Yannick Ferrera: "J’ai appris à prendre des coups et à me relever"
Désormais entraîneur de Waasland-Beveren, Yannick Ferrera revient sur les huit mois sans club qu’il a vécus.
- Publié le 21-09-2018 à 07h02
- Mis à jour le 21-09-2018 à 20h14
Désormais entraîneur de Waasland-Beveren, Yannick Ferrera revient sur les huit mois sans club qu’il a vécus. Depuis plus de trois mois désormais, c’est du côté de Waasland-Beveren qu’il assouvit sa passion pour le métier d’entraîneur. Mais avant de se lancer dans ce challenge, Yannick Ferrera a connu le premier creux de sa jeune carrière.
Durant huit mois, après son limogeage de Malines en octobre 2017, il est resté sans club. Huit mois durant lesquels le Bruxellois a pris du temps pour se ressourcer, pour voyager, pour visiter des clubs (dont le FC Barcelone), pour lire. Et faire le point sur ses premières années en tant qu’entraîneur.
Yannick, quand on reste huit mois sans club, on a peur de se retrouver sans rien ?
"Ce n’est pas une période évidente. Au début, vers décembre-janvier, on se dit qu’il va y avoir des changements d’entraîneurs, donc on attend. On entend des choses, des agents nous appellent, on commence à analyser telle ou telle équipe. Puis ils prennent quelqu’un d’autre et on se rend compte qu’on a regardé huit matches pour rien. Ensuite, en mai, on se dit que ça va bouger et quand ça ne bouge pas, on commence à se demander ce qu’on va faire."
Finalement, dix jours avant la reprise, Waasland-Beveren vous a proposé son projet. Pourquoi avoir accepté ?
"J’avais eu des contacts avec le Sparta Rotterdam et un club en Arabie Saoudite mais Beveren et moi, on voulait la même chose : de la stabilité. Alors que par le passé, je suis parfois passé, à tort, pour quelqu’un d’instable."
Parce que vous avez quitté Charleroi et Saint-Trond de vous-même.
"Tout le monde le sait, j’ai quitté Charleroi après un différend avec la direction mais je n’ai pas demandé un euro. Il n’y a rien de malhonnête ni d’instable là-dedans. Et à Saint-Trond, j’avais demandé à ce que mon contrat soit prolongé d’un an sans que mon salaire ne soit revu à la hausse d’un centime. En échange, je laissais tomber ma clause pour partir librement. Le club m’a alors dit qu’il ne faisait que des contrats d’un an. Et après notre bon début de saison, on m’a dit que des joueurs seraient vendus en janvier. Donc quand le Standard est arrivé, je me suis dit que je devais y aller, pour gagner des trucs. Et c’est ce que j’ai fait, malgré des débuts difficiles."
Là, c’est le club qui ne voulait pas que vous restiez...
"Oui, moi, je voulais rester. Comme à Malines d’ailleurs. Quelques semaines après mon renvoi du Standard, les Liégeois ont été éliminés en Coupe par une D1 amateure et n’ont pas accédé aux PO1. Et après mon départ, Malines a changé deux fois de coach et a transféré 9 joueurs en janvier. Donc dans un cas comme dans l’autre, le problème n’était peut-être pas Yannick Ferrera."
À qui on a souvent associé le qualificatif "arrogant". Comme lorsque vous avez déclaré être prêt à 200 % pour un club du top.
"Je n’ai aucun regret par rapport à cette déclaration. Alors que la situation était compliquée à Malines, on m’a demandé si j’étais prêt pour un club du top. Il suffit de consulter ma page Wikipedia pour savoir que j’ai déjà été dans un grand club et que j’ai déjà gagné dans un grand club. Donc bien sûr que j’étais prêt, à 200 %. Mais quand tu dis ça, que tu es entraîneur d’une équipe qui est mal en point et que tu es avant-dernier, les gens disent que tu es fou. Mais c’est totalement hors contexte. Quand on parle de soi et qu’on a des ambitions, on est considéré comme arrogant."
Cette étiquette vous colle encore à la peau ?
"Je l’ai eue durant tout un temps. Maintenant, je me fais oublier. Je ne suis plus sur les plateaux TV, je donne moins d’interviews. Je n’ai plus besoin d’avoir ma photo dans le journal. Les gens me connaissent. Quoiqu’il arrive, je serai jugé sur mes résultats."
Et quelles sont vos ambitions désormais ?
"Faire de mon mieux jour après jour, vivre de belles émotions en gagnant des matches et des trophées et voir où le vent me mène. Jusqu’au Standard, ma carrière avait toujours connu une progression linéaire, depuis mes débuts comme coach chez les jeunes jusqu’à la victoire en Coupe de Belgique. Mais neuf jours avant de devenir l’un des plus jeunes coaches à entraîner en Coupe d’Europe, j’ai été viré. Avec le recul, c’est un moment charnière. Avant, je voulais toujours voir plus haut. Puis je me suis rendu compte que ça ne servait à rien de faire des plans de carrière car on est dépendant de ça (il claque des doigts, NdlR ). De facteurs qu’on ne contrôle pas. Sur lesquels on est jugé. J’ai appris à prendre des coups et à me relever. J’enseigne ça à mes joueurs aussi. À Waasland-Beveren, je reste fidèle à mes valeurs, à mes idées. Je fais avec les armes qu’on me donne. Tout travail paie et je crois au destin. On se retrouve toujours là où on mérite d’être."
