Dossevi : "On était prêt à mourir sur le terrain"
Matthieu Dossevi retrace la journée du 20 mars 2016 qui a sauvé la saison du Standard.
- Publié le 14-03-2018 à 09h59
- Mis à jour le 14-03-2018 à 11h30
Matthieu Dossevi retrace la journée du 20 mars 2016 qui a sauvé la saison du Standard. "C’était une atmosphère de dingue. À chaque offensive, ça bouillonnait, dès qu’il y avait une faute, ça gueulait. On avait l’impression d’être à Sclessin, ça donnait la chaire de poule. Cette finale, elle ne pouvait pas nous échapper." Les souvenirs sont encore intacts dans la tête de Matthieu Dossevi, passeur décisif de cet après-midi. Le Français revient sur ce match face à Bruges, qui a sauvé la saison du Standard.
Matthieu, cette finale reste votre meilleur souvenir au Standard ?
"Cela fait partie des super moments passés là-bas, encore plus avec le contexte qui entourait cette finale après l’énorme déception de la défaite à Malines. Il y avait énormément de pression et, au final, c’était une délivrance et une superbe communion avec nos fans."
Vous souvenez-vous de l’atmosphère dans le groupe durant les jours qui ont précédé ce match ?
"C’était une semaine particulière car on était tous déçus de cette élimination des PO1. On avait fait le job contre Genk lors de la 29e journée et tout s’est écroulé à Malines alors que tout le monde nous voyait gagner. Le début de semaine a été plutôt morose. On s’est ensuite remis dans le bain car on avait une opportunité inouïe de directement sauver notre saison. On s’est alors remobilisé et on s’est tous parlé. Il ne fallait pas se disperser. On s’était dit qu’on se focaliserait sur ces 90 minutes, ou plus même, et qu’on allait faire le bilan après."
Vous étiez au pied du mur.
"C’est justement le côté tragique de la situation qui nous a donné un supplément d’âme afin de nous surpasser. C’était une force supplémentaire."
Le groupe s’est relevé à quelques jours de la finale.
"Plus le temps passait, plus on sentait une force jaillir du vestiaire. L’excitation, positive, grandissait au fur et à mesure que les jours passaient. Malgré la blessure de la défaite à Malines, toujours ouverte, les supporters ont toujours été derrière nous. On recevait énormément de messages de l’extérieur. Cela a fait notre force. Durant la semaine, les fans nous ont fait sentir qu’on ne devait faire qu’un. Ils nous l’avaient assuré : ils allaient mettre une ambiance de dingue. On l’a vu avant le match. Au coup d’envoi, on était littéralement prêts à mourir sur le terrain."
Bruges était pourtant largement favori.
"C’est clair. Bruges était en pleine bourre et nous, nous étions le petit Standard malade qui peinait à se remettre sur pied. Tous les feux étaient au vert pour Bruges. Mais c’est ça qui fait la magie d’une finale. On a su se sublimer et, dès l’entame de match, on a donné le ton. Le contexte nous a aidé. Peut-être qu’avec la qualification pour les PO1 en poche on aurait abordé cette finale l’esprit plus léger et on l’aurait peut-être perdue. Il n’y a pas de fatalité dans le foot, il faut savoir tirer avantage de chaque situation."
Vous souvenez-vous de l’atmosphère qui régnait le jour J ?
"C’était pesant. On avait envie d’y être dès le matin. On parle moins à table au petit-déjeuner. Ceux qui ont l’habitude de blaguer sont concentrés. Tout le monde était dans sa bulle. On avait l’impression que les heures ne passaient pas."
Vous, personnellement, comment vous êtes-vous préparé ?
"J’avais la rage de la remporter surtout avec cette désillusion des PO2. Je ne suis pas de ceux qui vont prendre la parole pour motiver les troupes. Je me suis mis dans mon match dès le matin. J’ai encore regardé des vidéos de Bruges pour prendre d’ultimes renseignements sur l’adversaire, pour être totalement prêt. On pouvait sauver la saison et arracher un ticket européen. C’est assez rare d’avoir cette opportunité une semaine seulement après avoir pris une gifle. J’étais au taquet, il fallait l’emporter, il n’y avait pas d’autre issue possible. Au coup d’envoi, je me suis alors dit qu’elle ne nous échapperait pas."
