Van Moer: "Battre Anderlecht ne suffit pas pour réussir sa saison"
Ancienne légende de la maison rouche, encore présent régulièrement dans les travées de Sclessin, Wilfried Van Moer diagnostique les problèmes de "son" Standard. Entretien.
- Publié le 01-05-2015 à 19h38
- Mis à jour le 02-05-2015 à 15h07
Wilfried Van Moer analyse la crise au Standard. "C’était mon bar durant des années", explique directement Wilfried Van Moer en nous accueillant à la brasserie Wembley, sur la grand-place de Hasselt, qu’il a revendue il y a un moment déjà.
À 70 ans, l’ancienne gloire de Sclessin coule des jours heureux dans le Limbourg. Toujours avec le ballon rond en toile de fond. S’il va souvent à Genk ("Enfin, pas en playoffs 2, ça ne m’intéresse pas"), son cœur est au Standard, où il va encore de manière plus que régulière. "Je reste supporter. Dans les mauvais moments comme dans les bons."
Pour l’instant, c’est loin d’être bon !
"C’est clair mais je reste derrière l’équipe. Quand je regarde le début des playoffs avec un match de bonne facture contre Bruges et une victoire contre Anderlecht, même si on peut imputer une partie de la faute à Besnik Hasi, je me disais qu’ils pouvaient faire quelque chose et aller chercher la troisième place."
Mais ce n’est pas suffisant pour l’instant…
"J’en attendais plus. Battre Anderlecht ne suffit pas pour réussir sa saison."
Avez-vous une explication ?
"Il n’est pas simple de définir le problème."
Peut-on parler d’une certaine versatilité ?
"Il est clair qu’avoir eu trois entraîneurs en un an ne permet pas une grande stabilité, de créer une base. Il y avait eu un départ positif sous l’ère Riga même si je m’interroge toujours sur la mise de côté d’Ivan Vukomanovic. Il faisait du bon boulot. On lui reprochait son manque d’expérience et peut-être une tendance trop défensive mais on aurait peut-être dû lui laisser sa chance. Avec Imoh Ezekiel en plus, il aurait pu jouer autrement. Il n’avait pas de force offensive."
Quel bilan tirez-vous de la période sous José Riga ?
"Pour le moment, cela n’a pas marché. La saison n’est pas réussie. Ses débuts étaient concluants mais les playoffs ont montré des choses plus négatives."
Pensez-vous qu’il partira en fin de saison ou avant ?
"Mettre un entraîneur dehors à quatre journées de la fin est inutile. Pour ce qui est de la saison prochaine, tout est entre les mains du patron, Roland Duchâtelet. Un coach est jugé sur son travail et ses résultats. Ces derniers ne sont pas bons. Le Standard mérite mieux que sa position actuelle."
Fustigez-vous certaines décisions de José Riga ?
"J’ai parfois eu l’impression que les joueurs ne savaient pas trop bien où aller, comment se placer. Un peu comme quand Trebel a joué à droite ou Ono dans l’axe. Je ne suis pas le coach, seulement un supporter qui, parfois, se pose des questions."
Parfois, il faut poser des choix compliqués…
"C’est le job de l’entraîneur. Il a essayé certaines choses mais cela n’a pas trop bien fonctionné. Le patron, c’est lui, et les joueurs évoluent sur le terrain selon les ordres reçus."
Il ne doit donc pas les pointer du doigt…
"Non. À moins qu’ils n’aient pas respecté le plan de base. Un entraîneur ne doit pas le faire en public même si je trouve qu’il ne doit pas pour autant prendre la responsabilité de l’échec pour lui. C’est dans le vestiaire qu’il faut évoquer tout ça."
Le Standard a surtout des problèmes de concrétisation depuis quelques matches. Comment l’expliquez-vous ?
"Les Liégeois ne possèdent pas de vrai tueur . Igor De Camargo devrait l’être mais il joue dans un rôle plus reculé, en soutien d’Imoh Ezekiel. Si le Standard ne parvient pas à scorer via ses avants, il faut le faire en groupe mais j’ai le sentiment qu’ils ne sont pas bien mentalement."
On pensait pourtant que ce duo allait faire des dégâts…
"Pour moi, ils doivent toujours jouer car ils sont vraiment complémentaires. De Camargo comme target-man et Ezekiel dans la profondeur. Parfois, ils ne sont pas bien servis même si j’ai déjà vu de belles séquences de jeu vertical et long."
Pour recevoir de longs ballons de qualité, il faudrait qu’ils soient distillés par un gars comme Julien de Sart…
"Ou un Adrien Trebel que je trouve très bien dans l’axe quand il peut jouer un peu plus haut que devant la défense. Mais tu ne peux pas jouer avec trois médians si tu veux maintenir deux pointes. Le coach doit trancher ; ce n’est jamais simple."