"Je ne me sens pas menacé"
Avec un bilan de 4 points sur 21, Waasland-Beveren connaît un début de saison compliqué mais Yannick Ferrera veut rester positif.
Quatre points sur 21 et une 15e place, juste devant Eupen. Le début de saison de Waasland-Beveren est très mitigé. "Sur le plan comptable, du moins", souligne d’emblée Yannick Ferrera. "Car notre manière de jouer et nos statistiques s’améliorent de match en match. Et honnêtement, on méritait quelques points en plus ces dernières semaines. Si le coup franc de Badibanga avait filé dans la lucarne au lieu de toucher la barre transversale face à Eupen, personne ne parlerait de problème. En tant que coach, j’arrive à relativiser. Le supporter, un peu moins, mais c’est son droit. Il paye un abonnement et a le droit de critiquer."
Certains fans waeslandiens ont même été jusqu’à réclamer le départ de leur coach le week-end dernier. Mais Dirk Huyck, le propriétaire du club, a, lui, réaffirmé sa confiance dans son entraîneur. "Je ne me sens pas menacé", affirme Ferrera. "Mais à Malines non plus, je ne me sentais pas menacé et on m’a mis dehors. Je sais que le football peut aller très vite. Regardez Sven Vermant. Il ne se sentait pas menacé non plus. Il restait trois matches de PO2, Waasland-Beveren a pris huit buts à Zulte Waregem et il a été viré. Menacé, un entraîneur l’est à chaque match. Même Leko à Bruges. S’il perd deux matches, ce sera la crise. Cela fait partie du métier."
Mais cela n’empêche pas le Bruxellois de s’impliquer à fond dans le projet de Waasland-Beveren. Même si les circonstances sont particulières. "Sur un noyau de 29 joueurs, il y a… 19 nouveaux. C’est beaucoup. Quand j’ai signé, début juin, il y avait déjà eu 11 transferts. Puis avec les résultats mitigés en début de saison, d’autres joueurs sont encore arrivés. Et la plupart sont très jeunes, il faut essayer de les faire progresser. Je pense d’ailleurs qu’on a l’effectif le plus jeune de D1. Donc on pourrait presque parler de post-formation pour certains joueurs. Mais c’est chouette aussi. Lorsque j’entraînais Saint-Trond, on a été champion en D2 avec une équipe de 22 ans de moyenne. C’est la preuve que jeunesse et résultats ne sont pas incompatibles."
Même si cela demande forcément un peu plus de temps. "Dès le premier jour, avec la direction, on a décidé de ne pas se fixer d’objectif. Le club a vendu beaucoup de joueurs, des titulaires, et est arrivé à la fin d’un cycle. On est en train de reconstruire quelque chose de nouveau, avec des jeunes. On a un projet sur deux ans, qui est la durée de mon contrat. Après 15 matches, on pourra dire pour quoi on va se battre. Même si pour l’instant, c’est clair qu’on se bat pour le maintien."
"Surpris par charleroi"
Près de six ans après avoir quitté le Mambourg, Yannick Ferrera va retrouver, ce samedi, le Sporting. Qui a bien grandi…
Le 14 février 2013, à la veille d’un match face à Anderlecht (le club de ses débuts), Yannick Ferrera démissionnait de son poste d’entraîneur de Charleroi. Près de six ans plus tard, le Sporting qu’il va retrouver samedi, avec Waasland-Beveren, a bien grandi.
"Je l’ai déjà dit : je ne m’attendais pas du tout à ce que le club évolue de cette manière. Les Zèbres ont joué les PO1 à trois reprises lors des quatre dernières saisons, cela prouve l’énorme travail qui a été effectué. J’ai déjà félicité Mehdi Bayat à ce sujet car ce qu’il réalise est remarquable."
Si quinze ans séparent les deux hommes et que le deuxième a… succédé au premier comme T1 du Sporting, Yannick Ferrera et Felice Mazzù font partie de la même génération d’entraîneur.
"On a passé notre licence pro ensemble", sourit le technicien bruxellois, qui sait qu’il ne vivra pas un samedi soir de tout repos. Car Charleroi est une équipe difficile à contrecarrer.
"Depuis quelques années, le Sporting a peut-être encaissé quatre ou cinq buts à une ou deux reprises, pas plus. Cela veut dire beaucoup de choses. C’est compliqué de se créer des occasions face à Charleroi. C’est une équipe bien rodée où tous les joueurs vont dans le même sens. Il y a un bon mixte entre l’expérience de joueurs comme Javier Martos ou Stergos Marinos, qui tiennent la baraque, et le dynamisme d’autres joueurs, plus jeunes. On sent aussi une rage dans ce collectif. Que ce soit pour Waasland-Beveren ou n’importe quelle équipe, Charleroi, c’est toujours un match difficile…"