc se retrouver dans le jeu du Batave, âgé alors de 24 ans.
Lequel veut désormais attirer l’attention de Danny Blind, le sélectionneur néerlandais, qui doit tout doucement constituer un noyau pour emmener les Pays-Bas à l’Euro 2016. "Si je joue en première division hollandaise ou anglaise, j’aurai droit à plus de reconnaissance évidemment", avoue-t-il en assumant totalement son envie de quitter la Scottish Premier League. "On m’a conseillé de partir, car cela me permettra de grandir en tant que joueur et augmentera mes chances d’être sélectionné."
Un discours on ne peut plus clair…
Débarquement anglais
Forcément, il attire les convoitises des scouts du grand frère anglais. Sauf qu’il termine sa course à… Southampton. Si les Saints représentent à l’époque une belle équipe du subtop anglais, on s’attendait à ce que ce soit les pontes de la Premier League qui s’offrent un élément jeune, mais déjà fort de quelques saisons d’expérience (y compris en Ligue des Champions) et surtout talentueux.
"J’ai reçu pas mal d’appels de ces clubs", se remémore encore Neil Lennon. "Je ne comprenais juste pas ce qu’ils attendaient. Southampton a fait ce qu’il fallait."
Selon l’ex-coach du Celtic, c’est une certaine arrogance très english qui aurait coûté ce transfert aux grosses écuries. "Peut-être que leur perception du championnat écossais les a induits en erreur. Certains doivent s’en mordre les doigts…"
Tant pis pour eux, ce sont les Saints qui profiteront des talents du grand Virgil contre 16 millions.
C’est surtout le cas de Ronald Koeman, lui-même ex-entraîneur baigné dans une culture plutôt joueuse, très cruyffienne, lui qui fut l’un des héros du Barça du grand Johan. Porté par cette philosophie catalano-néerlandaise, van Dijk grandit encore un peu plus et réalise une excellente saison. Fort dans les airs, propre dans ses interventions (il n’a pas besoin de tacler comme un bourrin pour intercepter des ballons), bien placé, le jeune homme réalise une saison de patron, avec seulement 11 minutes non prestées en Angleterre. Bref, en quelques mois, le défenseur a prouvé qu’il avait bien la carrure pour s’imposer en Premier League malgré les interrogations de départ.
La saison suivante est à l’avenant, jusqu’à ce que sa carrière connaisse un troisième coup d’arrêt : une grosse blessure à la malléole encourue en janvier 2017 et qui le condamne à l’infirmerie jusqu’à la fin du championnat. Encore une fois, il est mis sur le côté…
Une demande qui passe mal
En coulisse, le Néerlandais et son entourage s’affairent pour grimper d’encore un étage en rejoignant un membre du Big Six. Chelsea, Liverpool (déjà !) et Manchester City se jettent cette fois sur lui.
Du côté du club, on apprécie très moyennement les tentatives du capitaine de s’extirper du navire. Entre entraînement brossé (selon le board des Saints), amende carabinée et surtout deux versions qui divergent, le divorce est consommé entre les deux parties dès l’été 2017. "Le temps que j’ai passé sans pouvoir jouer m’a permis de mettre certaines choses en perspective et de réaliser à quel point il est important de saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent", explique-t-il dans un long communiqué, où il officialise son envie d’aller voir ailleurs.
Cap au nord !
Après une première partie de saison qu’il passe en partie sur le banc (et dans un climat un poil étrange), il quitte finalement le sud de l’Angleterre pour Liverpool. Les Reds dépensent même la somme record de 84 millions d’euros. Il est loin le temps de l’aubaine de Groningen…
Il ne lui fait pas longtemps pour s’imposer en défense centrale. Jürgen Klopp, qui apprécie les défenseurs capables de relancer proprement et rapidement, a trouvé en Virgil une recrue de choix. Plus présent au ballon, il intervient plus dans le jeu, mais toujours avec sobriété et précision (90 % de passes réussies depuis ses débuts à Anfield). Et c’est également lui qui possède le plus gros pourcentage de duels gagnés la saison 2017-2018 (72,3 %). Comme au Celtic, comme à Southampton, van Dijk franchit sans souci le cap vers le top niveau, avec même une finale de Ligue des Champions à la clé.
Longtemps, Liverpool a été moqué pour son attaque de folie, mais sa défense très légère. Et a couru après un défenseur solide, capable de porter une base arrière qui encaissait trop (43,3 buts par saison depuis l’arrivée de Klopp). Il semblerait que les Reds l’aient trouvé en van Dijk, sa tignasse et surtout sa maîtrise.
Sans être du calibre d’un Sergio Ramos ou d’un Diego Godin, VvD est devenu le patron derrière, à la fois en club ou en équipe nationale, dont il porte aujourd’hui le brassard de capitaine. À 27 ans, il possède en outre toujours une certaine marge de progression, notamment dans la constance et la régularité, deux domaines où il doit encore s’améliorer.
C’est déjà pas mal, surtout après avoir été quasi perdu pour le foot au milieu de l’adolescence…