"Cette victoire, c'était pour Yannick"
La victoire en Coupe avait retardé l’échéance pour Ferrera
La saison 2015-2016 n’aura pas été de tout repos pour les supporters mais aussi pour le staff de l’époque. Les Liégeois avaient débuté la saison avec Slavo Muslin avant de voir débarquer Yannick Ferrera au début du mois de septembre.
Le jeune coach connaîtra des débuts délicats. Quelques semaines plus tard, après une défaite à domicile face à Westerlo, le Standard pointe à la dernière place au classement. Au fur et à mesure des semaines, les avis divergeaient en interne quant à l’avenir du T1 bruxellois.
Contre vents et marées, Yannick Ferrera parvenait tout de même à propulser son équipe au stade Roi Baudouin où, clairement, il jouait sa tête. En interne, seul le président Bruno Venanzi le soutenait encore. Une défaite face à Bruges aurait donc pu accélérer le processus puisque Ferrera allait être licencié six mois plus tard. Après l’échec de la non-qualification en PO1, Ferrera avait tout de même remobilisé ses hommes.
"Durant la semaine, le coach avait su trouver les mots pour rebooster tout le monde", se souvient Dossevi. "Il était assez proche des joueurs et il a accentué son discours sur la mobilisation. Il nous avait dit que le foot était un sport unique qui nous permettait, en une seule semaine, de passer d’une déception énorme à une joie immense. Il fallait saisir cette opportunité. Il avait déclaré : ‘OK, la saison a été ce qu’elle a été, mais on peut réaliser quelque chose de grand. Faisons-le pour le club et les supporters.’ La suite, on la connaît."
La situation délicate de leur entraîneur, les joueurs la connaissaient. C’est pourquoi, certains lui ont dédié cette victoire comme Matthieu Dossevi.
"J’étais attaché à lui et donc content de lui offrir cette Coupe. Notre aventure au Standard a débuté en même temps. Je me souviens encore qu’il était dans les bureaux du stade lorsque je suis arrivé en fin de mercato. On a été proche du début à la fin. Je savais que, pour un si jeune coach, un titre, c’était très important. Si on loupait cette finale, ses jours étaient comptés. On devait le faire pour lui."
"J'ai dit à Yvan : mon objectif est de te faire briller"
C’est sur une offrande de Dossevi que Santini a offert la victoire au Standard
On joue la 88e minute de jeu ce 20 mars 2016 lorsque Matthieu Dossevi, bien servi par Colins Fai sur le flanc droit, adresse un centre parfait pour Ivan Santini. Le Croate surmontera le défenseur brugeois pour délivrer les 20.000 supporters rouches présent à Bruxelles.
"C’est clairement un de mes assists les plus importants mais je pense que tout le mérite en revient à Ivan", précise le Togolais. "J’ai levé la tête et je l’ai vu. J’ai alors visé la zone mais c’est au final lui qui a bataillé et mis sa tête là où d’autres se seraient peut-être baissés. C’était un but propre à Ivan qui ne lâchait jamais rien. Il avait vraiment un super état d’esprit et on était tous contents pour lui."
Cet assist, le 14e de sa saison (il en mettra 15 au total pour six buts ce qui lui vaudra d’être élu par les fans rouches de la saison), Matthieu Dossevi l’a travaillé à maintes reprises à l’entraînement avec l’attaquant croate.
"C’est vrai qu’on se trouvait facilement. On s’entendait aussi bien sur, et en dehors, du terrain. Je lui disais souvent : ‘mon objectif, c’est de te faire briller. Arrange-toi pour être dans la surface, le reste, je m’en charge. Si tu es dans la surface, le centre arrivera.’ Je m’étais alors appliqué et le centre est bien arrivé à destination."
Ce but venait alors couper les jambes des Brugeois au moment où celles des Liégeois étaient plus que vacillantes.
"On était totalement carbonisés", avoue Dossevi. "Malgré la supériorité numérique, on voyait qu’on était fébrile et stérile. On se voyait déjà aller aux tirs au but et se faire, pardonnez-moi l’expression, niquer (sic) comme ça. Il fallait alors mettre un dernier coup de collier."
La suite, ce n’était alors que du pur bonheur pour les Liégeois. "On a tout lâché. Toute la frustration d’une saison est sortie. Dans le vestiaire, on est resté un long moment ensemble. Ça chantait, ça dansait, on prenait des selfies. Ce sont des moments magiques qui restent gravés dans la mémoire."