"La mentalité n'est pas toujours bonne"
Si Wilfried Van Moer se pose pas mal de questions sur le fond de jeu du Standard, il n’a pas hésité à s’exprimer sur la mentalité de l’équipe actuelle. Figure de proue du Standard au début des années 70, le médian veut voir du caractère sur la pelouse.
Beaucoup ont évoqué un manque d’envie chez les Standardmen . Avez-vous eu le même sentiment ?
"La mentalité n’est pas toujours bonne. À Courtrai, j’ai trouvé les joueurs un peu nonchalants. J’avais l’impression qu’ils n’avaient pas joué à 100 %. Ils ont évolué comme s’ils se rebellaient un peu contre le système en place. Ce n’était pas le vrai Standard."
Justement, quelle est la véritable mentalité du Standard ?
"Il faut se battre. Regardez Jelle Van Damme ou Igor De Camargo : ce sont des joueurs qui donnent tout sur un terrain."
Pourtant, Jelle Van Damme n’est plus incontournable…
"José Riga semble préférer Darwin Andrade. Il est plus rapide et plus technique, il n’y a pas photo. Jelle Van Damme apporte, lui, quelque chose en plus sur le terrain. C’est un meneur d’hommes. Un vrai leader."
Mais il faut aussi savoir jouer au football pour gagner des matches !
"Ils en sont capables mais les playoffs se jouent aussi à la grinta, au caractère. Une mi-temps désastreuse comme à Courtrai ne peut jamais se produire. Surtout pas en playoffs et surtout pas au Standard."
Craignez-vous que les joueurs terminent en roue libre car ils ne peuvent plus devenir champions ?
"Ils doivent viser les places d’honneur. Ils savent que leur bilan actuel est bien en deçà des attentes. Ils doivent réagir, même s’il pourrait y avoir un peu de je-m’en-foutisme."
Ce rôle d’arbitre du titre pourrait les booster …
"Même s’ils peuvent faire tourner le championnat, ils doivent jouer pour eux et non pour ennuyer les autres."
Une défaite contre Bruges? "Catastrophe"
Le Standard reçoit le Club Bruges ce samedi. Le duel semble disproportionné. Wilfried Van Moer, ancien grand médian du Standard et spectateur attentif à Sclessin, sait à quel point ce match est crucial. "Toutes les rencontres sont importantes mais si tu perds contre Bruges, tout est fini."
Les propos de Van Moer sont alarmistes mais justes. Il a compris l’importance de cette partie jouée à domicile contre le leader de la compétition. "En cas de défaite, c’est la catastrophe. Tu te retrouves avec un 3 sur 18 et bien loin au classement. Ne pas finir au moins 4e serait un échec. Le Standard ne peut jamais terminer derrière Charleroi ou Courtrai, même si ce sont de bonnes équipes."
Le pessimisme est de rigueur dans son chef. "Le Standard perd toujours contre Bruges ; je suis vraiment curieux de voir comment se comportera l’équipe et à quoi ressemblera le match. Pour gagner, les Liégeois devront jouer en étant costauds et techniques à la fois."
Car en face, Bruges ne fera pas de cadeaux aux Rouches. Les Blauw en Zwart doivent prendre les trois points face à cette équipe malade. "Même avec des tas de blessés, les Brugeois gagnent. Cela veut tout dire. Ils peuvent être champions et une victoire ce samedi les mettrait sur la bonne voie."
L’équipe qui l’impressionne le plus n’est pourtant pas celle de Michel Preud’homme. "La Gantoise est la plus agréable à voir jouer. Anderlecht possède aussi de grosses qualités mais quand je vois comment ils ont perdu contre les Buffalos … Tu ne peux jamais papoter (sic) comme ça sur une phase arrêtée à la dernière seconde. En plus, c’était déjà arrivé contre Bruges."
La solidité brugeoise est, selon lui, un facteur important. "Ils sont super bien organisés et savent jouer. Si la chance est de leur côté pour l’instant, on ne sait jamais ce qui peut se passer avec le Standard."
"Les supporters en attendent plus"
Cette saison, les fans du Standard ont tout connu et sont passés par toutes les émotions dans les travées de Sclessin. "Ils ont vécu de mauvais moments avec tout ce qui s’est passé autour de Guy Luzon", explique Wilfried Van Moer.
La suite de l’exercice a été légèrement plus positive. Ivan Vukomanovic était apprécié des fans et les points ont recommencé à tomber dans l’escarcelle desRouches. "Avec le retour d’Ezekiel, il y a eu une vague de positivisme au sein des fans. L’ambiance était plus positive."
Les piètres résultats actuels ont eu une mauvaise influence sur l’atmosphère en tribune. "Ils attendaient plus de leur équipe , explique l’ancien joueur. C’est normal. Ils commencent doucement à perdre patience. Contre Bruges, le match sera important autant sur le plan sportif que pour les supporters."
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